A l’occasion de son premier concert à Nantes le 19 Mais 2023, Tip Stevens est venu discuter avec aficia en interview “sans filtre”.
Trois ans après la sortie de son premier projet solo Condor et quelques jours seulement avant la sortie de son nouvel EP Bengal, Tip Stevens a lancé sa première tournée. Nous avons eu l’occasion d’avoir avec lui une discussion sur sa place dans le domaine musical, sa passion pour Twitch et son processus de création.
Entre des inspirations reliant le rock et l’électro, Tip Stevens est un artiste à l’aise sur de nombreux styles différents. Il apprécie sortir de petits projets afin de pouvoir explorer un maximum de styles différents. Ce qui explique son nombre d’EP explosif avec pas moins de 5 EP sortis en 3 ans. Il se remémore au travers de cette interview ces 3 dernières années.
L’interview ‘Sans Filtre’ de Tip Stevens :
Tip Stevens qui a commencé en 2020, d’où est ce qu’il vient ?
C’est un truc que j’avais en tête depuis très longtemps. Justement, on a beaucoup tourné avec Teacup Monster. Et moi, plus le temps passait, plus j’ai commencé à mettre des sons de côté et plus j’ai commencé à avoir une volonté de faire certaines choses qui ne plaisaient pas forcément à tout le monde.
Est-ce que c’est en quelques sortes une suite du projet de groupe dont tu faisais parti Teacup Monster ? Ou est-ce que c’est une volonté de te faire découvrir en tant qu’artiste solo ?
Le groupe c’était un boulot à 3 donc on avait chacun nos idées différentes. Est arrivé un moment où j’ai commencé à stocker mes idées qui ne plaisaient pas aux autres membres du groupe, plutôt que de forcer, je le gardais de mon côté pour un éventuel projet solo. Plus ça allait, plus je commençais à avoir des sons et Condor, mon premier EP qui est sorti en 2020 c’est quasiment que des morceaux que j’avais préparé pour Teacup Monster qui n’ont pas vu le jour. Les premières idées de Condor doivent dater de 2014/2015, donc ça faisait presque 5 ans que le projet était « lancé”.
Donc Condor a été quasiment réalisé avant que ton projet solo soit lancé ?
Condor il est hyper vieux. J’ai encore même aujourd’hui des passages de morceaux et des phrases que je reprend dans des sessions qui datent d’avant sa création. J’attends toujours le bon moment pour être sur de savoir dans quel morceau tel élément aura parfaitement sa place. Après les éléments ont toujours beaucoup changé, mais leur création est vraiment ancienne. Je pense que le morceau le plus vieux de Condor, ça doit être “Ordinary” que j’ai composé au cul du camion quand on partait en concert avec Teacup. La session compo doit dater de 2014/2015.
Tiens ces 4/5 morceaux ils ont un peu le même mood, on pourrait en faire un EP !
Tip Stevens – aficia
Donc il y a aujourd’hui encore des projets qui sortent alors qu’ils ont été composé il y a un certain temps ?
Aujourd’hui je bosse encore dans le camion quand on part en tournée ou je fais le tri dans mes vieux projets et j’en garde toujours certains en me disant qu’ils pourront ressortir un jour. Et ce tri me permet aussi de réunir des morceaux en me disant “Tiens ces 4/5 morceaux ils ont un peu le même mood, on pourrait en faire un EP !”. Ça me permet aussi de rouvrir des sessions de travail et de me dit “Aller je vais rebosser sur celle-ci”, tout a l’heure encore je travaillais sur une session de 2018.
Tu as envie de garder cette idée de travailler au format EP pour garder une certaine liberté et ne pas te restreindre à un format album plus emprisonnant ?
Ça me fait un prétexte pour pouvoir tirer dans tous les sens sans avoir de limite. Vu que ça met du temps de faire un album, malgré le fait que j’adore ce format, je pourrais me dire “Je vais faire des albums avec un style différent à chaque fois mais avec l’EP l’avantage c’est que c’est un petit univers à développer”.
