Rencontre avec Jean Becker

Jean Becker propose aujourd’hui au public sa nouvelle comédie : Bon rétablissement ! Suite à un accident, Pierre (Gérard Lanvin), la soixantaine, se retrouve cloué au lit avec une jambe dans le plâtre. De cette simple histoire Jean Becker arrive à faire une comédie touchante. #Aficia vous propose de découvrir l’interview du réalisateur.

L’histoire de Bon Rétablissement ! est basée sur le roman de Marie-Sabine Roger. Une comédie qui regroupe à l’écran Gérard Lanvin, Fred Testot, Swann Arlaud, Claudia Tagbo, Anne-Sophie Lapix…

Synopsis

Suite à un accident, Pierre (Gérard Lanvin), la soixantaine, se retrouve cloué au lit avec une jambe dans le plâtre.

Misanthrope au caractère bien trempé rêvant de silence et de solitude, voilà que le monde s’invite à son chevet. Il assiste alors impuissant à la valse quotidienne des médecins, infirmières et personnels hospitalier, puis de ses proches dont son frère Hervé (Jean-Pierre Darroussin).

Au fil de rencontres inattendues, drôles ou touchantes, Pierre reconsidère certains a priori et pose sur les autres un regard différent. Et, contre toute attente, ce séjour à l’hôpital finit
par ressembler à une renaissance…

Rencontre avec Jean Becker

Qu’est-ce qui vous a séduit dans le roman de Marie-Sabine Roger, dont vous aviez déjà adapté « La tête en friche », au point que vous ayez envie d’en faire un film ?

Jean Becker : Marie-Sabine a le don de créer des personnages d’une grande humanité. Ce qui m’a plu, cette fois, c’était sa façon de traiter le milieu hospitalier sous l’angle de la comédie, dans la légèreté et pas dans la tristesse qu’engendre la maladie. Mais, « Bon Rétablissement ! » a été un peu plus difficile à adapter que « La tête en friche ». Nous nous en sommes sortis en nous éloignant peut-être un peu du roman, mais nous avons essayé de préserver le côté comédie de ce huis clos qui comporte aussi quelques flash-back. Des éclairages qui aident à comprendre la vie du personnage central.

Quel travail de scénarisation avez-vous effectué à partir du livre ? Qu’avez-vous renforcé ou élagué ?

Jean Becker : Il y avait déjà beaucoup de matière existante si ce n’est que, dans le roman, Marie-Sabine avait choisi de raconter et de décrire en voix-off. Je lui ai demandé de dialoguer et de visualiser les scènes, de tout rendre vivant pour le cinéma. Ensuite, avec son talent, Jean Loup Dabadie a apporté ce côté croustillant et imagé aux dialogues.

Que raconte cette histoire ?

Jean Becker : Il s’agit d’un homme qui est à l’hôpital contre son gré puisqu’il a été projeté dans la Seine par une voiture, accident dont il ne garde aucun souvenir. Petit à petit, il va faire des rencontres qui vont transformer sa vie. D’abord de membres du personnel soignant, médecins, infirmières, puis de gens qui viennent lui rendre visite et enfin de personnages inattendus qui peuplent l’hôpital. C’est ce que j’ai aimé, justement, cette multiplicité de personnages gravitant autour du rôle de Pierre que Gérard Lanvin tient avec brio. Il est à la fois victime et très amusant.

Comment vous est venue l’idée de proposer ce rôle à Gérard Lanvin ? Ne dirait-on pas d’ailleurs que cette partition a été écrite pour lui, qu’elle lui ressemble ?

Bon rétablissement - © SNDJean Becker : Je souhaitais un acteur viril, très costaud, à qui on ne la fait pas. Et en même temps je voulais qu’on devine immédiatement une part de fragilité chez lui. Un bougon avec un fond de gentillesse cachée qui soit capable d’évoluer au contact des autres, de laisser sortir ses émotions. C’est pour cette raison que j’ai choisi Gérard pour incarner Pierre, parce que, le connaissant depuis longtemps, je sais qu’il est comme ça dans la vie. Nous avions failli travailler ensemble pour « Les enfants du marais » il y a une quinzaine d’années.

Durant ces quinze années vous n’avez donc jamais renoncé au fait de travailler avec lui ?

Jean Becker : Bien sûr, d’autant plus que notre histoire remonte à bien plus loin puisque Gérard avait eu la gentillesse de venir donner la réplique pendant les essais de « L’été meurtrier », il y a trente ans. J’ai toujours eu envie de travailler avec lui, j’ai suivi de très près son parcours. J’attendais le bon rôle à lui proposer et celui-ci était pour lui. S’il l’avait refusé j’aurais été très embêté.

Cette première collaboration a-t-elle été à la hauteur de vos attentes ?

Jean Becker : J’ai eu énormément de satisfactions à regarder l’acteur qui m’a emballé et bluffé mais aussi à voir toute la perception qu’il avait du personnage qu’il a beaucoup nourri de ses propres réflexions, auquel il a donné beaucoup de profondeur. Il a apporté des choses auxquelles je ne m’attendais pas du tout, que ce soit dans le registre de la comédie qui est très présent ou du drame. Il est, dans ce film, comme on l’a rarement vu. Il est fort et fragile, magnifique.

