Madame Monsieur en interview : « Nous sommes des transmetteurs d’émotions, des messagers d’émotions »

Samedi, c’est le grand jour pour Madame Monsieur qui défendra nos couleurs pour le Concours Eurovision de la Chanson avec la chanson « Mercy ». aficia est parti à sa rencontre, le duo nous parle de cette folle aventure et de sa musique.

Parfois, les rencontres dues au hasard font les plus belles histoires. Émilie et Jean-Karl se sont rencontrés dans un bar à Paris il y a une dizaine d’années. Depuis, ils forment le duo Madame Monsieur et possèdent à leur actif déjà quelques morceaux aux côtés d’artistes de la scène urbaine (Youssoupha, Jok’air, Spri Noir…).

Ces conteurs d’histoires pop en français et fans de Gainsbourg explosent début 2018 avec leur chanson « Mercy », choisie pour représenter la France au prochain concours de l’Eurovision, une tâche qui ne leur fait pas peur, bien au contraire !

Ils espèrent émouvoir le public avec cette histoire vraie qui raconte la naissance de Mercy, née sur l’Aquarius, le bateau de sauvetage de SOS Méditerranée, en mai 2017. aficia souhaitait alors en savoir plus sur ce duo atypique et sur lequel le public français compte énormément. C’est Monsieur, Jean-Karl, qui a répondu à nos questions !

L’interview de Madame Monsieur 

Comment vas-tu ?

Jean Karl : Ça va, ça va, c’est très intense en ce moment, mais on tient bon ! On est à fond !

Au début, le public avait tendance à vous confondre avec Monsieur Madame, la série de livres pour enfants, c’est vrai ?

Il n’y a pas de lien je te rassure ! On s’efforce de faire changer ça dans la tête des gens en voulant à tout prix mettre la galanterie française à l’honneur avec le ‘Madame’ en premier ! [Sourire]

Votre nom de scène, c’est aussi une volonté de vouloir rassembler le peuple avec ce côté « Monsieur et madame tout le monde », n’est-ce pas ?

Oui, c’est ça ! C’est une façon de nous présenter tout simplement. On est un duo, un homme, une femme. On est ensemble dans la vie, on fait de la musique ensemble. À côté de cela, il y a une certaine élégance qu’on essaie de retrouver à travers notre musique, un côté un peu chic, très français. Et oui, en effet, il y a aussi la notion de Madame et Monsieur tout le monde. On aime s’effacer derrière les chansons qu’on chante.

Est-ce qu’on comprend les termes « Madame Monsieur » à l’international ?

Bien sûr, cela fait partie des mots que tout le monde comprend en français. « Madame Monsieur », ça sonne très international, ils le comprennent à l’étranger. Sans oublier que la chanson s‘appelle « Mercy » aussi. Ce sont des mots français très connus dans le monde oui.

Le duo Madame Monsieur est né en 2013. Vous revendiquez votre style musical comme étant de la chanson pop. Pour autant, vous avez collaboré avec beaucoup de rappeurs par le passé (Georgio, Youssoupha…). Comment expliquez-vous ce contraste ?

En fait, tu sais, la pop musique d’aujourd’hui s’inspire énormément de la musique urbaine. Il n’y a qu’à voir le nombre de featurings que les grandes stars internationales de la pop font avec les rappeurs. C’est énorme ! C’est une évidence de travailler avec ce genre de personnes. Ce sont eux le futur, l’avenir de la musique, ceux que les gens écoutent aujourd’hui.

Découvrez « Tournera » en duo avec Youssoupha :

Vous sortez deux premiers EP, Malibu, et Tandem. Puis vous participez à ‘Destination Eurovision’. Est-ce vous qui faites le premier pas ou est-ce que l’on vous sollicite pour y participer ?

Nous avons été contacté par la production de l’émission en septembre dernier, quelque chose comme ça. Notre chanson était déjà prête à ce moment-là puisque nous l’avions écrite le jour de la naissance de la petite Mercy, en mars 2017. L’Eurovision n’était pas du tout un plan de carrière. Nous n’avions jamais imaginé ça. Du coup, on a été contacté par la production afin qu’on leur propose des chansons. L’Eurovision étant le meilleur théâtre pour parler de cette chanson, de ce message-là, on a tout de suite dit oui ! Après tout s’est enchaîné, on a un peu halluciné de tout ce qu’il s’est passé.