C’est comme si tu écrivais des nouvelles au lieu d’écrire des romans. L’avantage c’est que ça va vite à produire, enfin …*rire* ça met moins de temps à être produit. Et du coup je peux plus m’amuser à explorer des styles différents au travers de mes EP. Là en ce moment, je bosse sur un EP très très très électro, un truc que les gens vont pas comprendre du tout. Mais j’ai la chance de pouvoir me dire : au pire, ils aiment ou ils aiment pas, ils peuvent passer à autre chose très très vite sans forcément s’attarder dessus comme ils devraient le faire sur un album. Mais travailler sur ce format EP avec les noms d’animaux me permet de faire n’importe quoi au niveau du style tout en restant cadré.
Est-ce que malgré tout, le public reste fidèle à tes projets malgré les nombreux styles différents ?
Pour l’instant je pense que oui car ça va, je ne pars pas trop dans tous les sens. Tous les EP de ma discographie pour l’instant sont cohérents entre eux. Je pense que les plus grosses dingueries vont arriver dans l’avenir, je vais sortir des trucs les gens ne vont pas comprendre ce qui va leur arriver. C’est plus que je me pose des questions sur la suite pour savoir si à un moment ça va pas jouer contre moi. Je me demande si je ne vais pas perdre les gens qui sont plus intéressés par des sons acoustiques et l’EP électro qui va sortir à un moment risque de leur faire très bizarre. Je pense que pour l’instant le risque n’est pas plus pris que ça.
L’EP électro est vraiment dans les tuyaux ?
Ah oui oui oui *rires* les gens le savent. J’en parle tout le temps en stream, ils savent que ça va être débile.
En parlant de Twitch, comment est-ce que tu arrives à jongler entre tes différentes casquettes, celle de streamer et celle d’artiste. Arrives-tu à gérer les deux comme tu le souhaites ? J’ai aussi vu que tu faisais des sessions de composition en live avec tes viewers, est ce que c’est ce qui te permet de correctement jongler entre ces deux activités différentes ?
Les compos c’est surement ce qui se rapproche le plus de ce que je fais avec mon projet musical. Après oui, je fais aussi un peu de jeu vidéo de temps en temps mais ça reste quand même en majorité du temps que de la musique. Mais malgré ça, j’ai quand même pas l’impression de jouer double casquette, sachant que les gens sont au courant et que je dis souvent en live que la priorité reste mon projet musical. Donc les tournées, tout ça passent avant le stream. Tu vois, aujourd’hui on est vendredi et normalement le vendredi soir, je suis en live. Mais ils savent très bien que quand il y a une tournée, ça passe avant.
Tip Stevens : “C’est très rare pour des artistes de venir sur Twitch”
Et j’essaie justement de ne pas me considérer comme streamer.
Je suis devenu avec le temps quelqu’un de pas mal regardé sur Twitch au niveau des chaines musicales françaises. Mais malgré tout, c’est pas une fin en soi. C’est-à-dire que si à un moment je dois faire passer la musique devant, les gens sont déjà au courant. Je ne me mets pas la pression à me dire que je dois jouer double casquette. Et je pense que les gens, ça leur fait plaisir de savoir que je ne veux pas jouer sur les deux tableaux à la fois.
C’est très rare pour des artistes de venir sur Twitch et je ne veux pas juste devenir quelqu’un qui n’est ici que pour faire des convers, je ne veux pas avoir ce rôle de “jukebox”. Il arrive souvent que sur les deux premières heures de mes streams, je sois juste là à discuter avec mon tchat de mon futur projet. J’ai l’impression au final que les deux se lient très bien sans avoir à forcer plus que ça.
J’essaie justement de ne pas me considérer comme streamer.
Tip Stevens – aficia
Sens-tu que tes lives de composition avec les viewers changent ton processus de création ?
Pour ne rien te cacher, je m’attendais à ce que ça change plus que ça. Au début c’était une espèce de crash test. Je me disais “j’ai vraiment envie de le faire, mais comment je vais pouvoir gérer les gens ? À quel point je prends leurs idées ou non ? Quelles limites est-ce que je fixe ? Est-ce que je vais être aussi naturel que quand je suis seul, sauf que là je ne suis pas seul donc ma perception va forcément changer”.
Et en fait, oui, ça alterne un petit peu ma vision des choses mais j’arrive au fur et à mesure à être naturel en stream et m’en foutre de si on passe une heure à faire un truc qui ne mènera à rien au final car il m’arrive aussi de passer pas ces étapes quand je suis seul. Plus ça va, plus j’arrive à lâcher prise et me dire qu’au pire, tant pis les gens s’emmerderont et ils partiront mais c’est pas grave.
