La folie douce des Eurockéennes de Belfort, version 2016

Aux Eurocks, tout est quantifiable : les litres de bières, la perte d’audition, les tentes au m², la foule ininterrompue et les belles rencontres. Retour sur un week-end riche, aux côtés d’aficia.

Prologue

Nous étions trois pour affronter ce périple : une sorte de rédacteur, entouré de deux de ses bons amis d’enfance. On ne savait pas vraiment à quoi s’attendre, c’était une découverte assurée. On avait pris le minimum avec nous, enfin presque. Évidemment, la seule fille du voyage avait embarqué la moitié de sa maison dans ses valises. Pour deux petits jours…  Oui, on ne pouvait pas couvrir l’événement sur tout le week-end, travail oblige. Bref, avec du recul, je doute qu’elle ait eu besoin ne serait-ce que de la moitié de ses affaires… Mais bon, tout est rentré dans le coffre, et nous sommes partis en début d’après-midi, le samedi, sous un soleil timide mais présent.

Trajet très calme, je venais de taper une demi-soirée la veille. Je somnolais, bercé par les douces mélodies d’Avicii qui passaient dans les enceintes. Mieux vaut être en forme pour ce soir. Et puis, la pluie tabassait par moment le pare-brise, quelques craintes s’étaient donc installées dans nos crânes. Mon pote avait toujours les yeux rivés sur la route, tandis qu’à l’arrière, notre tendre chanteuse dormait profondément, avec une expression du visage pas forcément exceptionnelle.

Plus on se rapprochait de Belfort, plus la sécurité se faisait lourde. Et tant mieux, certainement. Difficile de passer à côté d’un contrôle de gendarmerie quand on traverse les derniers villages. On a esquivé un premier fourgon, et puis c’est finalement la douane qui nous a gentiment interpellés. Fouille corporelle, check de la voiture ; c’est étrange mais même si je n’avais rien à me reprocher, j’avais l’impression de faire une sacrée tête de coupable. Un douanier, en voyant mon badge : « Ah vous travaillez pour un média, aficia ? ‘Connais pas ». Je lui ai expliqué que nous évoluons tranquillement, de manière prometteuse… On est ensuite reparti sans problème, il y avait pas mal de personnes pour diriger les gens jusqu’au camping, le dispositif était calé et nous sommes arrivés sans encombre sur le grand terrain, l’immense terrain. La pluie avait disparu, le soleil était désormais imposant.

Découverte du fameux camping

Il faut marcher un peu entre le parking et l’accès piéton qui mène au camping. On a pris nos deux tentes, nos sacs et nous nous sommes aventurés dans la jungle des allées. Difficile de trouver un coin d’herbe constructible, nombreux sont ceux déjà installés depuis la veille et il faut avoir l’œil pour trouver une place. Mais le camping c’est un endroit à part, on le ressent d’entrée et on prend vite la température : certains prennent l’apéro sur leur canapé, d’autres se prélassent dans des mini-piscines. Il y a de tout, des mecs qui chantent en exposant leur renard empaillé, ou dans une autre ambiance des fêtards qui quittent le festival sur une civière, embarqués par une ambulance. Au milieu de ce décor folklorique et terriblement enivrant, on a continué à arpenter les ruelles vertes du camping, en passant à côté de dizaines et dizaines de tentes. Elles s’étendaient à perte de vue. Les jeunes hurlent, rigolent, c’est un joyeux bordel. Un mec nous a abordés : « Vous cherchez une place, pour deux tentes c’est ça ? » Plein d’espoir, on acquiesce, avant qu’il dise : « Bah là désolé y’a pas de place ». C’était coquin, et ça nous a agacés. Finalement on a trouvé une place, près d’un chemin. Le temps d’installer notre petit bordel et nous sommes ensuite partis rejoindre une navette pour nous conduire au festival…

