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Béesau en interview : “Cet album est un pari car ce n’est pas un album de jazz ni un album instrumental pur”

Exclusivité aficia

A l’occasion de la sortie de son premier album Coco charnelle (Part.I), Béesau se confie à aficia et revient sur la confection de ce premier album.

Rémy aka Béesau, c’est le genre de talent que l’on suit depuis ses débuts, et la sortie de son tout premier single “Vue sur mer” il y a un peu plus de deux ans. Découvert aux côtés de Kungs sur le titre “This Girl” où il était trompettiste, Béesau a depuis construit tout un univers à part entière. On en a eu un vague aperçu avec son EP Placement Libre et sa mixtape Station Balnéaire.

Producteur et trompettiste qui décloisonne les genres de la scène urbaine alternative avec ses Influence Rap, Electro et Jazz, Béesau vient de sortir son premier album studio baptisé Coco charnelle (Parti I). Oui, car une deuxième partie est prévue pour l’année prochaine… Béesau nous parle de tout ça !

Béesau, l’interview…

Salut Rémy. Tu es producteur et beatmaker, musicien… Qu’est-ce que tu ne sais pas faire ? Peut-être écrire ? 

Ouai, je ne suis vraiment pas bon dans l’écriture, c’est vrai ! (Rires) C’est pas encore mon fort. J’en ai pas forcément besoin au quotidien, mais c’est vrai que c’est toujours intéressant de savoir le faire. J’ai quand même écrit quelques chansons sur Station balnéaire l’année dernière, que j’avais chanté un peu. Ça m’intéresse aussi car je suis curieux et que j’aime poser ma voix sur des instrus que je fais. Donc c’est intéressant, mais c’est vraiment un métier qu’il faut bosser tous les jours. 

S’il y en a bien un qui a cru en toi et qui t’a permis d’accroître ta visibilité, c’est Kungs. Tu as joué pour lui à plusieurs reprises. Es-tu toujours en contact aujourd’hui ?

On s’est revu il n’y a pas si longtemps que ça, c’était l’année dernière dans une soirée. On se donne quelques nouvelles ici et là sur Instagram, mais c’est vrai qu’il bouge pas mal aujourd’hui. On est toujours en bons termes. Et oui, après le premier single, il y en a eu trois autres ! Cela m’a permis de ne pas faire un Tour du monde avec lui, mais au moins un bon tour de l’Europe ensemble pour sa tournée. 

Tu viens de sortir ton premier album appelé Coco charnelle (Part.I). Est-ce pour toi un accomplissement ?

Je crois un peu ! Dans le sens où c’est un peu un rêve pour moi, c’est quelque chose d’important. Pour ma part, je l’ai réfléchis depuis longtemps. Je me suis toujours dit qu’un jour je sortirai un album et j’aimerais en écrire un. Une fois que tu le termines et que tu mets un point de fin aux enregistrements, ça te fait quelque chose. Lorsque j’ai rendu le projet et que j’ai rendu les mixes, j’étais fier d’un côté, mais un peu vide de l’autre. Je me suis dis “ah, bon, ben voilà, c’était bien finalement tous ces bons moments de studios” et puis après tu te dis “bon, ben j’espère ne rien avoir oublié” (Sourire).

Le fait que ce soit instrumental, chacun peut imaginer ce qu’il a envie et peut se faire ses propres films finalement…

Béesau

Dans la mesure où il n’y a pas toujours de textes, qu’est-ce que raconte tes chansons ? 

Moi personnellement, sur cet album, il y a vraiment une direction. Il parle un peu des choses basiques de la vie aussi bien de l’amour, de passion et de tout ce qui va avec. Des bonnes choses, et des mauvaises. Dans cette partie-là de l’album, puisque c’est une partie une, ça parle surtout des mauvaises choses de la passion amoureuse. Tous les noms des titres ont un peu un rapport avec ça d’ailleurs. Je parle aussi de la façon dont j’ai grandi par rapport à la façon dont j’ai vécu. J’ai aussi parlé du fait que je n’ai pas forcément trouvé ma place partout. Étant musicien et trompettiste, on m’a souvent rangé dans un genre de case et fait que je ne me sente pas à ma place là où je suis. Finalement, ma place à moi je vais la créer tout seul. 

Est-ce que la personne qui t’écoute peut percevoir ce que tu racontes dans tes chansons ? 

Je ne sais pas du tout. J’ai fait écouter l’album à certains de mes proches. Certains d’entre eux ont compris les morceaux mais sinon, ceux qui ne me connaissent pas, je sais pas du tout. Du moins j’espère que oui. Le fait que ce soit instrumental, chacun peut imaginer ce qu’il a envie et peut se faire ses propres films finalement. 

Et pareil, le fait qu’il n’y ait pas de paroles sur tes chansons, est-ce facile de donner un titre à une chanson ? 

Pas du tout (Rires) ! C’est un enfer ! En fait ça dépend. C’est très difficile car j’ai l’impression qu’il faut trouver le truc parfait. Un titre, c’est court, il faut que ce soit accrocheur et punchy. C’est pas une ligne, c’est un pour deux mots. Je mets toujours un peu de temps à trouver un titre, c’est vrai. 

