Corneille en interview : « Avec ce nouvel album, j’ai voulu revenir à la source »

aficia est parti à la rencontre de Corneille à l’occasion de la sortie de son nouvel album, Parce qu’on aime. Envies, projets, tournée… L’artiste se confie en toute sincérité.

Corneille vient de faire un retour très attendu avec l’album de chansons originales Parce qu’on aime. Un opus de 12 pistes qui marque un retour aux bases RnB qui ont fait son succès à ses débuts. Un nouveau disque rempli d’amour « ni idéalisé, ni désabusé » qu’il a écrit avec son épouse Sofia de Medeiros. Il s’est livré sans retenu sur sa carrière, son nouvel album, son envie de remonter sur scène et ses projets…

Corneille… l’interview !

Tu fais un retour très attendu avec un nouvel album de chansons originales. La pression est-elle toujours la même 16 ans après la sortie de Parce qu’on vient de loin ?

La même pression ? Nan, je ne pense pas. Il n’y a pas plus ou moins de pression, c’est juste un type de pression différent. Pour le premier album, j’avais tellement hâte qu’il sorte mais en même temps je n’avais pas d’attente au niveau de l’accueil du public ou des médias. Pour celui-ci, j’espère qu’il va marcher alors que le premier je n’espérais rien du tout. Je pensais naïvement qu’il allait bien marcher.

Et il a plutôt bien marché !

C’est la naïveté des débuts quand on pense qu’on va tout déchirer. (Rires) Alors que cette fois-ci, j’ai des attentes plus mesurées. Je n’exige pas le gros carton. Ce n’est pas une priorité. En même temps, j’ai très envie que les gens l’écoutent parce que ça fait longtemps que je n’avais pas fait d’album de chansons originales. J’ai l’impression d’être parti depuis un moment. Et surtout je suis très fier d’avoir fait cet album 15 ans après le premier et de réussir encore à faire ce que j’ai envie de faire.

D’ailleurs, parlons de ce premier et ce dernier album. Leur point commun c’est que tu chantes ton histoire, ton quotidien qui pourraient aussi être ceux des personnes qui écoutent ta musique. Est-ce un besoin de partager ça avec elles et penses-tu que ta musique ait pu guérir certains de tes maux ?

Je vais commencer par répondre à la deuxième partie si tu le veux bien. Ça va être plus facile. Je ne m’en rendais pas forcément compte quand j’étais jeune, mais le fait même de faire de la musique était une façon de guérir de maux sur lesquels je n’avais même pas mis le doigt. C’est l’essence même de l’art. Les artistes sont des tricheurs en quelque sorte. C’est une façon de dire « Voilà comme je suis » avec beaucoup de poésie. Les artistes disent toujours qu’ils prennent du laid pour le transformer en beau. Mais c’est une façon de tricher. Par ce fait, nous espérons que les personnes pensent que nous sommes l’art que nous présentons. Notre mission c’est d’essayer de composer la plus belle des mélodies, d’écrire le plus beau texte pour que les gens qui nous écoutent nous confondent avec les personnes que nous sommes.

Pour moi, cela a été une vraie thérapie. Je suis beaucoup moins dans ce processus aujourd’hui. Je suis beaucoup plus dans le partage. Par contre, je suis toujours dans l’expression de moi-même. Forcément, les choses qui m’ont fait le plus mal sont derrière moi. J’en ai parlé, je l’ai chanté, j’ai écrit des chansons, un livre… Et il y avait une vraie valeur thérapeutique à tout ça. Est-ce que je pense que ça a guéri d’autres personnes ? C’est à elles qu’il faut le demander… Je sais que beaucoup de gens me l’ont dit. J’ai toujours du mal à le croire parce que c’est un cadeau qui est trop gros à accepter. Quand une personne t’offre un cadeau, tu sais qu’elle veut vraiment t’offrir quelque chose et que c’est vraiment généreux de sa part. La première question qui revient c’est si nous le méritons. Je n’ai pas l’impression d’avoir toute cette force et cette responsabilité. C’est à double sens. C’est aussi une responsabilité que l’on nous donne. C’est un peu comme un médecin qui a fait une opération à cœur ouvert et le patient s’en est sorti, c’est une vraie responsabilité. Je n’ai pas envie d’amener ça dans ma bulle créative. Je n’ai pas envie de guérir tout le monde. C’est un vrai privilège parce que ça donne aussi un sens à tout ce que je fais. Quand c’est difficile je me dis « Ah non ça fait du bien de se dire que peut-être, au-delà de faire du bien à moi-même, je peux peut-être faire du bien aux autres » mais je n’y crois pas encore totalement.

La première question c’était ?…

Est-ce un besoin de partager ton expérience de vie avec les personnes qui écoutent ta musique ?

Clairement, oui ! C’est toujours un besoin de partager. En fait, c’est encore une façon de se faire accepter, de chercher la reconnaissance. C’est aussi simple que ça ! Une façon de tendre la main en espérant qu’on nous la tende en retour. Construire un rapport avec l’autre est ce qui nous motive nous les êtres humains. Et l’art est une façon un peu désespérée de se présenter en espérant d’être acceptés.

Ces dernières années, tu as décidé de faire une « pause » et de te concentrer sur l’écriture de ton autobiographie, entre autres. Cette nouvelle façon d’écrire a-t-elle permis de retrouver l’inspiration pour écrire tes propres chansons ?

