Garou en interview : “Je pensais faire ma révérence avec l’album de Noël, mais la Motown m’a fait du pied !”

À l’occasion de la sortie ce vendredi de son dixième album studio baptisé Soul City, Garou a bien voulu répondre à nos questions, avec une bonne humeur communicatrice.

Plus de vingt ans de carrière, plus de cinq millions d’albums écoulés, Garou, le plus français des québécois, revient ce vendredi 29 novembre avec un dixième album studio. Un chiffre anniversaire qui lui a donné de belles idées. Pourquoi ne pas reprendre les plus grands classiques de la musique Motown

Pari relevé avec Soul City que Garou a pris un malin plaisir à concevoir. Et visiblement, ce n’était pas gagné. Car il avait perdu le goût de chanter comme il nous le confie. La Motown lui a fait une sorte de rappel à l’ordre. Entouré de ses talentueux musiciens dans un lieu idyllique, lui rappelant quelques souvenirs lointains, cet album s’est avéré être un bonheur à enregistrer. Confidences…

Garou : l’interview…

Tu es de retour avec un 10ème album. Au début de ta carrière, espérais-tu aller aussi loin ?

Je n’avais plus en tête de faire un album !

Quand j’ai commencé à chanter dans les bars à mes tout débuts, je ne pensais pas, ne serait-ce faire qu’un disque un jour. Donc déjà j’étais surpris. La première chanson que j’enregistre dans ma vie s’appelle “Belle”, une chanson encore dans le top 3 des chansons les plus vendus, après, si je ne m’abuse, “Petit papa Noël” et “La danse des canards” (Rires). Dès le départ, l’histoire était déjà fabuleuse ! (Rires) Beaucoup de gens se sont demandés pourquoi je ne sortais pas d’album pendant “Notre Dame de Paris”. Tout le monde l’a fait au sein du casting, sauf moi. Mon instinct me disait d’être patient. Je voulais rester Quasimodo encore. Donc j’ai attendu. À ce moment précis, j’avais autant de propositions de cinéma que d’album. Je n’étais pas sûr de moi à l’époque. Les gens ne savaient pas ce que j’allais devenir. Puis après, il y a eu la sortie du premier album avec la folie qu’on connaît…

Ce succès ne s’est pratiquement jamais arrêté si je ne dis pas de bêtises ?

Cela ne s’est jamais vraiment arrêté, sauf à des moments où j’ai décidé de lever le pied. C’était très bien parce que j’ai fait les projets que j’avais envie de faire, j’ai fait des choses pour le public, et j’ai eu le droit à des petites parenthèses comme avec mon dernier album de Noël. C’était pour moi mon apothéose puisque j’adore les chansons de Noël, j’adore le Blues et j’ai toujours rêvé de faire un album avec mes musiciens. J’ai réussi à réunir les trois dans un seul album et je me disais, tiens c’est une belle révérence. Je n’avais plus en tête de faire un album…

Qu’est-ce qui t’a donné envie de revenir ?

L’appel, tout simplement. Un appel d’un mec qui s’appelle Alain Yahmi que je connais très bien et qui est directeur artistique chez Universal. Il me dit “On voudrait faire les 60 ans de la Motown”. Ça, ça m’a plu tout de suite. C’est aussi l’appel de ces chansons-là. Évidemment, ça me faisait peur, mais j’avais vraiment envie de toucher les gens, et je savais que j’allais faire le bonheur de nombreux musiciens en studio et sur scène, et c’est vraiment ça qui se passe en ce moment… 

Découvrez “You Can’t Hurry Love”, un extrait de l’album Soul City de Garou :

Tu penses qu’Alain Yahmi avait pensé qu’à toi en priorité pour ce projet ?

Je pense qu’au début, le but était de faire un album multi-artistes. Il m’a avoué qu’il ne connaissait pas beaucoup de gens qui voulaient aller sur ce terrain glissant, sans trop glisser (Rires). Alors il m’a dit que je pourrais avoir le rôle principal de cet album. Je lui ai dis “Parfait”. Lorsqu’on se pose la question des potentiels invités, il me dit “On verra”. Puis on démarre le projet dans toute la noblesse et le respect des productions qui ont été faites dans les années 60, de façon très analogique. On ne s’est jamais servi de sons synthétiques. Nullement. Ce ne sont que des musiciens qui ont joué sur cet album-là et Dieu sait que ce sont de grosses productions. La personne en charge du mixage de l’album a même dit que c’était peut-être la dernière fois qu’il allait avoir un cadeau de mixer qu’avec des vrais musiciens. Et il a 40 ans de carrière le gars ! 

