Amay Laoni ©lulia Matei
©lulia Matei

Amay Laoni en interview sans filtre : “Chez nous au Québec, tout le monde est unique”

Au printemps dernier, Amay Laoni publiait son premier EP Jouer pour jouer qu’elle nous présente en cette rentrée 2024. Voici son interview sans filtre sur aficia.

Amay Laoni est la créatrice d’une pop sophistiquée aux textes brillants et mélodies entêtantes. Multi-récompensée au Québec, l’autrice-compositrice-interprète fait aussi son nid en France. Elle remporte quelques prestigieux prix au Québec et souhaite conquérir l’Hexagone désormais. En 2023, elle dévoile les singles “L’Héritière” puis “Démesurée” et nous la découvrons au MaMA Festival cette même année. À travers ses textes entêtants et réconfortants, Amay Laoni aborde les thèmes de l’émancipation, la puissance féminine, l’empouvoirement. On parle de musique et bien plus !

Amay Laonie est sans filtre !

Je me souviens être tombé sur “Couleur” à sa sortie en 2017… Tu as beaucoup évolué musicalement. Cette image plus classe, plus sophistiquée était-elle voulue ?

C’est une très bonne question. C’est une vraie position de ma part. Je pense qu’en tant qu’être humain, on évolue, on découvre de nouvelles choses, de nouvelles sonorités. Le projet est né avec des sonorités très électro. Et puis au fur et à mesure je suis allée sur quelque chose de plus léché, et plus organique, avec davantage d’instruments. C’est pourquoi je me fais maintenant accompagner d’un multi-instrumentiste (piano, guitare, basse…). On s’est dit pourquoi pas mettre l’instrument sur le devant de la scène. J’avais de plus en plus envie de me rapprocher de la chanson. Le format électro-pop, c’est quelque chose qui me ressemble moins aujourd’hui, à travers l’évolution. 

J’ai lu que tu avais écrit une chanson extrêmement poignante que tu chantes toujours en concert. Peux-tu m’en parler ?  

Oui, sans doute une chanson que je chante depuis quasi mes débuts, depuis l’album Le tournant, qui est très marquante pendant mes concerts. Cette chanson s’appelle “En vrai je sais pas”. C’est une ballade très intense. En pleine pandémie, j’ai une amie qui a eu des soucis de santé. Elle était cancéreuse. Durant cette pandémie, elle est livrée qu’à elle seule, elle n’avait ni compagnon qui venait la voir, ni personne. Cela a été très intense. On lui demandait souvent si ça allait et on s’inquiétait pour elle.

C’est quelqu’un qui n’aime pas qu’on se fasse du souci pour elle. Je lui ai donc écrit la chanson “En vrai je sais pas”, et dans le refrain, ça parle de quelqu’un qui veut rassurer son ami, mais qu’en vrai je sais pas. C’est le côté vulnérable devant les situations qui nous dépassent. C’est un thème universel et c’est une chanson qui peut coller à plein d’adversité. 

Découvrez “En vrai je sais pas” de Amay Laoni :

J’ai été charmé par “Démesurée”. C’est un titre qui avait beaucoup de potentiel. Avais-tu été déçue de ne pas le voir marcher plus que ça ?

Tu sais Valentin, je suis artiste auto-entrepreneur. Cela fait un moment que je suis dans le milieu et je sais pertinemment que le potentiel n’est pas toujours le premier paramètre pour que ça marche. On nous a souvent dit que “Démesurée” n’était ni trop radio, ni trop commercial donc pour une artiste en émergent c’était très bien car il ne faut pas être trop commercial, ce à quoi j’ai répondu “ok, d’accord”. Et d’autres radios en parallèle nous disaient que ce n’était pas assez commercial. C’est une science que je ne comprendrai jamais.

Tu saurais l’expliquer davantage ? 

Il y a beaucoup de mouvements entre les humains, les gens. Je crois encore beaucoup au fait d’être là au bon moment, au bon endroit. Il n’y a aucune science pour cela ! C’est une chanson que je continue de chanter en concert, et crois-moi, j’ai plus d’un tour dans mon sac ! Je continue à écrire de nouvelles chansons. J’ai compris que la France était un énorme marché, qu’il était difficile pour un artiste français, encore plus pour une artiste québécoise, d’exister. Aujourd’hui, on est simplement beaucoup plus réaliste face à ça. Je fais confiance au processus, et il semblerait que nous soyons sur un bon rail… 

Est-ce qu’on t’a déjà dit que ton grain ressemblait beaucoup à celui de Zazie ?

(Rires) C’est un grand compliment pour moi. Mais j’aime raconter l’histoire qui se passe autour de ça. Zazie fait partie inévitablement de mes influences et fait partie de ces dernières au niveau écriture et composition. Je ne suis pas sourde, j’entends que nous avons des choses qui se ressemblent. Chez nous au Québec, on a des grandes voix qui poussent, des Céline Dion, etc. On est collé aux États-Unis, avec les Whitney Houston. J’ai toujours voulu faire comme ces grandes voix. Mais je n’en ai jamais été capable.

Donc j’ai voulu faire autrement, développer une autre technique, et cette voix-là qu’on entend est une voix mixte. Je l’ai trouvée nettement plus touchante quand j’avais quelque chose à raconter, ça allait parfaitement avec les mots et les émotions que j’utilisais. C’est comme ça ! On m’a aussi dit que je copiais la chanteuse mais en réalité cela fait des années que je chante de cette façon. Chez nous au Québec, tout le monde est unique. 

Pour terminer, peux-tu me parler de ton dernier EP Jouer pour Jouer ?

Mon dernier EP, c’est un peu comme la trame qui a accompagné le début de cette histoire-là avec le public français et européen. Je dis la France car pour le moment il est le public le plus grand mais j’ai très envie d’aller me connecter avec le reste de l’Europe. Sur cet EP, il y a des thèmes plus engagés, ce sont des reflets avec des choses que j’ai vécues.

Au vu de ce que je fais ici, en France, en Europe, je pense que c’est hyper important que je reste dans ma droiture, par rapport à mon énergie aussi. Cet EP- là m’a permis de me connaître davantage. Jouer pour Jouer parle aussi de savourer le moment présent. C’est aussi se rappeler la raison pour laquelle on fait ce métier. C’est hyper cliché, mais c’est tellement important. C’est quelque chose qui m’a ramenée à moi, tout naturellement. 

Quels sont tes projets à venir ?

Un nouvel album sortira début 2025. C’est juste la suite de cet EP. Nous revenons le 28 septembre au Théâtre de Poissy où je serai en première partie de Christophe Willem puis en novembre à Paris. Entre ces dates, il y a peut-être des collaborations qui vont se dessiner. J’ai pu rencontrer pas mal de gens aussi ces derniers temps comme Chien Noir. J’ai plein d’artistes avec qui j’ai envie de collaborer !