Tibz en interview : « Je veux que le monde transpire d’amour ! »

Le chanteur Tibz ouvre les portes de son univers folk et romantique à travers un premier album baptisé Nation, qu’il présente à aficia. Rencontre.

My Major Company pourrait bien renouer avec le succès, quatre ans après la parution des deux volumes Génération Goldman. Le label participatif qui avait révélé Grégoire, Joyce Jonathan ou encore Irma mise à présent sur Tibz, un jeune auteur-compositeur originaire de Périgueux qui s’est distingué ces deux dernières années avec les titres « On n’est pas bien là ? » et « Ton sourire », association d’une folk sucrée à une pop efficace ; mais aussi en assurant les premières parties des concerts de plusieurs artistes populaires comme Louane. Le bouche-à-oreille ayant fait son effet et le single « Nation » ayant suscité l’adhésion des radios, le voilà présentement dans les bacs avec un premier album confession du même nom et dans lequel il est essentiellement question d’amour, sous toutes ses formes, de lui, mais aussi de nous…

Ton label nous explique qu’à 16 ans tu t’es offert ton premier home studio pour pouvoir travailler sur ta propre musique. Est-ce dire que chanter est quelque chose d’inné ou de vital pour toi ?

Tu sais, je chante depuis que je suis tout petit. Il n’y a pas une heure que je passe sans chanter. Donc oui, on peut dire que c’est vital. Je dirais aussi que c’est beaucoup plus facile pour moi de m’exprimer avec ma guitare. Je ne m’imagine pas vivre sans musique. J’avais commencé à écrire mon premier album adolescent, mais les chansons de cette époque ne figurent pas sur Nation. J’ai offert mes ‘vrais’ premiers morceaux à mes producteurs, ceux qui avaient investi pour moi par le biais de My Major Company. En réalité, sur Nation il n’y a que le titre « On n’est pas bien là ? » qui date de ces années-là. Je l’ai écrit à 15 ans. J’ai écrit ce disque en à peu près un an. Il correspond mieux à celui que je suis aujourd’hui, à 23 ans.

« C’est très lent quand tu ne fais aucun tremplin TV »

Bien qu’il soit quand même beaucoup tourné sur le passé aussi. Je pense au titre « Promesses » par exemple.

C’est vrai que lorsque j’ai écrit ce titre-là j’étais encore en couple. Cette personne m’a beaucoup inspiré. Je parle beaucoup d’amour sur Nation. Il y a notamment le titre « Jeunesse oubliée » qui parle d’une génération qui a peur d’étouffer avec le temps. Si je parle du passé, c’est aussi parce que je visualise mal l’avenir. Je me projette difficilement. Je suis quelqu’un qui vit beaucoup au jour le jour.

Il t’a fallu du temps avant de percer et de pouvoir publier ce premier disque. À aucun moment tu ne t’es découragé durant ces huit dernières années ?

Je n’ai jamais perdu espoir. Parce que l’espoir est ce qui nous fait vivre. Ce n’est pas une expression anodine. C’est très lent quand tu ne fais aucun tremplin TV. Je savais que la route serait longue. C’est long de trouver un manager, des partenaires, une équipe en laquelle tu puisses avoir confiance à 100%. Et inversement. Mais je suis très content d’avoir pris tout ce temps quand je vois le résultat, quand je vois aussi l’expérience que j’ai acquise pendant toutes ces années. Je suis prêt pour défendre cet album et me lancer dans le grand bain.

Pourquoi ne pas avoir choisi de passer par la voie rapide ?

Tout simplement parce que je trouve assez violent d’être mis sur le devant de la scène du jour au lendemain. Je parle de ces jeunes à peine majeurs. Il faut quand même être préparé. Je préfère prendre des galons moi-même, rencontrer des gens… Je ne veux pas brûler les étapes. Aujourd’hui, je connais bien le milieu et je sais comment ça se passe. Je suis armé. (Sourire)

Comment le trouves-tu ce milieu ?

Je le trouve merveilleux. Je suis entouré de plein de gens formidables. Je trouve ça incroyable de pouvoir vivre de ce métier. En plus, j’ai la chance d’avoir une liberté artistique assez grande du fait d’avoir pris l’option du financement participatif. Je peux faire ce que je veux, même si j’ai conscience que cette aventure peut être éphémère. Mais je ferais tout ce qu’il faut pour qu’elle ne le soit pas, pour m’inscrire dans la durée.

« On doit être dans le partage et dans l’espoir »

Les expériences dont tu parles, ce sont aussi tous les concerts que tu as assurés ces derniers mois. Dans quelle mesure ont-ils nourri cet album que tu as écrit en parallèle ?

