Charlie Tango en interview : portrait d’un jeune poète rock et sincère

C’est à l’occasion de sa future « carte blanche » du 2 avril à la salle Léo Ferré de Lyon qu’aficia a rencontré l’excellent Charlie Tango. Avant la sortie de son troisième EP et la poursuite de ses nombreux concerts, Sébastien Gallet nous parle de ses nombreux projets, de son univers rock et poétique, de ses inspirations…

Après son EP très réussi Deux silences,  Charlie Tango prépare déjà la sortie de son dernier bébé, mais ne laisse pas pour autant tomber la scène, qui le fait tant vibrer. Bien au contraire. Il nous revient avec une nouvelle formation à 4, plus rock. Un artiste-poète qui prend le temps de créer, de s’installer, qui adopte un rythme qui lui correspond parfaitement. Il prend le temps de répondre aux questions d’aficia.

Charlie Tango, l’interview…

Bonjour Charlie Tango !

Bonjour !

Tu vas bien ?

Ça va très bien, merci ! Et toi ?

Bien ! C’est une grosse année pour toi ! Tu peux nous parler un peu de tous tes projets ?

Oui ! J’essaye d’avancer sur plusieurs fronts ! Ça passe par le live. Là, j’ai bien peaufiné ma formule à 4 musiciens. Notre premier concert a été une vraie réussite !

Au Galet ?

Oui, c’est ça ! En première partie de Luce. J’essaye de reproduire un peu ça. Y’a des bonnes dates qui arrivent !

Dans les 4 musiciens, on a qui ?

Basse, batterie, guitare et toujours Pierig au synthé et au violon. C’est plus rock, une formule un peu plus nerveuse et… profonde, j’ai l’impression… En termes d’émotions et de choses que je veux transmettre. Le spectre est plus large !

Et plus adapté à des grosses salles ?

Oui, c’est ça ! Complétement ! Donc voilà, je bosse là-dessus : développer le live. Puis j’avance de plus en plus sur mon prochain EP. Ça se précise un peu… Je n’ai pas encore de date précise, mais je sais, en gros, la couleur que ça va avoir, que le disque va prendre…

Tu as choisi les titres déjà ?

J’ai des bonnes tendances, oui. J’ai des titres qui sont dans l’ordi et qui ne demandent qu’à sortir en studio ! (Rires).

Donc pas encore d’enregistrement ?

Pas encore, je cherche encore la personne avec qui j’ai envie d’enregistrer. En tout cas, je sais que je ferai appel à ma Team du live ! Après, il faudra choisir la bonne personne aux consoles !

Comme tu le disais, il y a beaucoup de scènes qui sont prévues. Est-ce que tu peux nous parler de la façon dont tu envisages la scène, dont tu la gères ?

Pour moi, avant, c’est vraiment un moment de communion avec mon équipe. Y’a toute cette phase où on prend la température de la salle, on se pose un peu, on essaye de s’acclimater avec les personnes sur place. Toute cette phase-là, pour moi, on est déjà dans le concert… à partir du moment où on arrive dans l’espace… Comment j’appréhende la scène ? Un énorme stress, 5 minutes avant de monter sur scène… Je ne parle plus, je fais des gestes étranges ! (Rires). J’ai tendance à me tapoter la tête, à tourner en rond, à faire des bruits de moutons…. (Rires) Pour m’échauffer la voix… Et après, y’a plus qu’à… En fait, la scène, c’est le moment où on se sent le plus vivant… C’est vraiment un moment d’intenses émotions. Vraiment. Y’a rien de plus beau, en fait.

Sur scène, tu prends beaucoup de distance et en même temps, tu prends et tu donnes beaucoup au public. Tu as aussi beaucoup d’humour tout en restant très humble…

Je pense être quelqu’un de très pudique, même si mes textes sont assez intimes et que je pense qu’ils ont une portée, les gens peuvent s’y retrouver… J’ai aussi beaucoup de mal à me dire que je dois imposer ça aux gens. C’est pour ça que je suis constamment en train de varier entre cette distance pudique, parce que j’ai envie que les gens viennent à moi, sans qu’ils en soient forcés. Mais je suis comme ça dans la vie, en fait… Je me pose sur le tempo des autres… Je pense que c’est cette conscience-là, de mon rapport aux gens, qui me pousse à être comme ça. En fait, je suis vraiment comme ça, sur scène et dans la vie : j’aime bien rigoler aussi, parler de moi, mais sans déranger. C’est ce qui m’a construit : ne pas déranger.

Donc, sur scène, on voit le vrai Sébastien Gallet, il n’y a pas de construction du personnage de Charlie Tango ?

