Axelle Red en interview : « Je suis assez fière de ce que j’ai fait »

Retour flamboyant pour la chanteuse belge ! Axelle Red dévoile un best-of, lequel renferme une vingtaine de chansons, populaires pour certaines, moins connues pour d’autres, mais toutes réinventées. Baptisée « The Songs Acoustic », cette compilation comporte également un titre inédit et fait l’objet d’une tournée européenne qui fait escale en France. Rencontre.

Au bout de vingt-cinq ans de carrière, Axelle Red a ressenti le besoin de se ressourcer pour retrouver l’artiste complète qu’elle est, auteur, compositeur et interprète. En réenregistrant quelques-uns de ses titres, la chanteuse a voulu mettre en perspective les différentes facettes de sa personnalité – une femme à la fois romantique et engagée -, pour le public et pour elle-même, comme une thérapie indispensable à la poursuite de sa carrière. L’artiste aux multiples tubes, de « Sensualité » à « Rouge ardent », en passant par « Ce matin » et « Parce que c’est toi », regarde dans le rétroviseur sans nostalgie et se souvient pour aficia. L’occasion d’établir également un plan de route pour les années à venir.

Axelle Red : l’interview…

Comment s’est effectué le choix des chansons à réenregistrer pour cet album ?

J’ai choisi celles qui me décrivent musicalement et qui représentent bien la personne que je suis. Et puis je voulais des chansons que le grand public ne connaît par forcément. Ce sont des chansons que j’appelle orpheline. Je trouvais qu’il était plus généreux de faire une partie avec des chansons qui appartiennent au public, celles qui les ont accompagnées dans leur vie ; et une partie où j’ai vraiment fait au feeling. J’ai écrit plus d’une centaine de titres et publié huit albums. Je dois vous avouer que ça n’a pas été évident de faire ce choix.

Il y a quand même plusieurs tubes manquants, comme « J’ai jamais dit », « A quoi ça sert » ou même « Manhattan-Kaboul ». Vous pensez qu’on les a trop entendus ou vous n’aviez tout simplement pas d’idées pour les réinventer ?

C’est vrai que ce n’était pas évident. Je voulais faire un album et pas un double. En ce qui concerne « A quoi ça sert », je me souviens qu’on avait commencé. Les arrangements que j’avais en tête étaient très ambitieux et nous n’avons pas réussi à terminer comme je l’aurais voulu. Pour « Manhattan-Kaboul », je l’interprète tous les soirs sur scène parce qu’elle appartient au public. Et même si elle est aussi pour moi très importante, je voulais mettre davantage l’accent sur mon univers, sur mes compositions et mes écritures.

« Être engagé ne veut pas dire être révolté 365 jours par an. »

Votre duo avec Renaud est pourtant encore d’actualité, bien malheureusement. Tout comme « Ma Prière » ou « Le monde tourne mal » et « Venez vers moi », qu’on retrouve aussi sur best of. Ça signifie que rien n’a changé ?

Quand on parcourt mon répertoire, on se rend effectivement compte qu’il y a eu deux albums plus engagés. Ce sont des choses qui me préoccupent énormément, oui, et c’est triste, je suis d’accord. Mais j’essaie aussi d’alterner avec mon état positif. C’est comme ça que je contre-balance. Cette semaine il y a eu la Journée de la femme. Il ne devrait pas y avoir de Journée de la femme. Si on avait les mêmes droits sur cette planète, ça n’existerait pas. Il n’y a pas de Journée de l’homme ! (Rire)

Vous qui avez chanté « Rester femme » et « La claque », quel regard portez-vous sur la condition de la femme dans notre société, en 2016 ?

Je trouve qu’il y a une légère évolution et une prise de conscience. Notamment de la part des hommes. Que je trouve très positive d’ailleurs. Parce que sans les hommes on ne peut pas avancer. Un bon féminisme, pour moi, c’est tout simplement de l’humanisme. Par exemple, aujourd’hui, on ne rigole plus des mêmes blagues. Et c’est assez symptomatique de l’évolution des mentalités. On va plus facilement juger quelqu’un qui ose dire un mot de travers au sujet de la condition de la femme de nos jours. Mais d’un autre côté, c’est déplorable que dans certaines régions du monde, la moitié de la population n’a pas encore les mêmes droits que l’autre moitié. Il y a encore un très long chemin à faire quand même.

A l’écoute de vos deux derniers albums, j’ai aussi le sentiment que vous êtes moins engagée qu’auparavant. Comment l’expliquez-vous ?