En quoi vous ressemblez vous cinématographiquement et humainement ?

Jean Becker : Ce que nous aimons dans les films se sont les rapports humains. Gérard, dans la vie, est une personne honnête ce que je crois être également dans mes choix. Je ne cherche pas à épater le monde mais à raconter des histoires au gens. Nous sommes des conteurs, et des épicuriens. Comme disait Jean Cosmos : on aime bien croiser la fourchette.

Les liens qui vous unissent à Gérard Lanvin sont-ils les mêmes que ceux qui vous unissaient à Jean Paul Belmondo et Jacques Villeret ?

Jean Becker : Oui, et je pourrais citer également Albert Dupontel, Jean Pierre Darroussin, Daniel Auteuil … Ces liens sont fondés sur les rapports amicaux. Je ne conçois pas la confection d’un film autrement. Alors, ces liens sont plus ou moins profonds, mais j’ai besoin de cette amitié, de cette confiance pour avancer. Nous avons les mêmes aspirations, la même envie de travailler quand il le faut et de rire quand il le faut, de passer des soirées ensemble. Je peux considérer que ce sont mes amis.

Le personnage incarné par Gérard Lanvin a, au départ, un léger problème avec les jeunes, les femmes et les homosexuels ? Est-il un peu réactionnaire ?

Jean Becker : Je ne dirais pas réactionnaire. C’est Monsieur tout le monde. Nous avons tous, je crois, des blocages, nous pouvons tous être victimes d’idées reçues. Les positions sur l’homosexualité, par exemple, n’ont changé que très récemment. Celles de mon personnage principal évoluent aussi au cours du film. Au début, il s’en défend, puis il s’en veut et c’est ainsi qu’il s’ouvre aux autres.

Ce personnage qui a la soixantaine bien sonnée, a été cabossé par la vie. Le fait que l’on puisse changer à tout âge, malgré ce qu’on a vécu, vous a-t-il également séduit ?

Jean Becker : Oui, pour des raisons personnelles. Vous vous souvenez sûrement de ce très joli film de Claude Berri « Le vieil homme et l’enfant ». J’ai eu un grand-père qui était exactement comme le personnage interprété par Michel Simon : anti-bolchévique, homophobe, raciste, antisémite. Petit à petit, parce que je l’aimais beaucoup, j’ai réussi à le faire changer d’avis. Il ne l’a jamais dit, mais il s’est rendu compte qu’il avait tort.

Qu’est-ce qui vous a séduit chez Claudia Tagbo et Fred Testot qui incarnent une infirmière et un inspecteur de police. Comment les aviez-vous repérés ?

Jean Becker : J’avais vu Claudia dans ses one woman shows et je l’avais trouvée très amusante. Je ne lui ai pas demandé d’exécuter un numéro comique dans le film mais d’incarner un personnage très gentil, très agréable, très sensible. C’est une comédienne magnifique. Quant à Fred, je le suis depuis longtemps. Les sketches du SAV sur Canal+, qu’il jouait avec Omar Sy, m’ont toujours fait beaucoup rire. Il est, un peu comme Claudia, employé ici à contre-emploi, mais je trouve que cela lui va très bien.

Pour quelles raisons avez-vous décidé de faire tourner Anne-Sophie Lapix, qui est journaliste, et le chanteur Daniel Guichard ?

Jean Becker : Il est toujours amusant et intéressant de travailler avec des fortes personnalités, ce qui est le cas les concernant. Et là, encore, c’est l’idée du contre-emploi, en tout cas de l’emploi différent qu’ils ont dans leur vie, qui a primé. Anne-Sophie est toujours très à l’aise, elle possède une cinégenie évidente. Quant à Daniel c’est un homme de scène, il ne pouvait pas être mauvais.

Pourquoi avoir fait appel à Jean Pierre Darroussin pour incarner le frère, très dissemblable, du personnage principal ?

Jean Becker : Jean Pierre, avec qui j’avais déjà travaillé pour « Dialogue avec mon jardinier», est un acteur que j’adore et qui possède tellement de facettes, drôle, gentille, touchante. Les trois scènes qu’il a eu la gentillesse de venir tourner comptent énormément dans le film. Mon père disait souvent : il n’y a pas de premier ou de second rôle, il n’y a que des personnages dont on se souvient ou pas. Ce que Jean Pierre donne dans le film, illustre parfaitement ce propos.

Dans cet hôpital qui sert de toile de fond au film, ceux qu’on appelle « les mandarins » ne sont pas épargnés…

Jean Becker : Je ne remets pas en cause leur niveau d’étude et leurs compétences, ce sont des professionnels très pointus, qui sauvent des vies. Je voulais parler de certaines attitudes. J’ai eu à faire, deux ou trois fois, à des gens qui, passez-moi l’expression, se la pétaient un peu. Donc, oui, j’avais un petit compte à régler de ce côté-là. Rien de méchant.

Quel message aviez-vous envie de délivrer ?

Jean Becker : Qu’il faut à tout prix se méfier des a priori. Les rencontres que l’on fait, y compris de gens très différents, peuvent nous transformer de manière profonde.