Est-ce qu’on peut considérer ces lives comme étant des lives pas forcément interactifs, mais plus à laisser en bruit de fond pour les viewers ?
C’est sur, suivant les streams que je fais, y’a des moments ou le but du stream c’est qu’il soit laissé en mode radio sur le côté et une partie des gens qui suivent ces lives de composition apprécient énormément ce format pour cette raison. C’est vrai qu’au début je voulais qu’il y ait tout le temps des interactions ou j’animais énormément le live, mais maintenant, je m’autorise à ce qu’il y ait des grosses latences quand je compose pour pouvoir suivre mon rythme naturel de composition. J’ai été très surpris au bout de quelque temps de réussir à me sentir comme à la maison, comme si j’étais presque tout seul dans ce processus de création. Les gens le comprennent vraiment bien.
Les viewers ne deviennent donc plus une source de pression ?
Nan, pas du tout, c’est ça qui est fou. La pression je me la mets tout seul et quand tu regardes les choses en face, les gens sont vraiment tranquilles et pas du tout dans cette volonté de productivité extrême. Quand tu te dis “putain, ça fait 30 min que je fais le même truc en boucle, ça va souler les gens”, tu remarques vite que les gens sont OK avec ça.
Est-ce que tu sens que ton public grandit grâce à Twitch ? Et comment est ce que tu arrives à le faire grandir au travers de la plateforme ?
Je vois que la communauté grandit, oui, mais je n’ai pas la moindre idée de comment elle grandit. Je ne fais même pas de feats avec d’autres gens. Et au contraire, mon stream c’est mon petit sanctuaire. Je suis dans mon studio, je fais tout ce qui me vient en tête, y’a des gens qui regardent, ça les fait marrer et c’est tout. Je n’arrive pas à fonctionner avec des objectifs. C’est pour ça que je suis très surpris de ce qui m’arrive car je n’ai jamais eu de réel objectif.
Moi à la base j’ai lancé mes premiers lives quand on répétait avec Teacup Monster. Les premiers pas sur Twitch ont été fait quand on répétait pour le Download festival. C’est un festival dans lequel on passait ou il y avait les Foo Fighters et nous on se mettait une pression de tarés. Je me suis dit, plutôt que de répéter tout seul dans mon coin, vient j’allume un stream et au début il y avait 5 ou 6 viewers. Et j’ai trop kiffé, ça faisait déjà longtemps que je consommais des lives sur Twitch. Du coup je me suis lancé sans objectifs, ça a pris et maintenant, ça devient un vrai truc qui me permet de gagner ma vie.
Aujourd’hui tu vis plus de Twitch que de la musique ?
Oui, bien sur ! Après tout ce que je gagne avec la musique ou avec Twitch, je le réinvestis directement dans mes projets. Je garde que dalle pour moi *rires*.
Maintenant qu’on bosse en coproduction avec Floral Records, on met chacun la même somme quand on produit des projets. Un jour, je pourrais me permettre de faire quelque chose pour moi, mais pour l’instant, ce n’est pas le but.
Comment est arrivé cette collaboration avec le label Floral Records ?
Je crois que ça part d’une fois où Ponce, le créateur du label, avait envoyé ses viewers sur mon stream à la fin d’un des siens. Et les gens le lendemain étaient arrivés sur son stream en disant « ouais c’était trop bien le gars chez qui tu nous as envoyés hier ». Donc visiblement les gens avaient trop kiffé. Et le lien s’est fait comme ça, on a commencé à s’envoyer des messages. On a fini par réussir à se faire un live à 3 entre Ponce, Jussetain, un autre collègue streamer qui fait de la musique, et moi en aout 2021.
C’était trop trop bien, les gens ont adoré et moi j’ai surkiffé ce live par ce que justement, on a réussi a faire un truc en mode jam et au pire y’a des ratés mais c’est pas grave. On y va comme si on était juste 3 potes à la maison et on a envie de jamer. Et on s’en fout de pas animer, après on animait quand même, mais c’était vraiment pas notre priorité. Ça s’était super bien passé. Puis après, on a gradé contact, on se donnait des nouvelles de temps en temps.