Non, absolument pas ! J’ai parfois essayé plusieurs techniques, en m’écrivant ce que je devais dire entre les morceaux, et chaque fois, ça a été un fiasco complet ! (Rires). C’était comme si je récitais une poésie au CP, je n’y arrivais pas, je n’étais vraiment pas dans l’instant… Y’a un truc d’instantané… C’est ma conception du métier de la scène… Moi, je suis touché par ce sens absolu… Y’a pas de bouton « Là, je vais déclencher mon côté rigolo ». Pour moi, ça ne marche pas… Je pense aussi que les gens le sentent. Sauf quand c’est des acteurs ou des interprètes majestueux comme Baschung ou Stromae aussi qui, lui, sur scène, pour le coup, est très crédible, parce qu’il a tout ce bagage, derrière, de mise en scène. Il accepte ça, et c’est ça qui le fait vibrer ! Moi, je suis plus dans un truc d’auteur…

Sur le thème de la scène, tu vas faire une tournée en Chine. C’est original pour un jeune artiste. Tu peux nous en dire quelques mots ?

J’ai eu un gros coup de cœur pour ce pays. J’y suis allé en tant que bon touriste bourgeois occidental, mais le choc culturel, là-bas, n’a pas été du tout compliqué pour moi. J’ai vraiment eu un coup de cœur pour ce pays, et j’ai pris le parti d’essayer d’y jouer. Y’a eu un appel à projet des Alliances Françaises. J’ai envoyé un dossier, y’a eu une sélection et puis j’ai eu la chance d’être retenu. Je vais donc retourner en Chine, d’autant que mon histoire perso fait que je vais être amené à y retourner assez régulièrement…

Tu as déjà chanté là-bas ?

Oui, à Pékin, j’avais fait une date.

Et ton public là-bas, c’est le public francophone des Alliances ou il y a aussi des Chinois ?

Je pense que ça va être un peu les deux… Ce que je suppose, c’est que ça va être des personnes un peu « éclairées » dans le sens où, je pense que ça va être des personnes qui ont un certain niveau de culture… Déjà, parce que ça va être dans des grandes villes, et parce qu’il y a encore beaucoup de Chinois qui ne sont pas intéressés par la culture… Ils n’y ont pas encore vraiment accès… Là, je pense que ce sera vraiment un microcosme, mais ça va être très intéressant…

On attend avec impatience le 3ème EP dont on ne peut pas encore dire grand-chose… Mais tu peux nous parler du 2ème, Deux silences ? Comment est-il né ? Comment a-t-il été conçu ?

Je l’ai conçu… naturellement… En composant les chansons les unes après les autres. J’étais un peu dans une frénésie de composition au départ du projet, parce que j’avais plein de choses à dire, plein de choses à régler… Et donc, il est venu assez naturellement… « Deux silences » a été la première, dans laquelle je parlais de mon frère, de cette perte…  Je l’ai pas vraiment pensé, en fait… Je l’ai fait avec les gens qui bossaient avec moi à ce moment-là… Y’avait pas d’ambition derrière. J’ai fait les chansons… comme ça… Et ça sera pareil pour le 3ème EP ! (Rires). Je vais à mon rythme ! Y’as pas de stratégie encore !

Parce qu’il y en aura une, vraiment, un jour ?

Je ne sais même pas…

Tu écris et tu composes tes chansons, tu donnes beaucoup de toi dans ta musique. Il y a un paradoxe entre ta pudeur et le fait de livrer autant de toi dans tes chansons, non ?

C’est étrange, mais c’est aussi très naturel pour moi d’utiliser la scène comme un espace de diffusion. Je pense que c’est le seul endroit où on peut y aller franchement. C’est aussi ce que les gens attendent d’un artiste : qu’il se dévoile, qu’il donne de lui, qu’il s’implique. Le rapport avec la pudeur est un peu étrange, mais j’ai l’impression que je n’ai jamais cet espace d’expression, en tout cas, je m’empêche de parler trop de moi avec mes amis, mes parents… J’essaye vraiment de tout garder, pour n’embêter personne, en fait. Et du coup, si j’embête des gens, ce sera sur scène et ils paieront ! (Rires).

Et musicalement, comment est-ce que tu définirais ton univers ?

Je pense que c’est teinté de tout ce que j’écoute et tout ce que j’ai écouté, et également de tout ce que mes collègues écoutent aussi. On a vraiment du dialogue autour de la musique. Le langage musical est assez équilibré. David (Granier, son manager, ndlr) vient de la pop, la variété française comme La Grande Sophie, avec une grande tradition couplet/refrain. Moi, c’est un peu pareil, j’aime beaucoup les tubes radio, tant qu’il y a un fond de texte intéressant… J’écoute aussi beaucoup de rock et d’artistes un peu tristes… J’y peux rien, c’est comme ça… Si j’écoute un disque, il y aura forcément des ruptures, etc.

Tu ne fais pas tourner les serviettes ?

