Rencontre avec Gérard Lanvin

On retrouve cette semaine Gérard Lanvin au cinéma pour une comédie de Jean Becker. Dans Bon rétablissement ! Gérard Lanvin, la soixantaine, se retrouve cloué au lit avec une jambe dans le plâtre. De cette simple histoire Jean Becker arrive à faire une comédie touchante. #Aficia vous propose de découvrir l’interview de l’acteur Gérard Lanvin.

L’histoire de Bon Rétablissement ! est basée sur le roman de Marie-Sabine Roger. Une comédie qui regroupe à l’écran Gérard Lanvin, Fred Testot, Swann Arlaud, Claudia Tagbo, Anne-Sophie Lapix…

Synopsis

Suite à un accident, Pierre (Gérard Lanvin), la soixantaine, se retrouve cloué au lit avec une jambe dans le plâtre.

Misanthrope au caractère bien trempé rêvant de silence et de solitude, voilà que le monde s’invite à son chevet. Il assiste alors impuissant à la valse quotidienne des médecins, infirmières et personnels hospitalier, puis de ses proches dont son frère Hervé (Jean-Pierre Darroussin).

Au fil de rencontres inattendues, drôles ou touchantes, Pierre reconsidère certains a priori et pose sur les autres un regard différent. Et, contre toute attente, ce séjour à l’hôpital finit
par ressembler à une renaissance…

Rencontre avec Gérard Lanvin

Qu’est-ce qui vous a séduit dans l’aventure de « Bon Rétablissement ! » : l’histoire ou le fait de collaborer finalement avec Jean Becker qui souhaitait votre présence dans un de ses films depuis plus de quinze ans ?

Gérard Lanvin : Quand Jean m’avait proposé « Les enfants du marais » je vivais depuis longtemps à la campagne. C’était une aventure à laquelle j’avais vraiment envie de participer, mais le producteur n’a absolument pas voulu entendre parler de moi. Qu’est-il resté de tout cela ? Une vibration, une volonté, un désir d’artiste entre Jean et moi. Une forme de fidélité. Quinze ans ! Depuis le temps, effectivement, que nous devions travailler ensemble, je ne pouvais qu’être sensible à son envie de venir vers moi avec ce formidable sujet. J’ai donc été très attentif à la lecture du scénario et j’ai rapidement saisi que je pouvais construire quelque chose de particulier concernant l’humanité de ce personnage.

Pour quelles raisons ?

Gérard Lanvin : « Bon Rétablissement ! » est un film, comme ceux déjà réalisés par Jean ou ceux de Claude Sautet, qui parle de nous, de nos travers, de nos préjugés, de nos forces et de nos faiblesses. Pierre, le personnage que j’incarne, est un homme assez bourru au départ qui se retrouve diminué, un peu à l’arrêt, cloué sur un lit d’hôpital. Cela n’arrange pas son caractère, à un tel point qu’il réagit d’abord très mal à toutes les interventions médicales, qu’il se replie sur lui-même. La psychologie du personnage devait évoluer vers une ouverture aux autres et ce n’est pas évident quand on doit jouer couché les trois-quarts du temps. C’est ce challenge, entre guillemets, qui m’a intéressé.

Comme Jean Paul Belmondo et Jacques Villeret, vous devenez un partenaire essentiel du cinéma de Jean Becker. En quoi vous ressemblez-vous ?

Gérard Lanvin : Je me sens totalement en phase avec Jean. Comme toutes les grandes gueules, il a beaucoup d’humanité, d’amitié et d’amour pour les gens. Il rend les plateaux de tournage joyeux. C’est un homme qui aime bien vivre, un épicurien, mais il est également très exigeant dans le travail et c’est important. Le tempérament de Jean me va très bien, il est comme celui de mon père, comme le mien, à l’ancienne. Généreux et réactif. En plein dans la vie.

Vous retrouvez-vous dans sa façon de construire des personnages et de raconter des histoires ?

Bon rétablissement - © SNDGérard Lanvin : Acteur de cinéma, je suis aussi spectateur du cinéma. J’adore son écriture, les histoires d’hommes qu’il développe, le spectacle qu’il en fait à travers le choix de ses acteurs, sa mise en scène.

Et dans son humour ?

Gérard Lanvin : L’humour de Jean m’a toujours plu justement à cause de ce point de vue qu’il a sur la vie, grâce à la façon qu’il a de faire rire avec des situations dramatiques. J’affirme : n’attendons pas que ce monsieur disparaisse pour reconnaître l’étendue de son talent. Comme disait François Valéry : aimons-nous vivant.

Dans ce film, il parvient à révéler la quintessence de ce que vous êtes, un mélange de forces évidentes et de fragilité cachée pudiquement. L’avez-vous ressenti comme ça ?

Gérard Lanvin : Je ne sais pas. Impossible de parler de moi de cette façon. J’ai lu le scénario, j’ai écouté Jean m’en parler, j’ai construit mon personnage en tentant de rendre humain et généreux un homme qui ne l’est pas forcément au départ. On pourrait croire qu’il est bourru, moi je dis qu’il a du caractère. Il fait partie de ces hommes de tempérament que j’aime incarner. L’intérêt réside aussi dans le fait d’amuser les gens avec quelqu’un qui a mauvais caractère. Moi ça m’amuse beaucoup. Ce sont ces bonshommes, ces mecs qui ont des valeurs, des points de vue, comme Jean ou comme Coluche, qui m’intéressent. Les consensuels m’emmerdent.