“On est en train de monter un label de musique”
L’anecdote est qu’un jour, j’étais en train de bosser sur le clip de ‘Miracle’ dans mon EP Kaioty, et j’ai proposé à Ponce de venir faire de la figuration dedans. Je lui ai envoyé un message en lui disant qu’on allait tourner un clip et que si il était chaud pour venir dedans ce serait avec grand plaisir. Il me répond en me disant qu’il est hyper motivé mais qu’il avait un projet duquel il voudrait me parler. Il m’a direct envoyé un vocal alors que j’allais lancer un live 5 min après en me disant “ouais, carrément chaud pour le clip, mais j’ai un autre projet à côté, on est en train de monter un label de musique, est ce que ça te dit d’en faire partie ?”.
Je suis resté un peu bloqué mais je lui ai dit “euh ouais ouais ouais, on en rediscute”. J’ai envoyé ça et je suis parti en stream comme si de rien n’était mais j’avais beaucoup de mal à réaliser, comment ça Ponce monte un label ?
Donc c’est parti de là, par la suite on a pas mal discuté avec Léo et JB, les deux autres co-directeurs du label, on a vu ce qu’on pouvait faire ensemble, on s’est mis d’accord sur pas mal de choses et on s’est dit “let’s go”.
Est-ce que tu as pu remarquer une différence entre le fait de passer d’artiste indépendant à artiste d’un label ?
Franchement, ça change pas grand-chose dans mon fonctionnement parce que je pense, et ça dans tous les labels, que chaque artiste a sa manière de travailler avec le label. Et chaque artiste n’utilise pas le label de la même façon. Nous ils savent qu’on est très autonome, que je suis très productif et que je fais mes trucs tout seul. Il faut considérer le lien entre Tip Stevens et Floral comme une coprod ou à chaque fois qu’on fait quelque chose, on débourse chacun la même chose pour le projet et après on récolte chacun la même chose au niveau des revenus. Mais c’est vraiment une collaboration. Mais tu vas trouver au sein du label des artistes qui vont avoir besoin de financement pour lancer des projets, de conseils.
Pour le coup, Floral Records me permettent de rester en roue libre sans avoir de comptes à leur rendre. Ils me font complètement confiance. Forcément, dès que je fais quelque chose, je leur envoie, mais je ne suis pas du tout bridé. Mais on a ce truc qu’on ne pouvait surtout pas avoir au sein de d’autres labels un peu plus gros, qui est la liberté. Moi si je fais des EP, c’est pour produire vite et souvent si je le souhaite, mais c’est pas pour qu’un label vienne derrière et me dise “nan nan, faut sortir ça dans un an ou deux ans car il y a des délais à respecter”. Eux me font confiance et ils savent que ça peut aller très vite. Ils ont compris le format des EP et ils sont hyper compréhensifs.
Tu avais eu d’autres propositions de labels auparavant j’imagine ?
À l’époque ou on était avec Teacup, on avait rencontré beaucoup de gens qui étaient du milieu et c’est comme ça que j’avais compris le fonctionnement d’une partie des labels. On m’avait contacté à l’époque pour faire The Voice et à ce moment-là tu es curieux, tu demandes c’est quoi les deals, comment on peut s’arranger, et comment vous fonctionnez…
Ces discussions m’ont fait me dire que j’allais rester indé très longtemps, le maximum de temps possible et l’idée d’avoir un label c’était pas une priorité. Mais vu que je suis comme tu le disais précédemment « double casquette », à la fois artiste mais aussi streamer sur Twitch, c’était compliqué de pouvoir trouver mieux que Floral grâce à leur proximité avec Twitch. Je me suis dit que si je n’acceptais pas cette proposition, je n’en accepterai jamais aucune autre. Et au final on s’est très bien entendu mais dans un sens ça ne change pas grand-chose. Moi je ne me sens pas bridé ni quoi que ce soit, le seul truc qui a changé c’est que j’ai des délais de sortie à respecter mais sinon rien d’autre.
Est-ce qu’on peut attendre des feats entre toi et d’autres artistes du label ?
Pour l’instant non, y’a rien qui est prévu. Pour l’instant je cours à fond pour finir tout ce que j’ai de prévu de mon côté en solo. Les feats c’est pas du tout dans ma tête, que ce soit avec des gens du label mais aussi des gens extérieurs. C’est pas que j’en ferais jamais, mais pour l’instant j’ai 2 ou 3 EP en stock que j’aimerais sortir au plus vite et qui sont déjà presque prêts. Je commence même à me dire que j’ai presque trop de choses à sortir.