Tu revisites les plus grands standards de la Motown. Tu es là où l’on ne t’attend pas. Tu aimes surprendre ?

Je suis un mec un peu perdu, mais qui se trouve bien un peu partout !

Oui, j’aime surprendre les gens et me surprendre moi-même. J’ai comme leitmotiv qui me revient sans cesse, l’équilibre dans la diversité. Pour moi, trouver l’équilibre, ça se fait dans la diversité. Pour trouver l’équilibre, il faut prendre le risque de se déséquilibrer. Pour bien comprendre, il ne faut pas toujours faire la même chose. Beaucoup d’artistes sont coincés dans un style musical et n’arriveront jamais à en sortir. Dès le début, j’ai voulu donner le ton en commençant à jouer dans les bars avec de tops musiciens de jazz, de vrais jazz-mens. J’avais un groupe de soul music, j’avais un groupe de rock. Je faisais des soirées folk, tout seul. J’avais besoin de tout ça. Je ne pouvais pas prendre la décision de me cantonner qu’à un style musical. Donc ça fait de moi un mec un peu perdu (rires), mais qui se trouve bien un peu partout ! 

C’est un album retour aux sources en quelque sorte ? 

Oui, cet album est un retour aux sources déjà de part mes musiciens, puis par l’endroit qu’on a choisi pour travailler. On a tout enregistré dans ma région, dans une grange que j’ai rénové en studio. J’ai voulu m’amuser dedans. Cela s’est transformé comme un endroit pour faire la fête avec des musiciens, avec des joueurs de poker. Quand l’idée de l’album m’est venu, j’ai dit “Je veux le faire là-bas !

Peut-on définir cet album comme un album 100% de plaisir ?

On n’a encore jamais travaillé sur cet album. Cela n’a pas été du travail. Que du plaisir !

Reprendre de la Motown, l’idée ne t’a jamais traversée l’esprit auparavant ?

Le répertoire Motown est pour moi l’apothéose, un bel accomplissement musical

Ce style oui, peut-être pas clairement sur la Motown. Ceux qui m’ont connus au temps où je faisais les bars se sont toujours étonnés que je ne parte pas dans la direction que ce que je faisais avant “Notre Dame de Paris”. Mais faire de la chanson française m’a beaucoup fait évoluer, tout comme des chansons plus lyrics qu’il y avait dans le spectacle grâce aux chansons de Cocciante. J’ai voulu, encore une fois, me surprendre, aller dans une direction de façon naturelle. Et pendant des années je me suis posé la question : “Pourquoi je ne fait pas du Rythm & blues, de la soul, toi seul pourrait le faire”. Je me suis dit que c’était peine perdue. Je n’ai pas envie de repartir en arrière comme ça.

Découvrez “My Girl”, un extrait de l’album Soul City de Garou :

Avais-tu des craintes lors de l’enregistrement, par exemple ?

De façon générale, c’est difficile de s’attaquer au répertoire Motown qui est pour moi l’apothéose, le plus bel accomplissement musical de plein de genres musicaux car il y a de la soul, du gospel, de la musique classique, du blues, des arrangements, des cordes. Là, ça m’a plu ! C’est un véritable défi de s’attaquer à ces productions déjà parfaites. Mais tentons ! Et ça peut m’amener quelque part ensuite…

Tu penses à quelque chose en particulier ?

Dans les titres originaux, il y a beaucoup de chansons pour femmes. J’avais très peur !

Étonnamment, ce qui est fou, c’est que c’est vraiment en train de m’amener quelque part… Je te promets ! (Sourire) Je pense que je vais essayer, c’est même sûr, de prendre mes anciens titres, extraits de ma discographie, et les arranger façon Motown. Si je réussis ce pari, ça va me donner envie de faire de nouvelles chansons soul… 

Comment s’est fait le choix des chansons à inclure sur l’album ?

En fait, je savais la puissance que je pouvais donner dans le côté blues & soul, mais il y a des décrochés dans la Motown, il y a des façons de chanter qui sont vraiment pas faciles pour moi. J’avais très peur. Il y a beaucoup de chansons de femmes, et donc beaucoup de passages en voix de tête. Au delà du changement de la tonalité, il y a des façons de chanter à respecter. Je me suis beaucoup posé la question si j’allais y arriver lorsqu’on a choisi les chansons. À ma grande surprise, mais alors vraiment, tout est passé comme une lettre à la poste. C’était hyper facile !

