Eddy Mitchell en interview : « Le mensonge fait partie de la vie de tous les jours »

Chanteur et acteur, on retrouve Eddy Mitchell aux côtés de Johnny Hallyday dans le dernier long-métrage de Claude Lelouch : Salaud, on t’aime.

C’est à l’occasion de la sortie du film dans vos cinémas qu’aficia vous propose une interview de l’acteur Eddy Mitchell pour son rôle de meilleur ami un peu menteur de Johnny Hallyday dans « Salaud, on t’aime ».

Entretien avec Eddy Mitchell

Pourquoi avoir accepté de faire « Salaud, on t’aime » ? Pour tourner sous la direction de Claude Lelouch, avec Johnny Hallyday ou pour le scénario ?

Un peu des trois. Avec Johnny, on se connait depuis la nuit des temps, depuis qu’on est gamins. On nous a souvent proposé des projets trop stéréotypés.
Ou c’était lui, ou c’était moi… Ou d’un commun accord. On disait non. Claude, c’est quand même un homme qui a réalisé de sacrés films. Je n’aime pas tout, bien sûr, mais j’aurais trouvé dommage de ne pas lire le scénario. Claude m’a raconté succinctement le fil de l’histoire et j’y ai cru. J’ai donc accepté pour Johnny, pour Claude, pour le scénario et pour Sandrine aussi, n’oublions pas Sandrine !

Pensez-vous que par amitié, vous pourriez mentir comme le fait votre personnage dans le film ?

Oui, absolument. Le mensonge fait partie de la vie de tous les jours. Surtout par amitié ou par amour ! D’ailleurs, on est obligé de mentir… À nos âges, nous traversons des périodes où nous sommes obligés de mentir face à la mort, face à l’amour…
Je sais que, par rapport à la mort, même si les gens disent que ce n’est pas bien, quand tu sais qu’un pote va peut-être y passer – je ne me regarde pas dans la glace quand je fais ça – mais je ne peux pas dire, si, si, si, je suis d’accord avec les toubibs, tu vas y passer vieux, allez salut ! Bonsoir !
Ce sont des mensonges de tous les jours qui sont inévitables… indispensables !

Johnny Hallyday dit qu’il n’a pas eu à jouer la comédie avec vous, que c’était naturel.

Oui. Les personnages nous ressemblent énormément. Ce qui a été compliqué sur ce tournage, très honnêtement, c’est l’improvisation.
Dans son entretien, Johnny Hallyday dit qu’au début du tournage, il apprenait son texte mais qu’il a arrêté de l’apprendre par la suite.
Je ne suis pas tellement d’accord avec ça. Je maintiens qu’il faut toujours savoir son texte, c’est peut-être vieille école, tant pis si les dialogues doivent changer, mais il faut avoir la base.

Oui, surtout que ce n’était pas les situations qui changeaient, c’était les mots. Sauf sur le rapport de votre personnage avec celui de Sandrine Bonnaire. Il a évolué.

Oui, le rapport entre ces deux personnages est devenu plus ambigu…
En revanche, et là je prêche contre ma paroisse, il y avait un monologue dans le scénario, un discours écrit pour mon personnage que Claude a transformé au dernier moment et il a eu raison… Cela aurait fait trop numéro d’acteur.

Votre personnage est fondamental puisque c’est lui qui fait tout basculer…

Mon personnage est un menteur… Enfin, peut-être pas si menteur que ça, mais il est humain. Il est peut-être plus malheureux que le personnage de Johnny.
Il refuse de se séparer de sa femme alors que Jacques (Johnny) est un gamin qui a eu je ne sais pas combien d’aventures. Le mec, à chaque fois, il épouse !
Ce sont des dangers ces mecs-là… Et non seulement à chaque fois il épouse, mais en plus, il fait des mômes ! Au fond, Jacques (Johnny) n’a qu’un seul souci…
Il ne voit pas ses enfants. Mon personnage se traîne une bouée, sa femme, qu’il aime bien quand même… Mais on sent bien qu’il n’en peut plus, bien qu’elle soit gentille et pleine de qualités. En revanche, il donne ! Il ferait n’importe quoi pour que son pote soit heureux, pas uniquement son pote d’ailleurs.
Il ferait n’importe quoi pour que les gens soient heureux. J’aime beaucoup ce personnage.Il fait rire, il rend service, il s’accommode de tout…

Claude Lelouch dit qu’avec vous, il a fallu qu’il se donne un peu plus de mal dans sa direction d’acteurs, qu’il a eu besoin d’argumenter.

Claude n’a pas tort… C’était moi le plus réticent des trois. Quand Claude est au service d’une bonne histoire, il est formidable. Pour moi « La bonne année » est un « sans faute » à tous les niveaux. Il y a du sentiment, du thriller… il y a tout ! Comme dans le film avec Dutronc, « Le bon et les méchants ». Cependant, il y a quelque chose qui peut m’échapper mais que je respecte d’ailleurs, c’est son côté bisounours très optimiste. Et je regarde ça comme un martien.
Ah bon, on vit comme ça sur cette planète ? et alors, ça vous plaît ? Pourquoi pas ! Il a prouvé tellement de choses Claude !

Qu’avez-vous ressenti quand vous avez vu le film ?

Je suis ravi du résultat ! C’est un beau film sur le pardon. Tous les personnages font que le film existe. Je pense à Rufus, à sa fille (Isabelle de Hertogh), c’est magnifique ! Et puis il y a le couple Johnny – Sandrine qui marche tellement bien.
Ils sont évidents ces deux-là ! J’ai même versé ma petite larme…

Seriez-vous prêt à retourner sous la direction de Claude Lelouch ?

Oui, oui, oui. Trois fois oui ! C’était quand même très agréable. Quand je dis que Claude a un côté bisounours, j’exagère… Il est quand même insensé ce mec ! Tu arrives sur le plateau, il tombe des cordes et il dit : putain la lumière est merveilleuse ! Le mec a le moral ! Tu es obligé de le suivre !
C’est un colonel, un maréchal ! C’est en avant ! Un meneur d’hommes ! D’accord, il va peut-être aller dans le mur mais au moins il y va… Il pleut et il dit : mes enfants c’est génial ! Oui mais il pleut, Claude, c’est pas raccord… C’est pas grave les raccords, on s’en fout !