C’est vraiment hyper loin dans ma tête, mais malgré tout je ne suis pas fermé à l’idée, on verra bien. Même si c’était quelqu’un de très connu, je pense qu’il y’aura peut-être un moment ou il y aura une cohésion de fou avec quelqu’un et ça viendra naturellement.
Et est-ce qu’on peut attendre un jour un retour de Teacup Monster ?
Bah en vrai je sais pas, mais on aimerait bien tous. Personnellement j’ai mon projet musical qui me prend tout mon temps. Je pense qu’on attend le bon moment où on aura envie de le faire et envie de repartir, c’est pas impossible. Mais impossible de dire quand.
Revenons sur Floral Records, étant donné que tu as fait partie des artistes présents dès le lancement du label, as-tu une place particulière en son sein ?
Bah il se trouve qu’au lancement on était 5 ou 6 artistes. Mais je sais qu’au sein de Floral, ils ont une qualification particulière des différents artistes en fonction de leur place dans le milieu musical de base. Ils sont classés sous forme d’artistes bourgeon, artistes racine, … Nous on est dans les artistes racines avec Cemented Minds, Ceylon, et quelques autres. Après je pense pas qu’on ait une place spéciale dans le label vu que chacun possède sa manière de fonctionner. Moi forcément, vu que je fais du Twitch et de la musique, j’ai forcément des demandes et un profil différent. C’est ça l’avantage de Floral, c’est qu’ils s’adaptent très bien aus différents artistes et à leurs demandes.
Découvrez “Sugar Rush”, le dernier single du nouvel EP de Tip Stevens :
Parlons maintenant de la sortie de “Sugar Rush”, le premier single de ton nouvel EP, il a fait pas mal de bruit sur les réseaux sociaux. Est-ce qu’on peut attendre ce nouveau projet à suivre l’ambiance de ce premier extrait ?
Ah bah c’est l’EP le plus rock de tout ce que j’ai pu proposer jusqu’ici. Kaioty avait ce côté rock anglais avec un univers plus introspectif et un peu plus mélancolique sur certains points. Bengal va être beaucoup plus avenant, beaucoup plus rentre dedans, plus explosif et joyeux. Le terme qui me vient c’est avenant mais je sais pas si les gens comprennent trop ce que je veux dire par là. C’est pour ça l’image du Bengal, un tigre qui aura tendance à être énergique pour coller à l’atmosphère du projet. Je crois pas qu’il y a de vrai titres calmes dans ce projet. Éventuellement on peut dire qu’il y a un titre « demi-calme », sinon c’est hyper rock sur tout le reste de l’EP.
On avait déjà pu découvrir une facette un peu plus rock du projet Tip Stevens au travers de ton EP précédent Kaioty. Un côté plus électro au travers de ton premier EP Condor. Est-ce que tu sens de ton côté une vraie progression de ton côté ?
Forcément je ressens une progression dans les morceaux, d’autant plus que c’est moi qui fais les mixages finaux et c’est moi qui produis tout. Je sens que je progresse aussi là-dessus. C’est aussi un taf que je faisais avec Teacup Monster, c’était moi qui produisais les cd et à partir du 2eme EP c’était moi qui mixais aussi. Et je me suis senti prêt à sortir Condor au moment où je pensais avoir suffisamment progressé en mixage. Mais je sens quand même qu’entre Condor et Bengal, j’ai énormément progressé en terme de composition, en terme d’arrangement et de mix.
Mais au niveau du style, je sais que je vais revenir sur des choses sur lesquelles je suis déjà passé. De plus, y’a pas de spoil, mais dans la mesure ou mon premier projet s’appelait Condor : Chapter 1, c’est sûr qu’il va y avoir un chapitre 2 à un moment. Je suis curieux de voir comment j’aurais évolué entre les deux chapitres.
Je veux garder la satisfaction du fait que c’est moi qui a tout fait de a à z.
Tip Stevens pour aficia
Est-ce que le fait de travailler tout seul, ce n’est pas trop éprouvant au niveau de la charge que tu t’infliges ?