Êtes-vous malgré tout passés par la case casting lancé par l’émission ?

Oui, c’est ça ! Lorsqu’ils nous ont appelé, ils nous ont demandé si nous avions des chansons à leur proposer. Il y a eu un comité d’écoute où ils ont choisi les chansons des demi-finalistes.

Vous terminez finalement premier à l’issue de l’émission ‘Destination Eurovision’. Puis tout s’enchaîne. Comment arrivez-vous à rester sur terre ?

Oui, comme tu le dis si bien, tout s’est enchaîné pour nous. On a halluciné. On était déjà très fiers de faire un grand prime sur France 2. Notre objectif du début était de faire un second prime puis on s’était dit « On verra bien ce qu’il se passe ». On vivait un peu au jour le jour. Maintenant on est à l’Eurovision. On va de surprises en surprises. On essaye de vivre ces expériences à 2000 %. Heureusement, on est plus tout jeune, on a l’expérience de la scène, on sait très bien que tout peut se finir très vite aussi. Donc oui, on arrive à avoir encore ce recul et à garder les pieds sur Terre. On profite. Rien n’est gagné encore pour nous, on reste concentré.

Au stade de ‘Destination Eurovision’, est-ce qu’à un moment on se dit « il y a quand même de sacré challengers comme Lisandro Cuxi ou Malo’ » ?

Oui, après nous on était contents de notre chanson. On savait qu’elle pouvait plaire. On l’a défendu du mieux que l’on pouvait. C’est sûr qu’à côté, il y avait Lisandro qui était favori, on le voyait gagner. Nous n’étions que les outsiders, sorti un peu de la boite.

Désormais, c’est objectif ‘Eurovision’. Comment se passe votre marathon « promo » en France et à l’étranger ?

On a un très très bon accueil. La chanson devient de plus en plus populaire et de mieux en mieux comprise à l’étranger. C’est un accueil hyper positif. Les gens adorent la musique, partout. Par exemple, on était en Australie il n’y a pas longtemps. On donnait un concert devant plus de 20.000 personnes où les gens chantaient la chanson en chœur. Les gens nous reconnaissaient dans la rue, ils nous parlent de la chanson. C’est vraiment une expérience fantastique ! Et même si les gens ne parlent pas français, ils ressentent l’émotion de la chanson.

En France, « Mercy » a fait un tabac parce qu’on comprend le sens de la chanson. C’est pareil dans le reste de l’Europe ?

Je pense que « Mercy » plaît aux gens, pas seulement pas rapport au texte et l’histoire qu’elle raconte, mais aussi pour sa mélodie. En fait, ce qu’on voulait faire, c’était une vraie chanson pop, entraînante, une mélodie facilement chantable et au message assez fort comme celui-là. On voit bien qu’à l’étranger, les gens aiment la chanson sans savoir de quoi elle parle. Donc ça prouve bien qu’elle soit très musicale et elle peut plaire même si on ne comprend pas le texte. À côté de cela, on vient de sortir des versions alternatives de « Mercy », notamment en anglais et en espagnol car on nous l’a beaucoup demandé. Mais à l’Eurovision, on la chantera en français car c’est comme ça qu’on l’a voulu depuis le début.

Découvrez le clip de « Mercy » de Madame Monsieur :

À quoi doit s’attendre quelqu’un de lambda qui allume pour la première fois sa télévision le soir de la finale de l’Eurovision ?

Je pense qu’il y a une émotion qui transparaît de la chanson. On peut la ressentir dans n’importe quelle langue. On a reçu des centaines de messages partout dans le monde de gens qui adorent la chanson et puis qui s’y intéressent en découvrant de quoi elle parle, ça les touche encore plus ! Tu vois ce qu’il s’est passé en France, les gens ne connaissaient pas la chanson, ils ont été touché. Il n’y a pas que des chansons interprétées en anglais à l’Eurovision ! D’ailleurs le Portugal a gagné l’année dernière avec une chanson chantée 100 % en portugais ! Donc tout est possible !

