Profitant de la parution de son dernier ouvrage, un album de photos Fragile, où elle est mise en scène par la photographe Sylvie Lancrenon, aficia vous propose de revenir sur la carrière de la plus emblématique, mais aussi peut-être la plus mystérieuse de nos stars, il s’agit bien sûr de Mylène Farmer.
On peut l’aimer ou pas, on peut dire ce que l’on veut, mais s’il y a bien une chose que l’on peut lui reconnaître, c’est le talent. Mais décrypter l’artiste qu’est Mylène Farmer n’est pas chose aisée car quand on croit la cerner elle vous échappe, se faufile, s’enfuit parfois pour mieux réapparaître là où on ne l’attend pas. Dans un pays où l’on aime bien mettre les gens dans des petites cases, avec une jolie étiquette, Mylène Farmer n’en a cure et brise les codes, bouleverse les conventions, franchit les lignes avec la seule volonté de faire ce qui lui plait et peu importe ce que l’on en dit. Mylène Farmer est Mylène Farmer c’est-à-dire brillante, talentueuse, éclatante, mystérieuse, parfois inaccessible, en un mot hors norme et cela dure depuis trente ans pour le plus grand plaisir de ces fans.
De Mylène Gautier à Mylène Farmer…
De son enfance, Mylène Farmer, de son vrai nom Mylène Gautier, gardera la beauté sauvage des paysages enneigés du Québec ou tourmentés de la Bretagne jusqu’à son arrivée à paris après avoir quitté le lycée en terminale. Elle s’inscrit alors au cours Florent pour devenir comédienne et vit de petits boulots ou comme mannequin pour des catalogues ou des pubs. C’est d’ailleurs en 1984, en se rendant à une audition pour être l’interprète d’un jeune auteur compositeur, que Mylène Farmer va faire la rencontre de celui qui deviendra son mentor, son auteur, son complice, son collaborateur et peut-être l’homme le plus important dans sa vie, Laurent Boutonnat. Elle prend alors son nom d’artiste avec Mylène, son prénom et Farmer, son nom, en hommage à Frances Farmer, une actrice des années 30- 40 au destin tragique.
L’idée de censure, même auto, me révulse. S’interdire de dire les choses n’est pas une solution. Les tabous ont toujours empêché d’aller de l’avant.
Mylène Farmer
Mylène Gautier devenue Mylène Farmer enregistre la chanson « Maman a tort » et signe chez le label RCA. Avec l’aide de son manager Bertrand Le Page le titre connaît un beau succès en cette année 1984 puisqu’il se vendra à 100.000 exemplaires. Malheureusement son deuxième single « On est tous des imbéciles » sorti en 1985 ne remporte pas le succès attendu et conduit son label à ne pas renouveler son contrat. Mylène Farmer signe alors chez Polydor pour la sortie de son troisième single « Plus grandir », on disait 45 tours à l’époque, la même année dont le succès reste lui aussi limité.
Il faudra attendre 1986 pour voir le retour d’une Mylène Farmer transformée tant physiquement, elle est devenue rousse pour se démarquer des autres, qu’artistiquement. À une époque où les artistes se contentent d’une production minimaliste avec parfois juste un fond où défilent des images, pas toujours du meilleur effet d’ailleurs, Mylène Farmer et Laurent Boutonnat révolutionnent le genre en sortant un clip à la durée et à la réalisation totalement novatrices. Le clip « Libertine », véritable petit court métrage, à la Barry Lindon version « lupanar de luxe », d’une dizaine de minutes, fait l’effet d’une véritable bombe et déchaîne les passions tant par son contenu que par le scandale qu’il déclenche. Axé sur un texte plutôt cru faisant l’apologie du libertinage, c’est surtout le fait de voir la chanteuse se dévoiler entièrement nue qui interpelle, choque et scandalise, mais qui parallèlement va imposer le duo dans le paysage artistique et audiovisuel français. Premier titre à se classer dans le Top 50, où il restera classé six mois, en devenant Disque d’Argent « Libertine » sera le préambule à la formidable et fulgurante ascension de Mylène Farmer, la menant vers des sommets d’où elle ne redescendra jamais jusqu’à aujourd’hui.
Naissance d’une icone !
L’année 1987 confirme son succès avec la sortie de son nouveau single « Tristana » dont le clip, transposition du conte de blanche neige sur fond de révolution russe crée à nouveau l’évènement. On retrouve d’ailleurs dans ces titres les thèmes récurrents de l’artiste comme l’amour, la mort, la violence, la religion ou le sexe qui l’accompagneront tout au long de sa carrière. À la fin de l’année arrive alors le titre « Sans Contrefaçon », nouveau succès, qui se classe deuxième au top et annonce le premier album de Mylène Farmer Ainsi soit je… qui porté par des hits tels que : « Ainsi soit je… », « Sans logique » et surtout « Pourvu qu’elles soient douces », et son clip de dix-huit minutes, rencontre un succès phénoménal avec plus de 1.800.000 ventes et devient numéro des ventes et premier Disque de Diamant remis à une chanteuse.