Ah si, mais j’aime ça. *rires* Le sentiment qui en découle est tellement satisfaisant et j’y suis addict. Après c’est un secret pour personne, je bosse comme un acharné tout le temps. Mais je me plains pas. J’essaie au fur et à mesure de le penser de plus en plus intelligemment pour ne pas me cramer mentalement. On est aussi d’une génération ou on est confronté régulièrement aux burns out.
J’essaie de le penser comme ça, mais dans un sens, c’est cette charge de travail qui me permet de continuer. J’apprends à déléguer petit à petit sur certains trucs que j’estime pouvoir laisser faire à d’autres gens. Il y a des choses sur lesquelles je ne peux pas laisser la main, la direction artistique par exemple. Peut-être qu’un jour je déléguerais mais pour l’instant j’aime trop ça. Le mix je collaborerais peut-être avec d’autres personnes un jour mais pour l’instant c’est pas prévu non plus.
Tu as envie que tes projets restent tes bébés malgré tout ?
Oui, complètement. Après, c’est sur que quand tu y réfléchis, tu peux forcément envoyer certains de mes mix à des gens plus calés que moi sur le domaine. Mais dans un sens je ne veux pas rechercher la perfection. Je veux garder la satisfaction du fait que c’est moi qui a tout fait de a à z. Genre aujourd’hui j’écoute mes mix et je les compare à ceux d’artistes internationalement connus et ça me permet de voir que j’ai beaucoup évolué, mais qu’il me reste malgré tout beaucoup de chemin a parcourir. Et j’adore cet objectif et voir que je m’en rapproche au fur et à mesure.
Parlons maintenant de la tournée que tu es en train de faire, est-ce que tu t’attendais à l’engouement qu’elle a eu ?
J’ai rien compris … Ce qui est hyper dichotomique c’est que j’avais fait exprès jusqu’à aujourd’hui de garder le côté tournée sur le côté car on avait fait beaucoup de dates avec Teacup. Et j’ai pas envie avec le projet Tip Stevens que dès mes premières compos, j’aille écumer les cafés-concerts. J’avais envie de skipper cette première phase pour pouvoir directement arriver à l’étape où j’ai fait connaitre ma musique auprès d’un premier public.
On avait une volonté d’arriver directement avec un spectacle sur lequel on saurait qu’on ne serait pas bridé. On en a bouffé du café-concert avec Teacup et c’était très important de le faire. Et pour revenir au côté dichotomique, je voulais dire que j’avais justement pas voulu faire des concerts en café concert pour qu’il y ait une vraie effervescence quand il y aurait la première annonce. Ça marche comme on avait prévu, voir même beaucoup plus. On avait essayé de prévoir un peu large quand même, mais quand c’est arrivé, on ne s’y attendait quand même pas.
C’était inattendu que les dates soient complètes si vite ?
Ah mais oui complètement, j’ai rien compris de ce qui arrivait. Si on avait su, on aurait pu prendre des salles plus grandes sur une partie de la tournée. Mais on pensait sincèrement qu’on allait déjà galérer à les remplir. Tout le monde de l’équipe disait que ça devrait se remplir assez vite mais moi j’étais le grade fou qui les calmait en leur disant de ne pas trop s’emporter non plus … on a encore un gros taf de com pour pouvoir tout remplir.
Mais bon, au final la billetterie pour la Maroquinerie s’est remplie en moins de 24h et sur le reste de la tournée, y’avais 3 ou 4 dates qui se sont remplies en moins de 48h. Et le reste de la tournée à quand même affiché complet en très peu de temps. Après je me dis aussi que c’est la première tournée du projet Tip Stevens et ça fait un peu suite à la création de Floral Records. Mais je me demande si, une fois que cette euphorie de lancement sera finie, mes concerts seront toujours complets aussi vite. Je ne veux pas agir comme si tout était déjà gagné d’avance. Mais là, on a vraiment vrillé car on ne s’y attendait pas. On se disait honnêtement “imagine la dinguerie si on remplit la maroquinerie ».
Est-ce que tu ne penses pas aussi qu’il y avait une attente du public de cette tournée et c’est pour ça qu’elle a eu autant d’engouement ?
Je l’avais jamais pensé comme ça, mais peut-être finalement. Je pense qu’il y a peut-être un effet boule de neige aussi. Avoir rempli la Maroquinerie aussi vite à peut-être motiver les gens à prendre leurs places dans les autres villes avant que ce soit complet. C’est aussi pour voir que j’ai annoncé une date à la Cigale en novembre prochain, j’ai pas communiqué dessus depuis l’annonce et je veux voir si elle se remplit aussi vite sans communication de mon côté.
