Boostee - © Joris Favraud
Boostee - © Joris Favraud

Boostee : “Quand je fais un album, je me livre. C’est mes sentiments, mes émotions. C’est moi qui me livre aux gens, je livre un bout de ma vie.”

Exclusivité aficia

Jeunes & Tristes signe le retour de Boostee ce 7 mai. Un troisième album aux sonorités pop folk et aux titres aussi universels que personnels. À cette occasion, aficia s’est entretenu avec l’artiste afin d’en savoir plus sur ce nouveau projet musical. 

On l’avait soutenu depuis ses débuts avec “Pop Corn”. C’est donc naturellement que nous avons renouvelé l’invitation auprès de Boostee, afin d’en savoir plus sur la création de ce troisième album Jeunes & Tristes sorti ce 7 mai sous son label BlueSky Family. 

Boostee : l’interview

La dernière fois que l’on t’a reçu en interview c’était en 2019, qu’est-ce qu’il s’est passé en deux ans pour toi ?

Boostee - Jeune & Triste

Il y a eu M.A.D, il y a eu la tournée, mon label, la marque de vêtement, Bluesky Radio et là il y a l’album qui sort.

Ça en fait des projets en deux ans !

Oui, il faut. J’ai toujours été mon propre patron donc c’est à moi de déclencher les projets, c’est à moi d’aller au bout de chaque projet donc forcément, si je n’ai pas de projet j’ai pas de travail, si je n’ai pas de travail je n’ai pas de revenu, si je n’ai pas de revenu, je n’aime pas ça, je ne suis pas content.

Comment se passe d’ailleurs cette nouvelle aventure en tant qu’artiste indépendant ?

Elle se passe très bien. Ça n’a rien à voir avec le taff de quand tu es en label, bien que j’étais très indépendant déjà quand j’étais chez Polydor. J’avais une liberté qui était vraiment cool, j’étais déjà producteur des deux premiers albums mais maintenant je suis producteur indépendant, c’est-à-dire que je suis tout seul à sortir mes projets. C’est ce que je voulais depuis un moment, les équipes le savaient déjà depuis un petit moment donc ça s’est fait naturellement, il y a eu un atterrissage tranquille pour un redécollage en solo.

C’est tout ce que je voulais donc maintenant j’ai une équipe à Bluesky, on travaille avec des personnes externes donc voilà, je gère chaque partie de chaque projet et c’est exactement ce que je voulais. J’y ai été préparé, je n’ai pas peur. La seule différence c’est qu’il y a beaucoup de paperasse mais ce n’est pas moi qui la fait donc…

C’est beaucoup d’avantages mais c’est aussi beaucoup d’inconvénients de créer son propre label ?

Je ne parlerais pas d’inconvénient parce que ce n’est pas ça les inconvénients. Il y a des choses moins drôles qu’il faut gérer mais quand tu as les bonnes équipes et que tu sais les gérer correctement, ça se fait en vrai.

Après il doit y avoir dix artistes par jours qui disent qu’ils montent un label, demain tu vas entendre un gars qui va te dire ‘j’ai monté mon label‘, mais voilà ça ne veut rien dire, il faut savoir le faire, il faut le faire correctement et ça implique beaucoup de travail, beaucoup de temps, de l’investissement… Quand tu veux vraiment le monter ce n’est pas rien.

Tu le disais, c’est quelque chose que tu as toujours eu envie de faire, pourquoi ne pas l’avoir lancé plus tôt ?

Moi j’ai mon label depuis Bluesky mais il était un peu sur le côté parce que ça me permettait juste de sortir les albums. Et puis j’étais entouré d’une autre manière aussi, c’était très cool parce que ça m’a permis de vraiment le monter au départ, d’être producteur dès le départ.

Maintenant, c’est ma grande sœur qui gère mon label, il y a Marie qui bosse avec nous, on a une attachée de presse, on a des avocats… Alors maintenant on est vraiment structuré et on a tout ce qu’il faut pour sortir des albums, signer les artistes, on a les fonds. Ça a beaucoup évolué depuis donc c’est tout ce que j’ai fait avant qui m’a permis d’arriver là maintenant et de pouvoir faire les choses correctement. C’est ça qui est cool.

On va parler un peu plus maintenant de l’album qui s’appelle Jeunes & Tristes. J’aimerais te demander pourquoi ce nom d’album ?