Ha non, je ne les fais pas tourner… Je les plie et je les mets dans un tiroir, bien au fond ! (Rires). Mais je respecte les gens qui s’éclatent en écoutant de la musique !

Tes influences musicales, ce serait quoi ?

La grande tradition de la chanson française, comme Brel, Etienne Daho, que j’aime beaucoup. Je suis vraiment fan ! Gainsbourg, même si j’ai découvert sur le tard, mais je trouve qu’il y a vraiment une qualité d’écriture et une musique dingue. Toute la pop française, en général. Et, bien sûr, le rock ! Moi, je viens du punk. J’écoutais du punk quand j’étais enfant, même encore ! Du punk mélodique californien ! (Rires). Comme Offsping !

Beaucoup de victoires de Tremplins, de belles premières parties, des partenariats fructueux avec la SMAC des Abattoirs et le Train Théâtre… On sent que, dans le paysage musical régional, tu t’es bien installé, comment tu le ressens ?

J’essaye de ne pas trop y penser, en fait. Ça fait assez longtemps que je fais de la scène et j’ai eu beaucoup de « fausses joies », donc j’essaye vraiment de prendre mon propre rythme et de me dire que rien n’est acquis. Les bons partenariats d’aujourd’hui peuvent disparaître, etc. Je pense que j’ai acquis un peu de professionnalisme ces derniers temps. Avant, je restais dans mon coin, je n’allais pas trop parler aux programmateurs… Maintenant, j’ai compris qu’il fallait être sympathique avec tout le monde, ne pas être prisonnier de ses névroses, qui t’empêchent de parler aux gens, qui t’empêchent de te vendre… Faut être adulte ! Et ça passe aussi par le fait de relativiser tout ça ! Si ça marche, c’est très bien, s’il y a des partenaires, c’est très bien… Après, voilà, rien n’est acquis. Je reste très content de jouer. Je m’en remets vraiment à l’essentiel : la scène et le plaisir partagé avec mes musiciens et avec le public. C’est ça la musique, pour moi.

Mais tu sens la différence entre tes débuts et maintenant ?

Oui ! Complètement ! Je me suis quand même installé, et je sens que quand je parle de Charlie Tango, souvent, les gens connaissent, en tout cas, dans la région, et souvent les gens me disent après qu’ils apprécient… Et c’est plutôt agréable, c’est vrai !

Ta dernière résidence au Train Théâtre t’a permis de travailler sur ton prochain EP ? De construire ta nouvelle formation ?

Oui, c’est ça ! J’étais déjà convaincu, à la base, d’avec qui je voulais jouer sur scène et là, ça s’est vraiment confirmé ! C’est complètement ce que j’attendais, donc je suis très content… C’est de la pop…

Pour toi, l’écriture est au moins aussi importante que la musique, comment est-ce que tu écris ?

Ça reste sur le vif. Ça reste urgent. Par exemple, j’ai composé un titre avant-hier… J’ai essayé de retranscrire ce que j’ai vécu comme expérience avec un ensemble d’artistes à un moment donné… J’avais écouté de la musique triste avant… Je me suis mis dans une espèce de bulle de création… C’est un tempo très bizarre… J’ai pris ma guitare, j’ai gratté deux ou trois trucs et tout s’est imbriqué !

Est-ce que l’expérience que quelqu’un écrive pour toi, c’est quelque chose qui te tente ?

Oui ! Complètement ! Je ne suis pas réfractaire du tout à simplement interpréter ! Par contre, il faut que la chanson me parle, me touche en plein cœur. Ce serait impossible pour moi de chanter une chanson où il n’y a pas de sentiment ! Impossible ! Je ne pourrais pas !

Tu interprètes sur scène également quelques reprises comme « Voyage en Italie » de Lilicub, c’est une chanson qui te touche ?

Oui, c’est une chanson qui me parle parce qu’il y a une espèce de quête… Une quête de l’ailleurs. On est avec quelqu’un, on a envie de l’emmener ailleurs pour marquer une rupture avec le quotidien. Je trouve que cette chanson est très juste. Très simple, mais très juste dans le texte parce qu’il est très lisible. Les images sont comme des tableaux… On sent qu’on prend la voiture, que le ciel est bleu… Quelques petits nuages… Mais on est avec sa copine ou son copain et on est bien. On avance vers l’autoroute du Soleil. Elle a un côté universel et ultime cette chanson. La simplicité, la naïveté. C’est peut-être un retour à l’enfance. Elle me plaît.

C’est un thème que l’on retrouve dans certaines de tes chansons, comme « Demain, j’irai »…

Complètement. À la recherche du spontané… Essayer de retirer tous ces fardeaux du quotidien… Pour moi, ça passe souvent par la fuite… En tout cas, aller ailleurs… Essayer de chercher ailleurs.

