Marie-Gold - © Coralie Daigneault
Marie-Gold - © Coralie Daigneault

Le grand rendez-vous avec Marie-Gold !

À l’occasion de la parution de son nouveau disque intitulé Bienvenue à Baveuse City, Marie-Gold s’est confiée à aficia sur sa carrière et la genèse de ce nouveau disque. C’est notre grand rendez-vous sur aficia !

Artiste aux multiples facettes, Marie-Gold devrait faire parler d’elle dans ces prochains mois. Et si nous ne la présentons plus au Québec, primée de prestigieuses distinctions pour son univers musical affirmé et pétillant, l’artiste opère un retour convaincant sur Bienvenue à Baveuse City, un deuxième opus concept enrichi de 17 compositions originales. À travers ses nouvelles chansons, l’artiste nous présente une ville fictive au sein de laquelle chaque lieu est l’occasion de livrer un texte corrosif, percutant, non sans une touche d’humour.

Il en résulte un projet résolument moderne mêlant mélodies accrocheuses et textes ciselés. Un savoureux mélange délibérément recherché par la rappeuse. Pour aficia, Marie-Gold revient sur ses premiers pas dans l’industrie musicale, sa vision du rap ou encore le processus de création de son nouvel album.

© Coralie Daigneault

Marie-Gold, l’interview !

Tu as un parcours atypique en ayant réalisé des études en génie physique. Comment passe-t-on de la polytechnique aux studios d’enregistrement ?

On ne passe pas de l’un à l’autre car je suis encore dans mes études en génie physique ! Mais comment y passe-t-on dans une même journée ? Cela requiert beaucoup de discipline mais je suis très passionnée par ces deux univers qui sont très différents. Cela ne me dérange pas du tout de travailler dans le cadre de mes études puis de faire de la musique à travers des sessions d’enregistrement. Aussi, il faut dire que ça n’utilise pas les mêmes capacités intellectuelles. Quand je suis épuisée de faire de la musique, cela ne signifie pas que je suis épuisée de faire des maths et des sciences, au contraire. Si j’étais uniquement focalisée dans mon projet de musique, je pense que j’étoufferais et que ce serait trop. C’est bien de faire des séances d’enregistrement et de pouvoir décrocher en faisant autre chose. Et inversement, le constat est le même, la musique me permet de faire une pause dans mes études.

Que ce soit dans tes études mais aussi dans la musique, à travers le rap, tu as choisi des voies que la société considère comme plus adaptées aux hommes. As-tu eu des difficultés à imposer ta personnalité et penses-tu avoir eu besoin de travailler davantage en tant que femme ?

En génie physique, j’ai moins ressenti ce ‘boys club’ même si nous ne sommes qu’au maximum 10% de femmes dans ma filière. Je le sens moins parce que j’étudie souvent seule donc c’est difficile d’identifier ces difficultés auxquelles sont confrontées les femmes. Mais je pense que les femmes vivent toutes ça différemment. Ce qui est difficile en revanche, c’est le manque de sensibilité à l’égard de l’enjeu du sexisme dans le rap. En effet, je pense que c’est important d’assumer qu’il y a du sexisme pour travailler dessus et non pas le nier et dévaloriser les expériences de certaines femmes. Quand on voit certaines personnes qui ont une position de pouvoir et qui véhiculent des propos sexistes mais aussi des projets qui n’incluent que des hommes, cela fait de la peine. Soyons tous un petit peu plus sensibles. Il faut penser à la société, aux jeunes filles et aux personnes qui méritent leur chance. Chacun a une part de responsabilité.

Visionnez le clip de “Maison de Dicks” :

Marie-Gold et le rap !

Quel a été le déclic de faire de la musique et surtout du rap ? Qu’est-ce qui t’inspire le plus dans ce genre musical ?