Parce que c’était un mood que j’avais avant le confinement, c’était un truc qui me trottait déjà en tête depuis un petit moment. Pendant l’été, j’avais invité Nino avec qui je bosse pas mal. On avait fait une après tranquille et on avait fait un riff de guitare, on l’avait passé en boucle pendant toute l’aprem’ et j’ai commencé à gratter dessus. C’est un peu ce truc là qui revenait : jeunes et tristes. Je disais ‘ah ouais, c’est marrant parce que c’est vraiment le mood que j’ai en ce moment alors que je ne suis pas malheureux du tout‘, c’est à dire que je n’étais pas dans un délire de déprime, loin de là, mais pourtant j’avais ce mood là.

Du coup, je trouvais le slogan marrant et au début c’était au singulier et quand j’en parlais à plein de monde, ils étaient morts de rire parce qu’ils disaient ‘gars c’est exactement ce que l’on ressent nous aussi en ce moment‘.

Finalement c’est ton mood à toi mais c’est aussi une représentation de la société, des jeunes d’aujourd’hui peut-être ?

La société je ne sais pas. Mais en tout cas mon mood à moi, celui de mes proches et puis, effectivement, il suffit d’allumer la télé pour voir que t’es loin d’être le seul à ressentir ça. Du coup je me suis dit ‘ok je vais rester là-dessus parce que ça a l’air de parler aux gens avec qui je suis  et ça me parle surtout à moi‘. Je suis parti là-dessus, j’ai fait un titre et puis le deuxième était toujours dans un mood folk, nostalgique, avec des thèmes qui sont un peu tristes mais qui ont toujours une lueur d’espoir.

Quand j’ai fini l’album, je l’ai réécouté entièrement et c’est marrant parce que cet album, il me réchauffe un petit peu, il fait du bien. Je n’ai plus la même vision des mots jeune et triste que lorsque j’ai commencé l’album. Donc en fait pour moi il y a deux lectures pour Jeunes & Tristes : tu peux prendre la lecture pure et dure et celle qui n’est pas forcément péjorative, qui représente autre chose que juste jeunes et tristes. Et c’est ça qui m’intéressait.

Finalement c’est le bon moment pour sortir cet album, au vu de la situation actuelle…?

Je ne sais pas si c’est le bon moment, je ne fais pas les choses par rapport aux situations actuelles ou par rapport à ce qu’il se passe, j’allume la télé une fois tous les six millions d’années et j’en ai rien à faire de savoir ce qu’il se passe. C’est plus moi, ce que je ressens sur le moment par rapport à ce que je vis, à ce que je suis, c’était ça, donc je l’ai sorti.

Quand je fais un album, je me livre. C’est mes sentiments, mes émotions. C’est moi qui me livre aux gens, je livre un bout de ma vie.

Boostee

On va parler maintenant de ton style musical dans cet album. Il y a de la folk nostalgique, de la pop, de l’urbain, est-ce que c’était quelque chose de réfléchi ce registre là, quelque chose d’instinctif peut être  ?

Oui, j’ai grandi avec la folk, mon père, ma mère écoutaient énormément de folk, on écoutait vraiment que ça, j’ai grandi dans une ferme où j’étais à dix kilomètres de la ville la plus proche et la ville la plus proche, c’est 10.000 habitants et après bien-sur il y a Cholet. Mais Cholet c’est la ville lumière, la terre promise, mais un peu plus loin encore… Du coup j’ai grandi là dedans, avec des chevaux, à bosser dehors avec mon père, j’ai toujours eu cette vie là. Donc forcément c’est la folk qui accompagne ces moments-là et quand j’ai découvert le rap j’ai adoré. J’ai écouté beaucoup de rap américain après mais à chaque fois je revenais un peu à la folk.

Ce qui est marrant c’est que dans Bluesky, tous les titres sont faits à partir de refrain-guitare. C’est à dire qu’à la base tous sont des titres folk sauf qu’on a mis de l’électro dessus parce que c’était ce que kiffait Nino. Moi j’adorais ce qu’il faisait avec ses instruments et tout, donc on a dit vas-y c’est trop bien. Il y a un petit mélange avec des refrains anglais chantés, c’est trop cool. M.A.D c’est encore plus folk mais on a mis beaucoup d’urbain dessus parce que j’ai quand même beaucoup écouté de titres rap.

Là, je me suis dit que c’était le moment de créer mon petit équilibre à moi, ce que je kiff en ce moment, de la folk et un peu d’urbain. Alors Jeunes & Tristes c’est un mélange, encore une fois, de plein de styles différents mais effectivement c’est la folk qui domine. Mais encore une fois, ça a toujours été la folk en fond et y’a eu des petits trucs, je viens pimenter tout ça avec d’autres styles comme le rap, l’électro que j’aime bien écouter de temps en temps et ça fait du Boostee en fait !