Si on t’offre un duo de rêve avec quelqu’un, ce serait avec qui ?

Il y a beaucoup de gens avec qui j’aimerais chanter ! C’est une question délicate ! Daho, j’aimerais beaucoup ! Sinon… Katy Perry ! (Rires). Je trouve qu’elle a un côté punk… Très institutionnalisée, mais très « Je m’en bas les c*** ! » à la fois. Finalement, je la trouve sincère dans sa démarche. Si elle a envie de mettre un caca sur scène… et ben voilà… Elle met un caca sur scène… Si elle a envie qu’il y ait une licorne qui fait des bulles passe derrière elle pendant un spectacle, et ben elle le fait ! Toute la prod va s’activer pour trouver une licorne ! (Rires). Y’a un truc très instantané chez elle.

Tu voudrais que ta carrière ressemble à celle de qui ?

Très bonne question, parce que je pense que c’est important de se la poser… Ça permet de faire des choix. Ma carrière idéale, ce serait celle de quelqu’un comme Dominique A. C’est une personne installée de la chanson française, qui a ses fans qui le suivent. Sa carrière dure. Ces titres ne sont pas des succès interplanétaires et internationaux, mais ça marche.

Une petite exclu ?

Oui ! Je vais faire à la rentrée de septembre un plateau avec Joyce Jonathan à l’occasion des Vendanges Musicales de Charnay (69) . Ça devrait être une très belle date !

Charlie Tango, sa Playlist exclusive

À chaque interview, aficia a pour coutume de demander aux artistes ce qu’ils écoutent en boucle dans leur playlist. Aujourd’hui, c’est au tour de Charlie Tango de nous livrer ses coups de cœur musicaux du moment !

Entre ses nombreux concerts et la préparation de son 3ème EP, Sébastien Gallet, alias Charlie Tango, écoute toujours beaucoup de musique. Dans son smartphone, on peut trouver : « En surface » d’Etienne Daho, artiste qu’il aime tout particulièrement, « Nothing At All » du groupe indie rock américain Day Wave, ou encore « Les créatures » de l’extravagant Philippe Katerine, en passant par du bon vieux rock anglo-saxon, comme « Slide Away » d’Oasis et du punk californien comme « Seeing Double At The Triple Rock » de NOFX.

Charlie Tango : sa Playlist exclusive !

Charlie Tango, l’interview décalée…

Interview thérapie

Es-tu :

– maniaque ? Pas du tout !

– schyzo ? Heu… Oui… (Rires). Je dois avoir des tendances schyzo, mais pas à un niveau pathologique ! J’aime bien faire différents personnages, imiter… J’aime bien me sortir de moi-même… Mais rassure-toi, je ne vais pas te tuer avec une fourchette ! (Rires).

– mytho ? Je l’ai été, beaucoup, par rapport à un souci de confiance… J’accentuais certains traits… Mais je ne le suis plus maintenant… Je suis vraiment dans une quête de « On est droit ! »

– parano ? Complètement ! En amitié, en amour… d’ailleurs, c’est un calvaire !

Si tu n’étais pas toi, tu serais ? En fait, j’ai déjà l’impression que je ne suis pas moi ! (Rires) Je serais une vache, je pense… Un truc très apaisé, qui bat lentement des cils… Placide et qui pète ! (Rires)

Ton idée du bonheur ? C’est une question déprime ça ! On y pense tous, on est tous en quête… Mais peut-être juste s’accommoder du réel…

Tu as un objet fétiche ? J’ai eu un pingouin en peluche… Que j’ai toujours ! On peut dire que c’est un objet fétiche ! Il est toujours à côté de mon lit.

Qu’est-ce que tu préfères chez toi ? Mon sens des valeurs et ma fiabilité. Je pense être quelqu’un de plutôt fiable. Après, je n’accorde pas ma confiance à n’importe qui. Faut vraiment que je ressente chez quelqu’un qu’il n’y ait aucune volonté de nuire, qu’il y ait un sens des valeurs et de la politesse. Pour moi, c’est très important ! Je pense être quelqu’un de bienveillant. Je ne suis vraiment pas quelqu’un de méchant !

Qu’est-ce que tu détestes le plus chez toi ? Mon incapacité à lutter et à combattre contre mes névroses. Je suis souvent prisonnier d’elles. Ça m’empêche de faire des trucs, ça m’empêche de vivre et, des fois, ça m’exaspère ! Il faut avancer !

C’est la fin de notre interview, mais la tradition chez aficia est de toujours laisser le mot de la fin à l’artiste. Tu as donc carte blanche pour t’adresser à nos lecteurs, ton public, tes fans…

Continuez d’écouter de la musique ! Tendez l’oreille ! Soyez curieux, allez découvrir des choses !