Votre chanson est un texte engagé et porte sur un sujet sensible, l’immigration. C’est une cause qui vous tient à cœur ? 

Ce qui nous tient à cœur c’est la situation dramatique des gens. Il y a beaucoup de choses qui nous touchent tu sais et c’est tout ce qui nous intéressait dans cette histoire, c’est vraiment cette naissance, le miracle qui se produit au milieu d’un truc dramatique, absolu. C’est vraiment le message d’espoir, la naissance de cette petite que nous essayons de faire passer dans cette chanson.

Peut-on vous qualifier de messagers ?

Nous sommes plutôt des transmetteurs d’émotions, des messagers d’émotions si tu préfères, d’émotions que nous nous ressentons. On essaye de la retranscrire à travers nos chansons. C’est ça qui nous importe dans nos chansons, plus qu’un message politique ou sociale. On veut tout simplement donner de l’émotion au public.

Un candidat qui remporte un télé-crochet est souvent assimilé à celui-ci. Vous, l’étiquette ‘Eurovision’ ne vous embête pas ?

Pour l’instant non, il n’y a pas de raison qu’elle nous embête ! Je pense que tant que nous sommes honnêtes avec qui on est, si on est fidèles avec ce que l’on veut faire depuis le début, il n’y aucune raison. Je n’ai pas l’impression que l’on se travestisse pour l’Eurovision. La seule chose qui change, c’est que l’on bénéficie d’une fenêtre médiatique énorme. On est fidèles à qui on est, fidèles à nos chansons. On n’a pas du tout peur. Si l’on regarde bien, Amir a participé à « The Voice » puis à l’ « Eurovision » et tout lui réussi aujourd’hui !

Vous êtes-vous fixés des objectifs ?  

Personne ne nous fixe quoi que ce soit ! Non non ! [Sourire] L’objectif que l’on s’est fixé est de retranscrire l’émotion et le message de la chanson le mieux possible, qu’on puisse toucher un maximum de gens au sein de toute l’Europe. On va essayer de se concentrer sur notre performance et sur cette émotion là, raconter cette histoire le mieux possible et puis après on verra bien. On n’a pas forcément d’objectif de classement à vrai dire. La seule chose que l’on maîtrise, c’est notre performance le jour de la finale. On verra bien ce qu’il se passe. On ne se met pas la pression. C’est une compétition de chanson mais c’est avant tout chanter des chansons, donc avant tout rester concentrer sur sa chanson et nous verrons bien ce qu’il se passe.

Honnêtement, vous seriez déçus si vous faisiez moins que la 15ème place ?

C’est sûr que si l’on termine dans les derniers on ne sera pas très contents ! Je ne peux pas te dire qu’on sera content d’une 15ème place, mais je ne peux pas te dire si on fera un Top 5 ou un Top 10. Nous tenterons de faire le meilleur classement possible et parmi ces options, il y a celle de la victoire ! On est à fond depuis trois mois, on ne va pas s’arrêter en si bon chemin. On va tout donner de toute façon !

Je suppose que ça dépend énormément de votre prestation le jour J, mais aussi et surtout celles des concurrents. C’est quelque chose qui vous angoisse ?

Ce classement dépend de tellement de paramètres ! On va essayer de donner le meilleur de toute façon. Il y a d’autres artistes qui sont excellents également, donc on verra. On a eu plusieurs concerts un peu partout en Europe avec une bonne partie de nos concurrents. On en a croisé quelques uns avec qui on s’entend très bien. C’est un peu comme une grande colonie. On passe du temps ensemble, on s’amuse, on mange ensemble, on fait de la musique, on fait des concerts, c’est vraiment super ! On découvre un peu des gens partout en Europe. C’est vraiment une expérience fantastique. Et bien entendu, il y a des chansons excellentes. Ce n’est pas que ça nous angoisse, mais on sait très bien qu’il y a d’autres chansons de qualités.

Découvrez « Partir » de Madame Monsieur :

Pour le soir de la finale, vous serez vêtus par Jean-Paul Gaultier en personne. Est-ce que l’identité Madame Monsieur sera respectée ?