Par exemple, pourquoi avoir choisi “Antipode” ?

Alors justement, j’ai écrit ce morceau à la fin d’une relation qui m’a fait beaucoup de mal. J’ai écrit ce morceau en un jour. Je me souviens, il pleuvait et j’étais vraiment, vraiment, vraiment au fond du trou. A la fin du morceau, ça m’a fait du bien d’écouter ce morceau et je l’ai écouté de boucle, en boucle, en boucle. Quand j’ai voulu exporter le morceau sur ma session, je ne voulais pas forcément mettre un titre trop négatif. Et je me suis dit que si ça se terminait, c’est parce qu’on était pas fait l’un pour l’autre finalement. On était à deux extrêmes de l’un et de l’autre. C’est pour cela que j’ai appelé ça “Antipode”. 

Est-ce que tu penses que c’est plus facile de parler d’amour à travers la trompette que de chanter l’amour ? 

Très bonne question. Je ne sais pas. Je pense que c’est ça comme que j’arrive à m’exprimer. Ca fait maintenant 20 ans que je fais de la trompette maintenant et c’est de cette façon que j’ai réussi à communiquer des choses. Certains le font très bien à travers le chant ou l’écriture. Moi c’est plus simple comme ça. 

Je ne pense pas avoir un public trop rap, mais peut être un public qui essaye de s’ouvrir….

Béesau

Est-ce que, quelque part, cet album est un pari ?

Oui, complètement. C’est un pari dans le sens où ce n’est pas un album de jazz, ce n’est pas un album instrumental pur. C’est un projet qui n’a pas trop de cadre. C’est un défi dans le sens où je voudrais pouvoir amener des gens vers des choses dont ils n’ont pas forcément l’habitude d’aller et de se dire que ça peut être cool. J’ai aussi envie de rajeunir mon instrument, de rajeunir l’image du trompettiste dont on se fait, et du jazz de façon générale. Pour moi c’est vraiment important car il peut y avoir des gens, peu importe leur âge qui écoute ce projet.

Tu dis vouloir toucher plusieurs publics, mais est-ce que tu sais ce qu’écoute ton public?

Je ne sais pas du tout ! Malheureusement, je n’ai pas eu l’occasion de rencontrer ceux qui m’écoutent à cause du COVID qui est arrivé un peu à l’improviste. Autrement, je suis assez surpris des commentaires des gens qui me disent “wouah, c’est assez surprenant ce que tu proposes”. C’est assez varié, et même au niveau des âges. Je peux avoir une mère de famille qui me dit que mon projet est très cool, comme un petit jeune de 17 ans qui fait du saxophone et qui me dit “je veux faire comme toi”. Je ne pense pas avoir un public trop rap, mais peut être un public qui essaye de s’ouvrir. Je ne sais pas du tout !

Dans cette optique d’ouverture, est-ce que “Un jour de moins” a été créé dans le but de toucher un plus large public justement ou les radios ?

C’est assez marrant parce que j’en ai parlé il y a pas longtemps. On se disait que c’était un morceau très connoté commercial. Mais ce n’est pas forcément dans cet esprit-là que je l’ai pensé. Mais c’est vrai que c’était une requête d’Universal Music. Pas dans une optique que ça tourne forcément en radios, mais plus du genre “on aimerait bien que que tu fasses ce genre d’esthétisme, donc on te propose de te mettre 4 ou 5 jours en studios et tu nous proposes quelque chose comme ça”. Comme j’ai bien me prêter à ce genre d’exercice, j’ai dis OK”. Et on est content du résultat. Ça peut clairement passer en radio.

Malgré que ce soit une proposition d’Universal, est-ce que tu l’ affectionnes plus qu’un autre ce titre ? 

Oui, vraiment beaucoup ! Quand je suis sorti de la séance studio avec Primero, on s’est dit que le morceau était cool, mais qu’il ne me faisait pas vibrer plus que ça. Et en fait, ce qui est assez marrant, c’est que quand on l’a fini, mixé et que je l’entendais de plus en plus et qu’on se disait qu’on allait le clipé, et bien plus je l’écoutais, et plus je l’aimais. C’est vraiment la première fois que ça me fait ça. 

Et enfin Rémy, une carrière comme Ibrahim Maalouf, ça t’inspire ? 

Oui carrément, c’est vraiment quelqu’un qui a réussi à rouvrir la porte à beaucoup de gens. Malheureusement, je trouve qu’au niveau de sa carrière, il y a justement pas beaucoup de gens qui ont pris le créneau. Je pense aux artistes dans le jazz. Quand quelqu’un fait quelque chose de nouveau et que ça marche en général, on va venir nous dire que c’est pas du jazz, c’est pas bien etc… Je ne pense pas comme ça. Je dirais plutôt “wouah, c’est incroyable d’avoir tenté quelque chose comme ça”. Donc oui, ça m’inspire. Après, je trouve qu’il fait davantage de la variété maintenant, ce n’est pas forcément ce que je veux faire en tant que musicien et dans la musique, mais c’est quelque chose que j’aime et ouais, ça m’inspire de ouf !