Pour moi, être engagé ne veut pas dire être révolté, anxieux et dans le combat 365 jours par an. Les personnes qui viennent me voir chanter pendant mes concerts se rendent compte de mon humanisme, aussi bien à travers mes chansons que dans ce que je peux raconter. Mais il est vrai aussi que je me suis permis de me protéger avec d’autres idées, du romantisme et de l’idéalisme, que l’on retrouve justement dans mes disques Un cœur comme le mien et Rouge ardent. Pour tout vous dire, aujourd’hui, je suis une vraie éponge. Je me sens obligée de mettre rapidement un terme à un conflit sinon je ne survis pas. (Sourire) Il y a des moments où je me dis, qu’effectivement je pourrais faire plus, et j’en suis consciente, mais j’essaie de trouver un juste milieu. Et ce n’est pas toujours évident. En tout cas, j’ôte de ma bouche le mot culpabilité. Il ne sert à rien.

Sur cet album, il y a une version qui a particulièrement retenu mon attention, plus poignante encore que l’originale. C’est « Parce que c’est toi ». Quelle est l’histoire de cette chanson ?

Je l’ai écrite à un moment où j’étais extrêmement romantique. Je me souviens très bien, j’étais au Québec. J’allais me produire pour un festival d’été et j’en ai profité pour faire quelques visites. Je voulais voir des baleines. Il faisait très froid ! Sur le chemin du retour en direction de Montréal, la combinaison du soleil et du froid sur les oreilles m’a inspiré ce texte. Je l’ai pondu en une seule fois. Ça m’arrive rarement. (Sourire) Et d’ailleurs, l’année d’après j’ai écrit tout aussi vite « Je me fâche ». (Rire) Je suis une vraie romantique !

« The Songs Acoustic » comporte un titre inédit. Est-ce un premier avant-goût d’un album à venir ?

Absolument. En fait, à l’époque de Rouge ardent [ndlr, son dernier album publié en 2013], j’avais enregistré seize chansons. Mais que la musique. Je n’avais écrit les textes que des dix chansons qui sont parues. J’avais gardé les instrumentaux de côté pour la suite. J’ai pris l’un d’entre eux et j’ai écrit un texte. Et voilà comment est né « Il y en a ». Maintenant, il faut simplement que j’en écrive plus si je veux pouvoir publier un album entier.

Il y a donc bel et bien un projet en cours ?

Oui, bien sûr. D’ailleurs, c’est grâce à ce best-of que j’ai trouvé comment me ressourcer. Du coup, ça m’a débloqué. Parce que je suis passée par une phase de frustration. Il y a tous ces titres moins connus que je n’avais pas eu l’occasion de faire sur scène et que je peux enfin me permettre de chanter. Du coup, je vois sur scène un meilleur résumé de moi-même et ça me permet aujourd’hui de pouvoir avancer.

« J’ai quelques frustrations. Je me dis que j’aurais pu chanter différemment. »

Sur cette nouvelle compilation, vous avez travaillé avec des musiciens que vous connaissez bien. Comment peut-on justement arriver à se renouveler dans ce cas-là ?

Ce n’est pas évident, je suis une artiste solo. Il y a des musiciens qui parfois vont apporter une couleur nouvelle, et d’autres une certaine constance. Il y a des personnes avec lesquelles j’ai quasiment tout partagé. Ce sont de vrais compagnons de route. Je suis assez fidèle aux musiciens parce que j’ai du mal à m’en séparer. Surtout quand musicalement et humainement ça se passe bien. D’habitude, je fais un chemin de dix ans avec eux. Mais parfois je vais aussi repêcher des gens avec lesquels j’ai travaillé il y a longtemps. Là on revit de nouvelles choses. C’est aussi très important de changer d’équipe de temps en temps. Il y a encore tellement de musiciens qui m’inspirent. C’est chouette quand même de se dire qu’on a envie de travailler avec untel ou untel. Ça ouvre des perspectives !

Un best-of c’est aussi l’occasion de regarder dans le rétroviseur. Quel bilan tirez-vous de votre carrière ?

Je suis assez fière de ce que j’ai fait. Chaque fois que j’ai fait un album, je suis allée au bout de ce que je voulais faire. Mais, avec un peu de recul, j’ai aussi quelques frustrations parce que je me dis que j’aurais pu chanter différemment ou choisir un mot plutôt qu’un autre… Avec ce best-of, c’est comme si je pouvais donner une seconde chance à ces chansons-là. C’est aussi l’occasion pour moi de dire que j’ai quand même réussi à exprimer qui je suis.

Si on ne devait retenir qu’un seul album d’Axelle Red, lequel serait-il ?

Ce serait Rouge ardent ! C’est le meilleur de moi. Il y a l’expérience et, en même temps, il y a une boucle qui se referme, avec le romantisme retrouvé.