Oui, oui, oui ! Les étapes se sont succédé dans un ordre assez logique. J’ai écrit le livre parce que j’avais besoin de m’expliquer sur tout un tas de choses. Après l’écriture de ‘Là où le soleil disparaît’, je ne suis pas parvenu à me re-confiner au format chanson. Je trouvais ça trop contraignant. Avec le livre, j’avais toute la liberté sur plus de 300 pages à dire ce que je voulais comme je le voulais sans être obligé de faire rimer mes phrases. Ça, c’était vraiment génial ! J’avais goûté à cette liberté là et j’avais vraiment du mal à retourner en chanson. Par contre, j’avais toujours l’envie de chanter et je me rendais bien compte qu’il y avait quelque chose dans ma voix qui commençait à devenir un peu forcé. Je commençais à vouloir faire des prestations vocales, de chanter plutôt qu’interpréter. Ça me plaisait plus ou moins et je me suis dit qu’un album de reprises ça pouvait me permettre de renouer avec cette légèreté dans le chant que j’avais à mes débuts. Je chantais en studio, pas comme on chante sous la douche, mais presque. Sans trop réfléchir, sans être trop cérébral. Ça a fonctionné dès la sortie de l’album de reprises. Naturellement, Sofia et moi, nous avons commencé à écrire, à trouver des idées de mélodies, d’harmonies, le son que je voulais avoir… C’est arrivé très rapidement mais ça n’a pas été la conséquence d’une décision précise. C’est tout cet enchaînement qui explique l’existence de cet album qui parle d’amour avec le retour à mes sources RnB.

Pour écrire et composer Parce qu’on aime, tu as beaucoup travaillé avec ton épouse Sofia. As-tu eu ce besoin de travailler en petit comité, dans l’intimité, pour être le plus sincère possible ?

La question est très intéressante parce que mon premier album je l’ai fait dans le comité le plus restreint. J’ai tout fait tout seul, j’avais un arrangeur avec qui je travaillais, j’ai fait venir quelques musiciens. Avec le temps, la machine, pas forcément créative, plutôt ce qu’il y avait autour, a grossi et je m’y suis un peu perdu. Effectivement, avec ce nouvel album, j’ai voulu revenir à la source, retrouver la simplicité d’un lieu intime pendant la création. Quand je dis que la machine a grossi, ce n’était pas seulement le nombre de personnes qui gravitaient autour de moi. C’était aussi du côté de ma vie en général, mes attentes… J’ai laissé entrer dans ma bulle créative beaucoup de choses qui ont très peu à voir avec la création comme l’attente des stations de radio. Comme j’ai le réflexe naturel de repousser toutes ces choses, je reste avec une espèce de frustration. J’ai l’impression d’être en guerre avec chaque chanson que j’écris et ce n’est pas sain, ce n’est pas l’état d’esprit idéal pour créer. Là, j’ai retrouvé une sérénité qui m’a permis d’avoir à nouveau cet état d’esprit dans lequel j’étais lors du premier album. Ce n’est pas exactement la même chose mais ça s’en rapproche énormément.

Dans les paroles de « Tout le monde » tu fais ton auto-critique et tu signes l’un des titres les plus ‘engagés’ de l’album. Était-ce important pour toi d’avoir des chansons qui laisse entrevoir cet engagement ?

De cette manière-là, oui. Quand je parle de moi, ça me libère d’un énorme poids qui est celui de paraître en société. Quand je fais mon mea culpa, ça facilite ma vie en société parce qu’autrement c’est trop lourd à porter. Si je ne le fais pas, je vais constamment être dans le jugement de l’autre et ça va créer un rapport compliqué avec l’autre. Ce n’est pas sain, il n’y a aucun bonheur là-dedans. J’essaie au maximum de trouver ma part dans tous les problèmes qui me désolent dans ce monde. J’ai remarqué que plus j’en parle, mieux je me porte. C’est facile de s’indigner des actions, des gestes, et des paroles des autres mais la vérité c’est que nous sommes toujours pris par l’impuissance de ne pas contrôler l’autre. Je ne peux pas te faire dire ce que j’ai envie de dire. Si la personne est raciste, elle l’est. Je ne peux pas te faire dire par l’insulte ou par le jugement que l’on m’aime. Il faut trouver autre chose. Par exemple, trouver le raciste qui est en moi. À chaque fois que je fais cet exercice, je m’en porte mieux et je supporte beaucoup mieux les insultes de l’autre. C’est ce que je dis dans « Tout le monde ». C’est une chanson à travers laquelle j’avais envie de dire, dans la dimension la plus profonde ce qui fait de nous des êtres humains, que nous sommes pareils.

Découvrez « Tout le monde » de Corneille :

Si tu ne devais choisir qu’un titre de ce nouvel album, lequel ça serait lequel et pourquoi ?

Oula ! (Rires) Ah c’est compliqué ça… J’hésite entre deux titres. Je vais dire « Tout le monde » parce que c’est un titre qui me libère. Il y a quelque chose dans le choix d’avoir dis ces choses-là qui allège beaucoup de choses autour de moi. Je choisis ce titre pour toutes les raisons que j’ai évoquées dans la réponse précédente…

Question rituelle de nos interviews chez aficia. Si tu avais un duo de rêve ça avec qui aimerais-tu le partager ?

Je réponds toujours la même chose. C’est Sade !

Sur twitter, plusieurs de tes fans ont demandé si un jour nous pourrions t’entendre chanter un titre complet en Kinyarwanda…

Un jour peut-être oui… J’ai déjà chanté dans cette langue sur des refrains comme dans le titre « Iwacu ». Pour ce qui est d’une chanson en entier, ça serait avec plaisir car c’est une langue qui se chante très bien.

Découvrez « Iwacu » de Corneille :

Tu as déjà annoncé une date à l’Alhambra en avril prochain et des concerts au Canada. Tes fans aimeraient savoir si cet album fera l’objet d’une tournée en France…

Effectivement ! Tout de suite après la tournée au Canada à l’automne prochain, il y aura bien une tournée en France. J’ai quelques dates ici que nous annoncerons bientôt…