De la musique, un public bon esprit

Un grossier résumé qui ne donne pas envie ? Pourtant, ce sont les principaux ingrédients qui composent les Eurockéennes. Et de bons ingrédients. J’ai récupéré mon badge à l’accueil, et nous avons franchi les portes de ce festival à la réputation solide. Le site, c’est 4 scènes (la Plage, la Green Room, le Club Loggia et la Grande Scène) et de nombreux stands en tout genre. Là-bas, l’alcool n’est pas dissimulé ou diabolisé, il y a même des vendeurs de bières qui se baladent avec des énormes réservoirs dans le dos. Ils sont nommés « Les désoiffeurs », ils portent bien leur nom et dès que nous sommes entrés, nous avons sollicité leurs services. Quel bonheur d’éviter quelques minutes d’attente quand on croise un de ces types. Enfin, de toute façon, il faut avouer que sur le site, on attend rarement longtemps devant les stands pour être servis, et ça c’est sacrément bien.

eurockeennes 2016 - © Rémi TschanzBref ! Il faut écouter de la musique il parait. On s’est dirigés vers la Green Room, où Elle King faisait son show. L’américaine sait capter l’attention, sa voix déraillait délicieusement lors de ses fulgurantes percées. Un rock aux traits de blues, maîtrisé et très remuant. On s’y est un peu attardé, ça valait vraiment le coup. Une bière à la main, l’attitude nonchalante, la belle a réussi à transporter tout son petit public.

Bon, petit tour à l’espace presse, histoire de voir le programme des confs. Timing raté, j’ai loupé à dix minutes près la conférence de Louise Attaque. Un peu déçu sur le coup, mais bon, l’ambiance est bonne, la musique fuse, je suis donc parti rejoindre mes amis à la Plage, où The Inspector Cluzo se produisait. Même quand on n’accroche pas spécialement à leur style unique, il faut dire que les mecs ont de la gueule et sont carrément explosifs. Sur la scène surplombant l’eau, ils ont balancé leur musique avec une sacrée puissance. Un rock rugueux qui a déchaîné sans complexe les festivaliers bordant la rive.

Par contre, désolé, mais sur la Grande Scène, il y avait Mellow Mood, que je ne voulais absolument pas manquer. On a donc rapidement quitté le superbe cadre pour rejoindre l’immensité de la scène principale, n’oubliant pas de remplir nos verres sur le passage. On est arrivés devant les deux chanteurs, et on a pu profiter d’une bonne dose de reggae. Que dire de plus ? De la musicalité, de la joie, les corps bougeaient au rythme des sonorités jamaïcaines. Un concert vraiment intéressant, et qui subjectivement faisait grave planer. Ou alors les bières commençaient peut-être à agir.

Quoi qu’il en soit, dans un esprit de plus en plus positif au fil du temps, on s’est dirigés vers les stands, le temps de recharger nos portables et de manger un bout. Sur le chemin, un mec a remarqué ma casquette Seine Zoo Records, une bonne raison pour discuter un bon quart d’heure de rap et de la bande à Nekfeu. C’est ce genre de truc qui fait plaisir, on s’est parlés comme des vieux potes, et ce genre de situation n’a rien d’exceptionnel aux Eurocks. Et c’est génial. Sur la Plage, on avait le droit à des mix de rap, avec notamment du Dr Dre qui tournait. Des danseurs agrémentaient le show, dans un cadre toujours aussi agréable, en plein cœur de l’étang du Malsaucy.

L’air se faisait de plus en plus frais, on a décidé de se planter devant la Green Room, où Lou Doillon s’apprêtait à entrer sur scène. Une fille très douce, très soyeuse, je pense même lui avoir manqué de respect en dévorant mon kebab devant sa première musique. Un peu sceptique au début, on s’est finalement laissés bercer par sa prestation. Entre deux chansons, elle balance « J’aime bien quand les gens se roulent des pelles, allez-y ». J’ai regardé mon voisin d’à côté, qui n’était autre que mon pote. L’air un peu déçu, je l’ai poussé gentiment, pendant que le mec derrière riait sans se cacher.

Désolé Lou, on a décidé de rejoindre la Grande Scène, où Louise Attaque allait assurer le spectacle. Évidemment, une masse de gens s’est ruée vers le concert. C’était un des moments à ne pas manquer, c’est certain. On a donc patienté dans la foule, un peu avant le concert. Parallèlement, on attendait l’arrivée de notre amie aux cheveux longs, qui était en train d’attendre pour accéder aux toilettes. Oui car aux Eurocks, mieux vaut être un mec. Y’a pas d’attente pour nous. Merci les Eurocks, et mon créateur.