Dès lors chaque single est un tube, chaque album un carton, chaque clip une œuvre en lui-même. De grands réalisateurs ne s’y trompent pas et réalisent certains de ses clips comme Luc Besson avec « Que mon cœur lâche » ou Abel Ferrara pour « California ». Couronnée par une victoire de la musique en 1989 Mylène Farmer part à la rencontre de son public avec une première tournée ou l’artiste offre non pas un spectacle, mais un véritable show à l’américaine orchestré de main de maître qui deviendra aussi sa marque de fabrique, et qui subjugue un public qui dès lors lui vouera une véritable fascination.
Quasi dévotion qui ira jusqu’au drame lorsqu’en 1991, un de ses fans abattra d’un coup de fusil le réceptionniste de son label Polydor qui refusait de lui donner son adresse. Évènement qui marquera profondément l’artiste au point qu’elle prendra de plus en plus de distance avec son personnage public et surtout vis-à-vis des médias.
Refusant de se mêler à la vie mondaine ou de se prêter au jeu d’un star système dont elle dénonce l’hypocrisie depuis sa remise de prix aux Victoires de la Musique en 1988 : « J’ai passé des heures en coulisses pour les répétitions de cette soirée. Tout le gratin du show-business était là et ces gens m’ont écœurée. Ils se détestent tous. J’étais triste d’avoir été récompensée et reconnue par ces gens-là. Ce sont les Victoires de l’hypocrisie ! », Mylène Farmer refusera toujours d’apparaître et ira, fait unique dans la profession, jusqu’à demander à ne plus être nommée aux remises de récompenses de la profession.
Même chose du côté des médias avec qui elle a toujours nourrit une relation amour-haine. N’accordant que très peu d’interviews et refusant de paraître à la télévision déclarant être « plus à l’aise sur scène qu’à la télévision », elle s’attire les foudres de certains médias qui comme Europe2 ou M6 iront même jusqu’à la boycotter. Ce n’est qu’à la force de son incroyable carrière et sa notoriété en France et de par le monde que ses détracteurs d’hier, qui accusaient son manque de présence comme une action marketing au lieu de respecter ses sentiments, de devenir peu à peu ses admirateurs d’aujourd’hui. Mylène Farmer déclarera d’ailleurs à ce sujet en 2001 : « Je n’ai pas fait ce métier pour être connue mais pour être reconnue ».
Mylène Farmer, l’unique…
La seule chose à laquelle Mylène Farmer se doit, c’est à son public et de ce côté-là elle n’a jamais failli. Et son public le lui rend bien en lui vouant un amour inconditionnel depuis ses débuts permettant à l’artiste de pouvoir se vouer entièrement à son métier sans avoir à se préoccuper des bassesses d’un système et d’une industrie parfois menés par l’obsession de gloire ou de profit, oubliant parfois que sans le public ils ne seraient pas grand-chose, et d’un milieu médiatico-médiatique qui n’aime pas trop que l’on ne rentre pas dans ces petites cases avec une belle étiquette.
Est-ce que l’idée de quitter ce public, de quitter la scène m’angoissent? Terriblement, chaque soir. On a toujours l’impression que c’est la dernière fois et, ma foi, que sera demain?
Mylène Farmer
Nous pourrions continuer à vous parler de Mylène Farmer durant des heures, vous dire qu’en 2009 elle obtient le record de remplissage pour le Stade de France avec moins de 3 heures pour remplir deux stades, qu’en mars dernier elle arrive à remplir les salles de cinéma pour la diffusion de son concert Timeless 2013 avec 101.107 spectateurs, qu’elle explose les scores de vente avec les DVD de ses concerts aux budgets pharaoniques (30 millions d’euros de budget pour Timeless 2013), qu’elle détient le record du nombre de singles classés numéros 1 dans le top singles français et le record du nombre de Disques de Diamant pour une chanteuse…
Nous pourrions vous dire qu’elle est une perfectionniste, qu’elle souhaite apporter sa touche à l’ensemble de son univers artistique : les concerts restent sous l’oeil vigilent de Mylène Farmer et Laurent Boutonnat où chaque étape de la création doit être validé par le duo, les remix proposés par les plus grands DJ’s (Guéna LG, TYP, Jeremy Hills…) doivent être validés par Mylène…
Vous mettre en mémoire qu’elle est auteur, compositeur, interprète, chorégraphe, qu’elle a fait des duos avec Seal, Jean-Louis Murat, Khaled, Moby, Ben Harper et même Line Renaud ! Mais le but n’est pas ici d’écrire sa biographie, juste de vous mettre en mémoire que Mylène Farmer reste l’une des artistes françaises les plus talentueuses, sans doute la plus grande icone de toute une génération, une icone que l’on aime, que l’on adore, que parfois on idolâtre et même déteste, mais l’un des piliers incontestables de la chanson française.
Alors continuez, continuez Mylène Farmer pour l’amour de ceux qui vous soutienne et qui n’ont pas besoin de vous voir, il suffit juste de savoir que vous existez et c’est déjà beaucoup.