En quoi est-ce que cela a influé sur votre jeu de passer une bonne partie du tournage allongé sur un lit d’hôpital ? Est-ce que cela vous a permis, vous qui êtes très physique, d’apporter plus de fragilité à votre personnage ?

Gérard Lanvin : Je n’avais encore jamais fait ça. Dans le plâtre, cloué sur un lit, cela ne vous autorise pas à certains gestes, à certaines façons d’être. Alors, on doit aller puiser dans ce qui est écrit et je le répète, dans l’humanité du personnage, dans son tréfonds. Quand on tourne un film d’une heure et demie allongé, il est bien évident que si l’on propose toujours la même chose cela peut être vite fatigant pour l’acteur et pour le spectateur. Donc il fallait que ce soit riche en événements et subtil dans les manières d’interpréter les différents stades de l’évolution du personnage, de sa phase de réanimation jusqu’à sa sortie de l’hôpital.

Pierre est très humain sous des dehors ronchons, très pudique également. Est-ce que vous vous retrouvez en lui ?

Gérard Lanvin : Je préfère dire qu’il nous ressemble plutôt que je lui ressemble. Nous sommes parfois faibles, parfois forts, lâches ou courageux, tout dépend des circonstances. Ce sont elles qui décident souvent pour nous. Pierre est effectivement bourru, intransigeant, psychorigide, mais il fallait le rendre sympathique, que le spectateur puisse se retrouver en lui. Alors, forcément, on puise un peu dans ce que l’on est, dans ce que l’on a observé des autres.

On se rend compte, au fil de l’histoire et des flash-backs, que Pierre n’a pas été totalement épargné par la vie. Peut-on parler de carapace en ce qui le concerne ?

Gérard Lanvin : Sa femme est morte d’une maladie longue et douloureuse. Il travaillait sur une plate-forme pétrolière, il était souvent absent. Pierre s’en veut de ne pas avoir plus donné à son épouse, ils n’ont pas eu d’enfant. Il est dans la frustration et dans la culpabilité. Tout cela fait de lui un être difficile d’accès, un peu carapacé, oui. Se retrouvant handicapé par ses blessures, il va découvrir qu’il doit forcer ce carcan pour s’ouvrir aux autres parce qu’il a besoin d’eux. Les situations comiques naissent de cette résistance qu’il met à accepter cette nouvelle situation et des transformations qui en découlent. C’est un personnage très intense à jouer dans le sens où il n’est pas monolithique, il possède de multiples facettes.

« Bon Rétablissement ! » est également un film qui tord le cou aux préjugés. Forcément ça vous plaît.

Gérard Lanvin : Vous savez ce qu’on dit : il ne faut pas se fier aux apparences sinon on n’aurait jamais mangé d’oursins. Oui, il faut se laisser aller dans le désir de la rencontre. Mais parfois on vous colle une étiquette. Moi, par exemple, il paraît que je fais peur alors que, quand on me connaît, c’est tout le contraire. Les préjugés, il faut les laisser aux cons qui ne veulent pas changer. Le mot préjugé a été créé pour eux.

C’est le genre de rôle qui fait penser à ceux tenus par Lino Ventura. Une filiation que vous pourriez revendiquer ?

Gérard Lanvin : Nous avons été assez lié et nous devions tourner un film ensemble qui ne s’est pas fait à cause de sa mort. Mais, il faut éviter toute forme de comparaison. Moi je n’y pense jamais en tout cas. Par contre, on peut parler d’un esprit commun qui consiste à traverser la vie, armé de valeurs fortes et indispensables.

Vous êtes-vous préparé d’une façon particulière pour incarner Pierre ?

Gérard Lanvin : Il fallait juste se servir de sa propre expérience. A mon âge, j’en ai vécu quelques-unes, même si je suis, paraît-il, un « sexygénaire ». Il m’est déjà arrivé de me retrouver à l’hôpital, d’avoir à faire à des infirmières, à qui je dis encore merci tous les jours parce qu’elles font un boulot tellement remarquable, tout en étant parfois méprisées.

Quel genre de réalisateur est Jean Becker ? Donne-t-il beaucoup d’indications en amont ou plutôt au quotidien ?

Gérard Lanvin : Je n’ai pas vu Jean en amont du tournage. Ses films me suffisaient, j’avais confiance. Sur le plateau, il fallait rester disponible pour évoluer avec l’histoire et quand je dis disponible c’était jusqu’à changer certains dialogues ensemble ou laisser place parfois à l’improvisation.

Et si Jean Becker vous proposait un second film tout de suite ?

Gérard Lanvin : J’en rêve, histoire de rattraper le retard. Si c’est demain matin j’y vais. Ce que j’ai vécu avec lui, au-delà du film, est irremplaçable. Avec lui, on ne s’inquiète jamais. Avec Jean, j’irais au bout de la terre.