Un peu avant le concert, une fille nous a abordés pour nous refiler un de ses potes un peu trop lourds à son goût. Elle n’avait pas bu, que de l’eau, mais bordel elle était vraiment charmante. On a discuté un coup, de manière totalement décousue, avant qu’elle ne finisse par rejoindre sa bande, en ne manquant pas de nous lâcher un généreux sourire. Encore un petit moment sympa des Eurocks, de l’esprit Eurock.

Notre amie nous a rejoints, Louise Attaque est arrivée dans la foulée pour nous offrir une heure de nostalgie et de défoulement. Gaëtan Roussel et sa bande ont enchaîné les titres, en alternant classiques et nouveautés de leur répertoire. Sublime. Tout le monde reprenait les paroles les plus célèbres du groupe, avec quelques hésitations parfois. Rien de plus normal, la mémoire n’est pas infaillible face à l’ancienneté de certains morceaux. Mais en tout cas, c’était un vrai plaisir de retrouver ce groupe. Un groupe qui a rythmé une bonne partie de nos soirées et c’est certainement grâce à notre entourage à peine plus vieux que l’on connait Louise Attaque, et franchement ça c’est loin d’être regrettable. Les artistes sont partis sous un fracas d’applaudissements, c’est passé vraiment vite.

La douceur de la nuit, la folie de la scène

L’esprit rêveur et déterminé, on a décidé de se poser un coup dans un bar, avant d’attaquer la fin de soirée de ce merveilleux samedi. Enfin techniquement on était déjà dimanche… Sur le trajet, on a rencontré un petit groupe de filles, qui ont vite remarqué qu’elles portaient le même collier « équipe de France bleu-blanc-rouge Gifi » que nous. Du coup, on a un peu échangé sur d’où on venait, sur ce qu’on faisait dans la vie. Perso, je ne me rappelle plus de ce qu’elles nous ont dit, c’était sûrement intéressant mais dans la spontanéité du moment, difficile d’enregistrer.

Bref, on s’est à nouveau posés un coup dans un bar, notre copine a manqué de se faire voler son verre. Pas vraiment discret, le mec a agrippé le précieux rafraîchissement avant de se faire recaler direct. Inutile de s’énerver. Peu de temps après, on fonce une nouvelle fois vers la Grande Scène, où c’est Disclosure qui régale. Des jeux de lumière, une atmosphère électronique… Une musique qui permet donc de bouger un coup, de s’épuiser un peu avant de rentrer au camping. La prestation est réussie et nous décidons ensuite de prendre la navette, et de rentrer tranquillement, le moral au beau fixe.

Il était un peu plus de 4 heures du matin quand on a rejoint nos tentes. Malgré les « APÉRO !!! » qui fusaient dans tout le camping, on a décidé de rester calme et de s’endormir paisiblement. Difficile de se laisser bercer dans les bras de Morphée. Parfois, des gens passent et heurtent vos tentes, des festivaliers hurlent ou discutent simplement jusqu’à ce que les premières lueurs du soleil apparaissent. Cette agitation est limite rassurante, y’a de la vie, de l’ambiance, un peu d’euphorie et aussi beaucoup d’alcool. Heureusement.

Dimanche : réveil, détente et apéro

Dernier jour pour nous aux Eurocks, et inutile de s’attarder sur ce dimanche, parce qu’on était en mode détente après ce samedi génial. C’était compliqué d’émerger, le soleil frappait fort, la pâteuse était discrète mais présente.

Certains s’extasiaient devant leur petit déjeuner, d’autres commençaient déjà à ranger leur matos. On a été boire un verre d’eau pour se donner bonne conscience, puis on a ensuite craqué en engloutissant une Despe bien fraîche. Devant notre petit campement, on a commencé à taper dans le ballon, et presque instantanément, des jeunes sont venus nous rejoindre. C’était franchement sympa. Un groupe partait, puis quelques instants plus tard un autre s’incrustait de nouveau. C’est l’esprit camping, c’est bon enfant et tout le monde semble jouer le jeu. Bon évidemment, on pouvait voir un peu plus loin une ambulance ramasser le corps amoché d’un festivalier plutôt perturbé. Il y avait aussi les filles qui passaient dans les allées en criant : « De la beuh, de la bonne beuh ! ». Bordel, on se serait cru sur la plage du Cap d’Agde, au milieu des vendeurs de chouchous. C’était surréaliste mais marrant.