Comment ça se passe pour un artiste streamer d’avoir les retours en direct sur ton tchat lorsque tu fais des écoutes de projet en avant-première sur Twitch ?
C’est mes moments préférés de très loin. Les moments où je fais écouter l’EP pour la première fois sont tout le temps géniaux. C’est une sensation unique pour un artiste. Habituellement personne ne vit ça et c’est fou d’avoir le retour en direct de ta communauté. Ça me met une dose de stress immense, au point où je suis plus stressé de faire écouter l’EP pour la première fois en live plutôt que de monter sur scène. Même les plus grosses scènes que j’ai pu faire dans ma vie ne m’ont jamais autant fait stresser. À chaque fois je suis là et c’est un mix de l’excitation de le présenter et de peur que ça ne plaise pas et tout se mélange. C’est un sentiment exceptionnel.
Est-ce que tu sens que le retour des gens peut être biaisé dû au fait que tu fasses des lives de composition ou-ù ils ont déjà entendu une partie de l’EP ?
C’est encore un autre truc … Par exemple pour mon EP qui s’appelle Manta, on a tout fait en live, de la composition au mix en passant par l’enregistrement et l’écriture des paroles. C’était très bien, peut-être que je le referais un jour, mais maintenant j’ai trouvé un juste milieu ou je trouve les idées de compo en live et j’ai gardé tout le reste pour moi.
Donc maintenant on arrive sur des moments où les gens entendent les premières notes et se disent « oh je sais lequel c’est » mais il y a quand même une part de découverte car ils ne connaissent pas l’arrangement final ni la façon avec laquelle ma voix est posée dessus. L’écoute reste fraiche pour tout le monde mais tu as quand même l’impression que quand ça sort c’est leur projet malgré tout. Je garde quand même maintenant dans les projets des morceaux que je fais tout seul de a à z pour que les gens découvrent des sons malgré tout lors de leur première écoute. Mais il y’a un profil de gens qui passent sur le live le mercredi, jour de composition, ils laissent juste un message dans le tchat pour dire « coucou, je passe juste dire bonjour mais je reste pas pour pas me faire spoil le futur projet”.
Est-ce que tu ne trouves pas ça frustrant ?
Absolument pas, vraiment je ne m’intéresse pas au nombre de viewers sur le live. Le nombre est en permanence caché pour que je ne me mette pas de pression par rapport à ça. Au début, quand j’ai commencé les streams compo, j’avais le nombre de viewers sous les yeux, mais tu comprends la psychologie que ça créait. Genre tu fais un truc et tu te dis « oh ça, ça doit être chiant pour les gens”, si en même temps que tu te dis ça, tu vois que ton nombre de viewers a baissé dans les 5 dernières minutes, alors que ça n’a probablement aucun rapport, mais toi ça rentre dans ta tête que ce que tu fais n’est pas intéressant.
J’ai aussi pu voir que tu avais touché à la réalisation sur ton dernier clip, comment est-ce que s’est venu ?
Alors, la réalisation, c’est quelque chose que je faisais déjà avec Teacup. Et en plus de ça j’ai toujours beaucoup bossé dans le milieu audiovisuel pour les autres, j’ai beaucoup réalisé de clip pour d’autres groupes. Et j’ai aussi beaucoup mixé des EP ou des albums pour d’autres groupes. C’est parti du fait qu’avec Teacup. On trouvait que notre groupe n’avait aucune identité visuelle à laquelle les gens pouvaient s’attacher et nous reconnaitre.
Pour le mixage, on n’avait pas de compétences, mais on savait ce qu’on aimait bien et à chaque fois qu’on a fait mixer par quelqu’un d’autre, on était déçu. Et du coup je me suis dit qu’il fallait que j’arrête de sous-traiter et qu’il fallait que j’apprenne à faire tout seul.
C’est comme ça que j’ai commencé à m’occuper de Teacup et d’autres groupes sont venu me voir car ils aimaient bien ce que je produisais pour teacup. Je n’ai jamais fait de vrai démarchage, juste c’était des gens d’un cercle de potes et de connaissances qui me demandaient car ils aimaient bien ce que je produisais. Mais ces expériences m’ont beaucoup permis de progresser et de vraiment prendre la main sur des projets. C’est ce qui m’a permis de pouvoir lancer mon projet solo avec Condor car je me suis dit que j’avais assez progressé. Après j’ai toujours co-réalisé mes clips avec Yoann, le bassiste de Teacup Monster, s’est arrivé peut être sur un ou deux clips que j’ai dû faire tout seul.