Comme on l’a dit, nous serons fidèles à qui nous sommes. C’est plutôt Jean-Paul Gaultier qui s’est adapté à nous, à notre personnalité, à notre chanson. Ce que je peux dire c’est qu’il a parfaitement compris ce qu’on voulait faire. C’est d’ailleurs pour cela qu’il a souhaité participer à l’aventure à nos côtés. On sera plus que jamais Madame Monsieur !

Vous avez publié fin avril votre premier album studio intitulé Vu d’ici, après quatre années de travail. Je suppose que c’est un accomplissement ?

Oui, c’est génial, on est très heureux et très fier de pouvoir enfin le sortir, car cela fait quatre ans qu’on travaille dessus. On a mis quatre ans de notre vie, de rencontres, de collaborations, de chansons, d’expériences, de concerts. On a essayé de digérer tout cela et de le ressembler dans un album. On en est très très fiers. D’autant plus qu’on le sort dans un très bon moment pour nous. Cela s’est très bien goupillé car l’album était pratiquement terminé lors de « Destination Eurovision » donc on n’a pu le sortir dans les meilleures conditions. On l’aurait sorti à cette période là, il manquait peut-être l’engouement actuel. C’est vraiment génial. On avait vraiment hâte qu’il sorte pour montrer nos autres chansons, qu’on est capable de faire autre chose. C’est le début d’une nouvelle aventure.

Comment créez-vous vos mélodies. Quelle est la recette ?

De recettes, il n’y en a pas ! S’il y en avait une on ferait que des tubes ! [Rires] Par contre, ce qu’on a essayé de faire, c’est un mélange entre des chansons des classiques, des mélodies, de grandes mélodies, en y apportant une modernité qu’on a pu acquérir dans le milieu urbain. On a travaillé sur les flow, la rythmique, les sonorités des voix. C’est vraiment un album moderne !

Que peut-on vous souhaitez pour la suite ?

On veut continuer à faire de la musique dans ces conditions-là. On va aller rencontrer notre public à partir du 26 juin, nous serons à la Cigale (Paris). Après, il y aura une grande tournée à partir d’octobre, nous avons vraiment hâte de présenter notre album à notre public.

Le portrait décalé de Madame Monsieur

  • Si tu étais une couleur ?
    Le rouge parce que je suis un peu sanguin !
  • Si tu étais un animal ?
    Ça dépend des jours. Un chat !
  • Si demain tu devais enregistrer un duo avec une personne vivante ou non, ce serait avec qui ?
    Avec Serge Gainsbourg.
  • aficia est très généreux et t’offre la salle de concert de tes rêves, laquelle ?
    La Cigale. On avait beaucoup joué dans de nombreuses salles parisiennes, mais jamais celle-ci. C’est comme un rêve. Autrement, il y a plusieurs salles dans le monde, comme le Paradiso à Amsterdam.
  • Toujours dans sa grande générosité, aficia t’emmène en voyage, mais on t’abandonne très lâchement sur une île déserte, tu n’as le droit d’emmener qu’un seul album et qu’un seul objet, lesquels ?
    Je prendrais un album des Rolling Stones et une guitare.
  • L’endroit à visiter avant de mourir ?
    Il y en a tellement ! Je dirais Stromboli (en Sicile) !
  • Le livre à lire absolument ?
    Je dirais La Peste de Camus.
  • Le film à voir sans plus attendre ?
    Ça dépend dans quel mood, mais je vais te dire un Indiana Jones.
  • Tu rencontres des Martiens, comment te décris-tu en 3 mots ?
    Est-ce qu’ils ont des oreilles déjà ? Peuvent-ils me comprendre ? Je leur dirais que s’ils veulent comprendre la planète Terre, ils devraient écouter notre musique !
  • Si tu étais une insulte ?
    [ Rires ] Saperlipopette !
  • Ton dernier coup de cœur musical ?
    KPoint, un auteur qui joue de la guitare, j’adore ce qu’il fait.

Pour finir, si Monsieur avait la libre parole pour parler à son public, il lui dirait quoi ?

Je leur dirais que pour nous, il n’y à que la musique qui compte donc je leur dirais d’écouter notre musique !