Les portes du festival s’ouvraient dans l’après-midi, on a donc décidé de rejoindre un pote qui, lui, était venu en caravane. Il faut emprunter une autre entrée pour y accéder. Là-bas, ce n’est pas la même folie, les mecs sont posés : congélateur, matelas, table, barbecue, transats, chapiteau… Un joli cocktail qu’on a consommé sans modération. On a stagné tout l’après-midi, avant de se motiver pour remballer les tentes. Les départs sont de plus en plus nombreux, les visages sont parfois fermés, on peut lire une sacrée déception chez certains. Les festivaliers replient les installations, ramassent les cadavres de bière, poussent des chariots bien garnis pour gagner du temps… La phase camping s’achève, on quitte les lieux avec de jolis souvenirs dans le crâne.

Des supporters en trombe

Nouvelle arrivée aux Eurocks, la deuxième du week-end. On s’est tout de suite dirigés vers notre kebab favori du festoch’. En parlant de bouffe, on était près de la Green Room, et c’est Action Bronson qui aboyait dans son micro. Je ne connaissais pas, et pourtant il ne laisse pas indifférent. Barbe rousse, physique colossal, rap hargneux : une belle découverte du coup. Un ancien cuistot qui parvient à percer dans le rap, c’est original et respectable à la fois.

On se dépêche tout de même pour rejoindre la Grande Scène, où Nekfeu doit faire son apparition. La foule est déjà nombreuse et compacte, je me contenterai d’une place assez loin de la scène. Mais qu’importe, c’est un plaisir de retrouver ce bon vieux fennec, il arrive avec sa fougue et je m’enivre discrètement de sa technique monstrueuse. Petit moment de confusion dans ma tête, la qualité du son était carrément mauvaise au début, mais ça n’a pas duré. Mes potes sont partis assez rapidement, le rap ce n’est définitivement pas leur délire. Je profite du spectacle, même si c’est dur d’être complètement à fond aussi loin de la scène, entre un père de famille qui s’en bat royalement et un hipster dans le vide avec son pétard à la main. Mais le fanatisme finit par l’emporter et on se laisse vite contaminer par l’énergie de Nekfeu. De plus, toute sa petite bande du S-Crew était là, parfait. Le fennec finit évidemment par « On verra ». Un morceau commercial pour groupies me diront les « puristes », n’empêche que c’est le genre de titre qui dans un festoch’ met tout le monde d’accord, la ségrégation musicale disparaît et ce serait stupide de blâmer ces 3 minutes et quelques de désordre total.

La tête vidée, je rejoins mes potes qui s’étaient installés pour le match de la France contre l’Islande. L’ambiance est là, le carton des bleus baigne les supporters dans une pleine euphorie. On était même avec notre pote « caravaniste », qui d’ailleurs était venu avec sa patate autour du cou. L’imagination se décuple aux Eurocks.

C’est avec cette belle victoire qu’on achève notre week-end. La soirée n’est pas terminée pour tout le monde, mais on doit sacrifier ZZ Top pour espérer se lever et aller bosser le lendemain. C’est triste mais pas de regret à long terme, on a su profiter du moment et pour cette première expérience Eurock, la déception est inexistante. Il a fallu reprendre la route, quitter cette vie éphémère, la tête encore bombée du vacarme de cette grande et belle fête…

On reviendra

Humainement, les Eurockéennes de Belfort ont du potentiel. Vous me répondrez que c’est normal, que c’est un festival, et bien dans ce cas ce festoch’ répond parfaitement au standard de ce genre d’événement. Les discussions sont spontanées, l’esprit est bon enfant. Côté programmation, c’est l’occasion de faire de belles découvertes, d’emprunter des chemins qui diffèrent de nos habitudes musicales. Le site est bien organisé, les stands sont nombreux et l’attente est souvent minimaliste. Y aller en journaliste ou en festivalier ordinaire, c’était un choix crucial. Finalement, j’ai choisi la seconde option, et j’ai pu vivre le week-end comme un mec normal qui voulait simplement s’amuser avec ses potes. On y retournera, c’est certain. Mais la prochaine fois, il faudra débarquer dès les premières secondes et vivre les derniers instants.

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