Mais pour les concerts de Tip Stevens, est-ce que ça a été compliqué de trouver des musiciens pour pouvoir le défendre sur scène ? Est-ce que l’idée d’être seul sur scène t’a traversé l’esprit ?
Oui, j’ai pensé au départ à être seul sur scène, mais en fait j’avais envie d’avoir un groupe. C’est vraiment ça qui me permet de kiffer l’expérience. Moi j’ai monté mon premier groupe quand j’avais 12 ans et j’en ai toujours eu depuis. Même si je produis tout seul, pour aller faire des scènes, j’ai envie de le faire avec des potes. Et du coup j’ai trouvé les musiciens très facilement. Anto avait déjà joué avec nous pour faire des remplacements pour des concerts de Teacup Monster. Simon qui était déjà avec nous sur Teacup, je lui ai demandé s’il était chaud et il m’a répondu que oui. Et Mathis lui est beaucoup plus jeune que nous.
Y’a un moment où je faisais du coaching scénique pour les lycéens et la première fois que j’ai rencontré Mathis il avait 14 ans et il était collégien mais il participait quand même au projet du lycée car il avait réussi à gratter. Et je trouvais que c’était un musicien impressionnant pour son âge. On est resté un peu pote alors qu’on a quand même 12 ans d’écart. Et un jour je me suis dit “rien à faire de son âge, je vais demander à Mathis”. Je lui fais confiance et au final il s’en sort hyper bien.
Comment se passent tes premières dates ? Est-ce que ça fait plaisir d’enfin défendre tes projets en live ?
Ça fait grave plaisir. Après, on avait déjà pu proposer quelques lives mais là, c’est la première fois qu’on part vraiment en tournée. La première fois qu’on enchaine des dates où je m’oblige à garder quasiment le même set. Chose que je faisais jamais avant, j’avais toujours tendance à changer tout le set entre deux dates. Mais la tournée ça fait trop plaisir, c’est l’aboutissement d’un truc qu’on prépare depuis longtemps.
On joue des titres de Bengal, qui n’est pas encore sorti. C’est un vrai plaisir de pouvoir présenter des morceaux que les gens ne connaissent pas. C’est encore une autre façon de faire un concert d’essayer de convaincre un public qui ne connait pas les morceaux. Ça te permet de te rendre comptes de certains défauts que tu ne vois pas en studio. Parce que forcément, c’est plus facile de jouer des morceaux que les gens connaissent. Si on va jouer en festival par la suite, ce sera le mood des gens qui ne connaîtront pas notre musique.
Est-ce que maintenant que la tournée est lancée, il va y avoir une suite, une éventuelle tournée des festivals ?
On y travaille et je pense qu’il va y avoir quelques dates qui vont graviter autour de la Cigale. Mais pour cette tournée, on s’est mis à bosser en urgence. Du coup, on est actuellement en train de parler de 2024 pour que les délais de booking soient plus faciles.
Donc maintenant que la tournée est lancée, on peut s’attendre à des concerts plus régulièrement de Tip Stevens ?
Oui ! Bien sur ! Et moi j’ai l’ envie de me confronter à des publics qui ne me connaissent pas. C’est pour ça que j’ai envie de passer dans des festivals. Il y a là un vrai challenge, mais c’est ce qu’il y a de plus gratifiant. C’est sur qu’on va se prendre des bides. Il y a forcément des moments où on ne sera pas en terrain conquis.
Tu n’avais pas peur de te retrouver face à un public qui te connaissait de nom ? Qui connaissait éventuellement 1 ou 2 morceaux ?
Pas du tout, c’est ça que je recherche. Ça me manque un peu car ça arrivait souvent avec Teacup. Jouer devant un public qui connaît, non pas que ce soit facile, mais je veux pas me reposer là-dessus. C’est un réel luxe d’être face à un public qui te connaît. Mais je pense toujours à de futurs festivals. Ceux où tu passes sur une petite scène, en tant que jeune talent, et que personne ne connaît.