Marvin Gaye et Stevie Wonder ont toujours été des influences pour toi. Tu reprends des titres à eux sur cet opus. Une sorte d’hommage ?

Je leur rends une sorte d’hommage oui. Concernant Stevie Wonder, je ne voulais pas reprendre “Superstition” que j’avais déjà chanté. Je voulais faire une chanson que je n’avais jamais faite, que j’ai adoré : “Signed Sealed Delivered”. Et quand on a terminé l’enregistrement de cette chanson, j’ai dit à mes musiciens que mon rêve serait qu’il entende cette version, que ça le fasse sourire, sans avoir honte de lui faire écouter.

Je sais à quel point cela peut être difficile de capter un public pas forcément initié à ce genre musical. Comment t’y prends-tu pour que le disque reste accessible et populaire ?

Je sais que ce n’est pas un choix très racoleur. La Motown, je ne sais pas à quel point on l’a connaît ici en France. Cela ne s’adresse pas forcément à un public jeune. Mais en même temps, ma fille a 18 ans. Alors, déjà, elle adore la musique un peu plus vintage.  Elle a fait écouté mes chansons à ses amis et le retour qu’ils ont fait est le suivant : “Mais papa, ton album ce n’est pas un album de Motown, mais un album pour ‘Avengers, les Gardiens de la Galaxie’ !” (Rires). Effectivement, la musique qui est diffusée pendant le film ce n’est que de la Motown. Donc il y a peut-être un public qui va se reconnaître. 

On retrouve quelques collaborations sur cet album, comme Marie-Mai, star au Canada et la légende Aloe Blacc. Comment cela s’est fait ?

Quand on a fait l’album, on n’était pas certain d’inviter qui ce soit, ni comment… Mais à la Fête de la Musique, au 21 juin 2019, je fais une rencontre avec Aloe Blacc. On chante “I Need a Dollar” ensemble et on se parle en coulisses. Je reviens, je commence l’album, et je rencontre Alex Finkin qui devient le réalisateur exceptionnel et hallucinant de cet album. C’est une rencontre fabuleuse qui intervient dans ma vie. Et il me dit qu’il est directeur musical d’Aloe Blacc sur l’ensemble de sa tournée européenne. Je lui dit : “Mais j’ai adoré le mec, tu penses qu’on pourrait l’inviter ?”. Donc ça s’est fait hyper naturellement. Aloe Blacc a débarqué dans ma grange. Quand on a terminé la chanson, je voulais en faire d’autres avec lui, mais ce n’était pas possible à mon grand regret. Et là il sort : “Est-ce que ça vous gêne si je reste, que j’écoute ?”. Il kiffait tellement. Je pense que si je lui demandais d’enregistrer huit autres chansons, il aurait dit oui avec plaisir ! Il était à fond !

Quelle rencontre ! Celle avec Marie-Mai est-elle aussi surprenante ?

‘The Voice’ en France me manque un peu

Le 3 juillet, je suis avec Alex Finkin, on réinvite Aloe Blacc donc, et le 9 juillet je fais un concert multi-artistes au Québec où je retrouve ma copine Marie-Mai avec qui je n’avais pas chanté depuis longtemps. Et j’en profite pour lui demander si elle ne veut pas faire un petit test sur “Ain’t No Mountain High Enough”. Elle a débarqué en studio toute réjouit et on a bossé avec plaisir en studio ! Donc rien de trop calculé, et que du plaisir, tout le temps !

Tu reprends ton fauteuil dans ‘The Voice’, mais au Québec cette-fois. Quelles sont les différences avec la version française ? 

(Rires) C’est vrai que le principal avantage c’est d’être près de la maison (Rires). Donc c’est cool pour ça, entre autres ! Je reste dans le même univers, on s’amuse. Mais en même temps, il y a des trucs dans l’équipe en France qui me manque, quand même, cette famille, l’ambiance des trois premières saisons surtout !

Donc là tu es en France, puis tu repars chez toi ensuite ?

Oui, c’est ça ! Je suis en France pour trois semaines promo marathoniennes, et je rentre ensuite pour faire mes décorations de Noël ! (Sourire)