Illustration Concert Festival - © Harrison Haines
Illustration Concert Festival - © Harrison Haines

L’ère Post-Covid dans l’œil des professionnels de la musique

Exclusivité aficia

Cela fait bientôt deux ans que les salles de concerts sont privées de publics et de concerts. Mais ça y est, ces dernières rouvrent ! aficia a donné la parole à deux programmateurs de salles afin qu’ils nous donnent un peu la température face à cette ré-ouverture que l’on souhaite passionnante et pérenne… 

Ce sont quasiment deux années d’interruption que viennent de subir les salles de spectacles, salles de concerts et autres Zéniths. Devant ainsi reporter ou annuler tour à tour leurs dates, sans réel avenir certain. Mais enfin, après des mois et des mois sans musique, les salles rouvrent et ont dévoilé pour la plupart leur programmation pour la saison 2021/2022. 

Nous étions curieux de savoir quelle était la philosophie des programmateurs de ces salles, de ces professionnels qui travaillent dans l’ombre et qui espèrent une reprise normale et pérenne de leur activité.

Entre annulation, reports, négociations à répétitions, perte potentielle du public… chaque jour est un combat. Et à l’heure où l’on voit le bout du tunnel, nous sommes donc allés à la rencontre de deux professionnels de la musique et plus précisément, de deux programmateurs de salles de concerts. 

D’un côté,  Alexandre Langlais, chargé de programmation de l’Usine à Istres (13) et du festival Les Nuits d’Istres (13), de l’autre, Ludovic Bousquet-Carton, programmateur du Krakatoa à Mérignac (37). Un constat entre prudence et optimisme qui laisse songeur !

Dans l’œil des pros avec Alexandre Langlais et Ludovic Bousquet-Carton

Alexandre Langlais - DR
Alexandre Langlais

En tant que professionnels de la musique, comment avez-vous vécu les deux dernières saisons musicales ? 

Alexandre Langlais : La saison dernière a été une saison douloureuse. Elle n’a pas permis de vivre ce pour quoi nous travaillons, c’est-à-dire présenter des artistes en live à notre public. Même si nous avons essayé de maintenir une dynamique de programmation, la plupart des concerts ont été annulés et ou reportés sans vraiment y croire…

Les discussions autour des protocoles sanitaires ont souvent remplacé celles sur la qualité artistique des projets. En même temps, en dehors des périodes de confinement, nous avons eu la chance d’accueillir des groupes en résidence. C’était une bouffée d’air dans un contexte étouffant. Aujourd’hui, en cette rentrée 2021, le plus dur est derrière nous. Même s’ il reste des questions (jauges, protocole…), on sent que la reprise est là.

Ludovic Bousquet-Carton : De notre côté, on l’a vécu un peu comme un jour sans fin, un long tunnel d’où on n’avait l’impression qu’on ne sortirait jamais. L’impression aussi de ne faire que des reports ou des annulations, de travailler pour rien. Notre métier c’est de faire venir des artistes et de les voir sur scène. Partager des émotions avec les équipes et les publics. Alors bien sûr, c’était démoralisant, mais j’ai toujours préféré garder l’espoir que tout allait reprendre rapidement.

C’était démoralisant, mais j’ai toujours préféré garder l’espoir que tout allait reprendre rapidement.

Ludovic Bousquet-Carton

En termes de charge de travail, n’était-ce pas finalement plus intense, entre les reports, les échanges de mails avec les équipes artistiques, les annulations, les reprogrammations à N+1 ?

Alexandre Langlais : Sans aucun doute, c’était une année et demie extrêmement difficile en termes de charge de travail. Il a fallu énormément échanger avec les productions, l’ensemble des acteurs, les artistes, les prestataires… Sans avoir la satisfaction du travail accompli à la fin… C’était moralement épuisant mais en même temps cela a permis à nos métiers d’être prêt à repartir et à appréhender au mieux les mois à venir. Nous avons aussi réussi, par ce travail, à faire évoluer nos métiers et à nous adapter à une situation inédite.

Ludovic Bousquet-Carton : Plus intense non, car sans les concerts et les déplacements, je n’ai fait qu’être devant mon ordinateur ou au téléphone, à la maison. En tout cas, il n’y pas eu de pause et la charge de travail n’a pas vraiment beaucoup diminué.

Peut être que cette nouvelle saison a été aussi l’occasion de réfléchir (…) à quelles identités de programmation nous voulions proposer, plutôt que de courir après les artistes ‘bankables’.

Alexandre Langlais

Avez-vous adopté une stratégie particulière pour la saison à venir, ou ne serait-ce pensé différemment ?

Alexandre Langlais : D’abord il a fallu décider quels étaient les concerts que nous souhaitions maintenir et reporter à nouveau. Ces dates occupent donc une part non négligeable du calendrier. Nous avons aussi fait attention à ne pas trop ‘charger’ les mois à venir (jusqu’au printemps 2022) car la situation est encore fragile. Peut être que cette nouvelle saison a été aussi l’occasion de réfléchir à quelle ‘formule’ nous voulions défendre, quelles identités de programmation nous voulions proposer plutôt que de courir après les artistes ‘bankables’. Réfléchir à notre tarification, notre image, notre communication et les actions culturelles a été important.

Ludovic Bousquet-Carton - DR
Ludovic Bousquet-Carton

Ludovic Bousquet-Carton : On a travaillé avec toujours autant d’incertitudes cette nouvelle saison. J’ai donc continué à penser la programmation en fonction des contraintes sanitaires. D’une manière générale, les artistes étrangers ont tout repoussé à 2022. Le calendrier du 1er semestre 2022 s’est donc rempli beaucoup plus rapidement que d’habitude. On a aussi beaucoup reporté de concerts, certains pour la 3eme ou la 4eme fois. Je sais que certains programmateurs ont préféré annuler certaines dates reportées plusieurs fois. De mon côté, je n’avais pas envie de faire payer aux artistes et au public ce qui nous avait été imposé.