Ce mélange entre le rap et l’électro, est-il facile à trouver ? 

Il est facile à trouver pour moi, oui. J’aime les deux. J’adore le rap, la folk, j’aime trop la guitare. Pour moi, le parfait exemple est “Fantasme”. Il y a ce côté nostalgique, ce riff de guitare qui est pure et simple, il y a une voix qui vient raconter une histoire avec un kick. Ça représente parfaitement la folk urbaine, ce que j’aime bien faire.

Sur cet album, il y a uniquement des titres en français contrairement à ce que tu proposais auparavant. Pourquoi ce choix ? 

J’ai commencé la musique j’avais 13, 14 ans. Je chantais de la folk. J’ai découvert le rap américain, je ne comprenais rien. Je m’amusais donc à réécrire par cœur les couplets des rappeurs américains. Forcément quand j’ai commencé à écrire mes chansons, c’était en anglais. Ensuite, j’ai voulu que les gens comprennent ce que je disais dans mes couplets. J’ai donc fait des couplets en français mais je voulais garder cette vibe en anglais.

Au fur et à mesure, je me suis dit que c’était cool mais j’ai envie de faire du français. J’ai commencé à beaucoup écrire et je me sens prêt à faire des refrains qui me plaisent en français. Même si ça a été longtemps la marque de fabrique de faire de l’anglais-français, aujourd’hui je fais ce qui me plaît parce que c’est comme ça que j’ai commencé et c’est comme ça que je terminerai. C’est d’abord moi. Et si ça me plaît je pars du principe que ça plaira à d’autres ! C’est comme ça que je fonctionne. J’ai plus envie de faire d’anglais. 

Sur cet album, il n’y a pas de collaboration. Ça a été un choix ? 

Non, mais je crois que je ne ferai jamais de collaboration dans mes albums. Après, il ne faut jamais dire jamais. La vie est faite de plein de surprises. Pour le moment je n’ai jamais eu envie, à part ma petite sœur avec qui je partage quelque chose de très fort. Mis à part ça je réponds présent quand on m’appelle sur des projets, même si de moins en moins. Après inviter des gens sur mon album, non. Je pars du principe que mon album, c’est mon art. C’est ce que je dis sur la vidéo de la release tracklist, à la fin de la chanson je dis : “Mon album est une arme, je ne suis que l’ossature.”

Quand je fais un album, je me livre. C’est mes sentiments, mes émotions. C’est moi qui me livre aux gens, je livre un bout de ma vie. 

Parmi les artistes que tu avais pu inviter dans les épisodes ‘En Stud’, tu n’avais pas sympathisé avec certains artistes qui auraient pu prendre part de ce projet ? 

J’ai créé exactement ces capsules pour les avoir hors album. Pour moi, la musique c’est le partage. Mes albums, je les partage avec moi-même, pour les autres. Ce sont mes bouts de vie à moi, ça m’appartient bien que j’adore écouter les titres en featuring, c’est génial. 

C’est le choix que j’ai fait pour le moment. Autant plus tard, sur le prochain album, il y aura 14 feats pour 14 sons, je ne sais pas. Jusqu’à présent, ma philosophie, c’est que mes albums sont le reflet de qui je suis pour les gens qui veulent bien m’écouter et je refuse qu’il y ait quelqu’un qui vienne raconter sa vie sur mon album 😀. 

L’album est là, j’ai dit ce que j’avais à dire, c’est bien, il est beau, c’est ce que je voulais.

Boostee

Concernant la tracklist de l’album, comment s’est fait le choix ? Est-ce qu’il y a eu des bouleversements en dernière minute ? 

Non, comme je te disais, la musique c’est une histoire de ressenti. Tu ressens, tu fais, tu balances. J’ai toujours fait en sorte que mes prod’ soient toujours bien terminées, je prends du temps. Mis à part ça, je ne fais pas 1.500 sons et j’en sélectionne 12. J’en fais une dizaine, douze, treize jusqu’à que je n’ai plus d’inspiration. L’album est là, j’ai dit ce que j’avais à dire, c’est bien, il est beau, c’est ce que je voulais. C’est arrivé à terme ! 

Comme aficia est aussi précurseur de nouveaux talents, est-ce que tu as un artiste émergent que tu aurais envie de nous faire découvrir ? 

Hesteo, qui est très doué et qui vient de chez moi. Il est très fort ! 

Découvrez Jeunes & Tristes de Boostee :