Davodka en interview : “C’est des tranches de vie, des morceaux de vécu sur papier”

Fin 2021, Davodka revenait avec Procès verbal, un nouveau projet sérieux à l’écriture impactante. Aficia a eu la chance de le croiser après un concert, l’occasion de lui poser quelques questions…

Pilier de la scène rap underground en France, Davodka assure sur scène et transmet une sacrée énergie à son public. C’était une belle occasion de parler un peu de son parcours, de sa musique, à l’instinct…

Davodka, l’interview…

Pour ceux qui ne te connaissent pas, un gros récap bien fourni ?

Davodka, mes premiers textes sont de 2003, avec le groupe Paris Pôle Nord, on était 3, Nico l’Salo, Kema et moi, à la base j’étais pas dans le rap, j’écoutais mais j’étais pas un mordu de rap ou de musique en général mais c’est eux qui m’ont emmené là-dedans, je les ai entendu faire un son et je me suis dis ‘vas y on va tester’. C’était bien mais pas incroyable, mais c’était pas ridicule. Y’avait peut-être une lueur qui existait. Mais j’ai jamais eu le rêve d’être rappeur. Genre ‘je vais être rappeur, star, nan’.

Je suis celui qui voulait pas faire de rap qui en a fait, et tout ceux qui étaient là-dedans que je connaissais ont arrêté. J’ai migré dans un collectif qui s’appelait MSD en 2007 et je suis parti en 2013 pour faire l’album Un poing c’est tout, je comptais arrêter le rap parce que je voulais terminer avec un album solo. J’espérais rien et je l’avais mis gratuit sur Partage Facile, 6 mois après j’ai vu 36000 téléchargements, et du coup je suis parti faire un CD, 500 exemplaires en 3 semaines, et je les vendais à ma station de métro main à main, avec une promo sur Facebook, y’avait pas de boutique à cette époque tout le monde s’en foutait. Et on mettait juste sur YouTube y’avait pas de monétisation et on s’en battait les couilles…

Ton inspiration au niveau de l’écriture, elle vient d’où ? Car t’as une écriture assez intimiste, assez…

Personnelle en vrai. Elle est totalement introspective. Ça dépend, j’ai remarqué il y a beaucoup de personnes qui m’écoutent pour deux catégories de choses. Certains pour juste le débit, pour le côté un peu performance. Et un autre public qui m’écoute pour l’écriture, et les jeux de mots. Parce que j’ai toujours adoré ce genre de casse-tête, pouvoir créer un morceau dont l’écriture peut se comprendre dès la première écoute ou alors sur la cinquième écoute et tu trouves une phrase ou tu te dis ‘ah ouais il a voulu dire ça en fait le jeu de mot…’ mais tu percutes pas tout de suite. Donner plusieurs vies au morceau en fait.

L’expression ‘La Saint Ballantine’s’, Tu manies l’alcool, le fait d’être solo, avec ce genre d’expressions incroyables.

C’était avec MSD ça, c’est un jeu de mot assez facile ça !

C’est comme ‘il était un foi’.

Il était un foi, c’est un vrai conte de fée, j’ai toujours aimé les thématiques sur l’alcool, les addictions. Mieux vaut deux fois qu’un, au bout du goulot…

Parce que tu t’identifies à ça finalement, et ça te concerne en fait ?

Oui parce que c’est mon plus gros vice. On me l’a souvent reproché.

C’est ton plus gros vice mais t’arrives à en faire un morceau, pendant que je vais boire, tu arrives à en faire des morceaux…

Ça s’appelle l’exutoire, pour vider les tiroirs des côtés négatifs. Oui j’arrive à faire sourire avec des punchlines qui sont ‘marrantes’. Je suis un freestyleur de base donc je rappe pour moi mais aussi pour mes frérots, pour les gars du halle, on se croisait, on mettait une prod, et le but c’est de voir le rictus sur le pote qui me dit ‘ce jeu de mot là il est tordu’ moi c’est surtout pour ça et voir le moment où la personne réagit.

Et du coup comment tu construis tes textes ?

C’est aléatoire, y’a aucun ordre, aucun schéma, du début à la fin, ou de la fin au début. J’écris le texte et je trouve la prod adéquate ou inversement j’ai une prod et je gratte dessus, mais j’ai pas de méthode de travail, je pourrais pas donner un seul filon pour faire ce que je fais.

Tu préfères 5000 personnes en concert ou 200 qui sont à fond ?

5000, c’est pas pareil, tu peux juste être avec du monde et t’as plus de contact. Et t’as un public de salles beaucoup plus petites, avec plus de contact, avec un lien qui s’est créé, c’est plus intimiste, plus chaleureux, ça fait moins grosse machine tu vois… En festival, c’est écliptique le but c’est de convaincre, et j’adore ça. T’as un reggae man avant, un gars qui fait du Jazz, un gars qui fait du blues, t’arrives avec un truc ou tu sais pas où ça va aller. J’ai fait des salles avec 3 personnes, il peut y en avoir 0 j’ai pas peur. Je kiffe les petites salles, jusqu’à 500 personnes et après le lien à créer c’est différent. Mais j’ai fait aussi la fête de l’Huma et voir 10 000 personnes qui s’abaissent et qui joue le jeu je peux te dire les vidéos c’est juste historique !

Je t’avais demandé dans un live YouTube (confinement) pourquoi on privilègie des rappeurs qui font des millions de vues et pas les artistes comme toi, dans l’authenticité ?

Je suis libre en fait, libre de faire quelque chose qui me ressemble. Ça me demande beaucoup de boulot, d’être acharné, de créer une histoire. J’aime bien faire des projets, des albums un peu longs, j’arrive pas et je créerai pas le single type qui pourrait aller en radio, j’ai pas ce talent là et je sais pas me vendre, donc déjà ça commence mal. Pour le marché de l’industrie je suis obsolète mais libre comme l’air. J’ai choisi de faire le son qui me ressemble. Et même ceux qui font du son à grande échelle leurs sons ça leur ressemble, y’a pas de critique là-dessus.

Tu fais juste ton truc.

Je fais quelque chose qui me parle, qui fait partie de mon vécu. Comme disait Souffrance c’est des tranches de vie, des morceaux de vécu sur papier…