Etes-vous confiants sur le retour des spectateurs dans votre salle ?

Alexandre Langlais : Il est difficile de répondre à cela, car aujourd’hui les remplissages restent très timides mais oui, nous devons rester confiants sinon à quoi bon continuer à faire ce métier. On ne voit pas comment le public, quand il sera rassuré et que le débat autour du Pass Sanitaire sera dernière nous, pourrait se priver de concerts… C’est tellement bon pour la santé !

Ludovic Bousquet-Carton : Je suis modérément confiant. Il reste des contraintes de jauges, le Pass Sanitaire. On ne peut pas faire comme si aller dans une salle de concert était aussi simple qu’avant. Je crois qu’un certain public est en manque et accepte les règles du jeu, mais pour d’autres, pour qui c’était une fois de temps de temps, ça prendra plus de temps de les faire revenir dans nos salles. Il ne faut pas non plus négliger l’aspect financier. Pour certains le budget loisir ou sorties ne sera plus tout à fait le même qu’avant. Et la crise sanitaire… on doit prendre aussi ça en compte dans notre approche aux publics et nos politiques tarifaires. Malgré tout, les tendances sur nos billetteries ne sont pas aussi mauvaises que ce qu’on imaginait. C’est plus dur pour les programmations découvertes, mais on a l’impression que ça repart quand même depuis quelques jours.

Je crois qu’un certain public est en manque et accepte les règles du jeu, mais pour d’autres, pour qui c’était une fois de temps de temps, ça prendra plus de temps de les faire revenir dans nos salles.

Ludovic Bousquet-Carton

Actuellement, vers quel courant musical le public se rue le plus en concert ? Avez-vous déjà des concerts complets par exemple ?

Alexandre Langlais : Le public jeune (18/25) est celui qui semble aujourd’hui le plus décidé à revenir profiter des concerts. C’est donc les scènes urbaines et électro qui attirent le public en plus grand nombre en ce moment. C’est bien. On a souvent reproché à la jeunesse d’avoir un peu délaissé les salles de concerts mais finalement, comme les concerts sont associés à la fête et à la liberté, dans le contexte post COVID, ce sont les jeunes qui sautent le pas les premiers. Ils ont bien raison.

Ludovic Bousquet-Carton : Les artistes les plus connus, quels que soit le genre musical , continuent de bien fonctionner au niveau des locations. On est complet par exemple sur Dionysos ou Feu! Chatterton.

On a souvent reproché à la jeunesse d’avoir un peu délaissé les salles de concerts mais finalement (…) ce sont les jeunes qui sautent le pas les premiers.

Alexandre Langlais

La musique en live avec le Pass Sanitaire…

Depuis le mois de juillet 2021, le Pass Sanitaire est obligatoire dans de nombreuses situations de la vie quotidienne, notamment pour profiter pleinement du spectacle vivant. Aussi, après les périodes de fermeture, les salles de concerts et les festivals doivent maintenant faire face à une nouvelle restriction d’accès. Mais dans quel cas s’applique ce Pass Sanitaire en vigueur, actuellement, jusqu’au 15 novembre 2021 ?

La présentation du Pass Sanitaire est obligatoire dans les chapiteaux, salles de théâtre, salles de spectacles sportifs ou culturels, salles de conférence. Tout comme pour les festivals assis et debout de plein air et les autres événements, culturels, sportifs, ludiques ou festifs, organisés dans l’espace public ou dans un lieu ouvert au public et susceptibles de donner lieu à un contrôle de l’accès des personnes.

Une question de jauge…

Au-delà du Pass Sanitaire, il y a également une question de jauge pour les lieux accueillant du public. En effet, les lieux ou événements réunissant plus de 1.000 doivent respecter un protocole strict.

Ainsi, les festivals assis en plein air doivent respecter la jauge imposée par le Préfet et dans le respect des mesures barrières et des distanciations. Concernant les festivals debout la restriction est basée sur l’occupation au sol : une restriction de 4m² par personne devant être respectée.

Du côté des concerts, la règle est la même… C’est au Préfet de définir la limite de remplissage et à la salle de mettre en place un protocole sanitaire adapté.

C’est quoi le Pass Sanitaire ?

Le Pass Sanitaire est une mesure mise en place par le gouvernement afin de limiter la circulation du Covid et dans le même temps d’inviter le plus massivement possible la population à se faire vacciner.

Il existe trois moyens d’obtenir un Pass Sanitaire valide :

  • La vaccination

Vous devez avoir un schéma vaccinal complet. Après ce schéma vaccinal, incluant le Pass Sanitaire sera validé 7 jours après la seconde injection pour les vaccins à double injection. Dans le cas de vaccin à une seule injection, le Pass Sanitaire sera valide 28 jours après cette injection. Enfin, dans le cas d’une injection après un antécédent de Covid, le Pass Sanitaire sera validé après 7 jours.

  • Présentation d’un test négatif

Vous pouvez également faire la présentation d’un test RT-PCR ou antigénique. Les délais en vigueur pour la validité des tests est de 72h ou 48h selon les cas.

  • Rétablissement de la Covid-19

Le dernier moyen possible afin d’obtenir un Pass Sanitaire est le résultat d’un test RT-PCR ou antigénique positif attestant du rétablissement de la Covid-19, datant d’au moins 11 jours et de moins de 6 mois.