À l’occasion du Printemps de Bourges, nous avons croisé la route de la chanteuse cap-verdienne Mayra Andrade. Ensemble, nous avons parlé de son dernier album, de Charles Aznavour et de son lien avec la France… Confidences !
Mayra Andrade chante en portugais, créole cap-verdien, anglais, français… Après avoir vécu plus de 10 ans à Paris, la chanteuse lusophone est partie s’installer à Lisbonne, ville cosmopolite dans laquelle elle a trouvé l’inspiration pour son dernier album, Manga.
Alors qu’elle a charmé et fait danser le public du Printemps de Bourges avec sa musique métissée, nous avons pu la rencontrer quelques minutes avant son entrée en scène.
5 questions à Mayra Andrade…
1 Sur Lovely Difficult, tu as collaboré avec de nombreux artistes comme Yaelle Naïm, Piers Faccini ou encore Benjamin Biolay. C’était important pour toi d’être entourée pour cet album ?
Cet album a été fait après 12 ans de vie à Paris et les artistes avec qui j’ai travaillé sont des amis avec qui je m’entends très bien, qui m’inspirent. J’avais envie, que d’une manière ou d’une autre, ce soit marqué dans mon parcours. Ça s’est fait très naturellement.
2 On ne peut pas évoquer ton pays d’origine sans parler de Cesária Évora. Je sais que tu l’as connu et qu’elle est très importante pour toi. Que t’a-t-elle apporté dans ta carrière et ta musique ?
J’avais 12 ans quand elle m’a donné son conseil. Je me suis présentée à elle comme chanteuse. J’étais toute petite et elle m’a dit « N’oublie jamais que c’est le public qui décidera ce qu’il sera fait de toi ». C’est vraiment le premier conseil qu’on m’a donné en musique. Après ça, nous sommes devenues amies, nous avons chanté ensemble. Le sentiment que j’éprouve pour elle, c’est une immense tendresse et une grande reconnaissance. Bien au-delà de mon métier de chanteuse, comme Cap-Verdienne, je reconnais le fait qu’elle nous ait porté et qu’elle ait mis le Cap-Vert sur la carte du monde.
3 Tu es parti vivre à Lisbonne et c’est là-bas que ton nouvel album, Manga, est né… Peux-tu nous parler du processus de création ?
Le créole est la constante de tous mes albums. La plus grande partie de mon répertoire est enregistrée dans cette langue. Manga est sûrement l’album le plus lusophone de carrière. Étrangement, le portugais et le créole sont mes deux langues maternelles mais j’avais assez peu enregistré en portugais. C’est venu très naturellement, j’ai eu tout de suite envie de chanter en majorité en portugais. J’ai composé huit des 13 chansons de mon album. Lisbonne a beaucoup influencé le son de cet album. Il est afro-contemporain. J’ai aussi été inspirée par un voyage au Ghana fait il y a trois ans et demi. Ça m’a mis face à face avec l’afrobeat qui est produit au Nigéria ou au Ghana aujourd’hui et qui influence toute l’Afrique de l’Ouest et le monde. C’est vraiment Lisbonne qui m’a redonné cet esprit solaire qui me manquait beaucoup quand j’étais à Paris.
4 Tu as déjà dit à plusieurs reprises que les Cap-Verdiens se tournaient vers la musique car il n’y a pas grand-chose… Peux-tu m’en dire un peu plus à ce propos ?
C’est vrai qu’il y a beaucoup à faire parce qu’il n’y a pas grand-chose. Nous n’avons pas de richesses matérielles donc la musique est une constante. Elle rythme la vie des Cap-Verdiens et c’est un exutoire que ce soit dans les bons comme dans les mauvais moments.
5 Tu as aussi eu la chance de collaborer avec Charles Aznavour. Dans certains de ses titres, comme ‘La bohème’ on retrouve un peu l’idée de ‘Sodade’. Est-ce un artiste qui t’a influencée ?
Je garde un souvenir marquant de notre rencontre. J’ai reçu un coup de fil de sa fille Katia en 2005. Je n’avais pas encore lancé mon premier album. Il a découvert ma voix à travers elle grâce à des enregistrements de concerts. Elle m’a demandé de passer en studio quand son père enregistrait l’album en hommage à Toulouse Lautrec. Au début, je pensais qu’il avait besoin de quelqu’un pour enregistrer une démo alors que c’était vraiment pour un duo. J’ai appelé tout le monde tellement j’étais heureuse. Il m’a marqué par son élégance et sa générosité. Je me souviens qu’il m’a laissé choisir la chanson que j’avais envie de chanter. Il m’en a proposé deux ou trois qui étaient plus proche de mon univers. Nous avons cherché la tonalité et quelques jours plus tard, nous avons enregistré le titre face à face dans une cabine de studio, à l’ancienne. Il est venu au concert de lancement de mon premier album qui a eu lieu au Café de la danse. J’en garde un souvenir spécial, celui d’un monsieur qui venait d’une autre époque, qui a tout vu et qui était capable de démontrer du respect et de l’admiration pour les plus jeunes qui commençaient comme moi. J’ai un sentiment de gratitude pour ce qu’il a pu m’apporter humainement…
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