Quand tu montes sur scène, tu ne penses qu’à une seule chose. Être optimiste ! (Sourire) Donner du bonheur aux gens ! Et donc forcément ça s’est retranscrit dans mes chansons. Plus je vais rencontrer de personnes, plus j’aurais envie d’écrire sur elles, sur leur vie. La scène a toujours été mon paradis. C’est là où j’aime m’exprimer. J’aime rassembler. J’avais envie de décrire cette unité et cette solidarité dans mes chansons.

Regardez le clip du single « Nation » de Tibz :

C’est exactement ce qu’on ressent à l’écoute de ce disque. Je préfère néanmoins les mots « espoir » et « innocence », n’es-tu pas d’accord ? Quels autres mots pourrais-tu employer pour le décrire ?

Je trouve que ces mots-là sont assez représentatifs de qui je suis. Je suis aussi quelqu’un de très simple, et ça se ressent dans mon écriture. J’écris vite, tout ce qui me passe par la tête, et donc parfois des choses un peu futiles ou innocentes. On fait des chansons en rapport avec notre temps. Et c’est compliqué en ce moment ! La vie est semée de doutes. On doute de soi chaque jour, de l’avenir. On a peur. Je veux combattre cette peur avec mes chansons et rappeler aux gens que nous sommes nombreux et unis. On doit être dans le partage.

Il y a effectivement plusieurs messages qui transitent sur ce disque. Je pense notamment aux titres « Nation » et « La rumeur ». Quels sont les faits précis qui t’ont inspiré ceux-là ?

C’est un petit peu tout, c’est la vie en général. Mais ce sont aussi les attentats. On n’avait jamais vécu ça avant. Le climat en France est assez bizarre. Il faut se mettre à la place d’un jeune qui grandit en voyant à la télévision qu’on assassine les gens au nom de rien, au nom du néant, au nom du vide… C’est difficile à concevoir. Et puis, c’est aussi de constater que les gens sont de plus en plus individualistes. C’est un peu triste. Et je pense que c’est le rôle des artistes, dans n’importe quel domaine, de rassembler. Je veux que le monde transpire d’amour ! (Rire) C’est de l’utopie à l’état pur. Mais l’utopie n’a jamais tué personne. Je pense qu’on y arrivera, à comprendre que c’est ensemble que l’on peut faire de belles choses.

« J’admire Vianney et Claudio Capéo »

Dans quelle mesure penses-tu que la chanson en générale sera marquée par ces tragiques événements ?

J’essaie de ne pas trop y penser, ni d’en parler. On en a déjà beaucoup parlé. Ce sont des choses qu’on ne pourra jamais effacer. C’est terrible, parce qu’en plus ça divise les Français. La musique est tout le contraire. J’espère qu’on guérira de tout ça un jour.

À l’issue de ces quelques minutes passées ensemble, j’ai le sentiment que tu es un artiste totalement comblé. Qu’est-ce qu’il pourrait te manquer néanmoins aujourd’hui ?

Bien évidemment ! (Sourire) Je fais ce que j’aime. Travailler sur des chansons, faire des concerts… C’est un privilège. Ça me fait grandir ! Mes chansons sont toujours positives, même quand je parle de rupture ou de sujets un peu plus tristes. Je garde en mémoire que ‘Demain tout ira bien’.

Pourquoi avoir fait appel à Antoine Essertier (Vianney, Boulevard des Airs…) sur cet album ? Qu’est-ce qui t’a séduit chez lui dans sa manière de travailler ?

C’est mon label qui m’a mis en relation avec lui. Antoine est quelqu’un de très investi, un multi-instrumentiste très talentueux. J’ai acquis pas mal de techniques avec lui en matière de composition. Je voulais quelqu’un qui me bouscule un peu dans ma conception de la musique.

On parle de Vianney, j’ajouterais volontiers le nom de Claudio Capéo. Ils font tous les deux partie de la nouvelle garde de la chanson française. Penses-tu toi aussi en être ou, au contraire, tu refuses la moindre comparaison ?

Je me refuse à la comparaison parce que chaque artiste à sa propre sensibilité. Bien sûr, on peut retrouver chez l’un ou l’autre les mêmes influences, parce qu’en musique on a quand même fait le tour. C’est compliqué de faire quelque chose de différent. C’est ce qui explique qu’on a des points communs.

Pourrais-tu écrire pour ces deux-là, ou pour d’autres ?

C’est mon rêve de pouvoir offrir une chanson pour ces artistes que j’admire. J’adore leur travail. Ce serait une consécration. Je m’y mets, mais ce n’est pas encore pour tout de suite. Sache que ça viendra très vite ! (Sourire)