J’aimais beaucoup l’énergie que dégageait le rap, l’idée d’aller sur la scène et d’avoir de l’attitude. J’étais convaincue que j’étais faite pour ça ! C’est sûr qu’au début, j’ai un petit peu navigué pour trouver ma direction artistique et ma présence scénique. Il y avait forcément de l’hésitation mais c’est toujours comme ça. Quand tu débutes quelque chose, tu tentes d’imiter des codes et imiter les codes du rap, c’était assez évident pour moi. Après, j’écrivais beaucoup aussi, je faisais de la scène donc cela avait vraiment du sens.

Et justement, quel regard portes-tu sur le rap français ? Est-ce que les codes sont les mêmes que pour le rap québécois ?

Non, vraiment pas ! J’écoute énormément de rap européen. C’est quand même plus une direction artistique qui me parle parce que j’ai l’impression que le mouvement du rap au Québec est moins varié. Il faut dire qu’il y a beaucoup moins de rappeurs. Je pense que c’était plus facile de trouver ma voie en France parce qu’il y a une offre plus grande. Mais en tout cas, les codes sont très différents, en particulier concernant le langage. Au Québec, beaucoup de projets rap ont des influences jazz notamment. En France, la trap est un courant qui me semble plus pleinement assumé. Souvent, quand il y a des projets un petit peu trap à Montréal, on a tendance à l’associer à du rap européen.

Ton univers musical aussi assez éclectique, tu associes le rap à la pop et à l’électro. Quelles sont tes influences ?

J’aime ça ! J’ai fait beaucoup de chansons avec des couplets très denses mais j’aime la structuration d’une chanson pop dans le sens où on va retrouver un refrain efficace, chanté et entraînant. Mais j’accorde aussi beaucoup d’importance au flow et au texte. Mes influences musicales sont variées et s’inspirent notamment de la rappeuse belge Shay que je trouve extraordinaire. Aussi, j’adore Vald, Lomepal, Damso ou encore des femmes fortes telles que Davinhor et Le Juiice.

J’ai d’abord travaillé dans l’ombre sur ‘Bienvenue à Baveuse City’, c’était un petit peu une mixtape mystérieuse et progressivement, ce projet est devenu comme un exutoire créatif

Marie-Gold
Pour tes premiers pas dans la musique, tu avais constitué un groupe. Qu’est-ce que t’a apporté l’expérience de ce collectif ?

Ce que j’ai particulièrement aimé de Bad Nylon, c’est que c’était une zone de confort pour faire mes premiers pas dans le rap. Nous étions toutes des femmes, toutes au même niveau. Il y avait une part importante accordé à l’expérimental et vraiment, nous étions toutes à l’aise et dans le partage de l’expérience, en tant que femmes. Nous n’étions pas dans le jugement l’une par rapport à l’autre et c’est très important de débuter une carrière ainsi. J’ai vraiment appris à me forger à travers cette expérience qui s’est donc révélée précieuse pour la suite.

Était-ce alors nécessaire pour toi d’éclore et de poursuivre en solo ?

Oui, c’était vraiment important. Je sentais que je voulais lancer une carrière plus professionnelle. Dans le groupe, la musique était souvent davantage un projet second pour certaines filles. Moi, j’avais vraiment envie d’y aller à fond ! Et je savais qu’il fallait que je me lance en solo pour y parvenir.

Bienvenue à Baveuse City, le nouvel album de l’artiste québécoise !

Tu dévoiles un nouvel album conceptuel dans lequel tu es la Boss de la Baveuse City. Les textes sont tranchants mais le ton est assez décalé. C’était essentiel pour toi de rester dans l’ordre du divertissement ?

Oui, tout à fait. Je voulais que cet album puisse être transposé sur scène, être adapté en spectacle avec un côté très délirant. Pour moi, c’est important d’avoir du plaisir à travers la musique. Je voulais vraiment que le concept puisse permettre l’amusement.

Peux-tu revenir pour nous sur la genèse de ce concept ?

J’avais travaillé sur un premier album, Règle d’or, mais je n’étais pas tout à fait prête. La direction artistique était assez floue et j’avais simplement fait une compilation de chansons. Je pense que c’est très bien aussi de procéder ainsi mais on ne retrouve pas un même fil conducteur. Il y avait un petit peu de maladresse puisqu’il s’agissait de mes premiers pas dans l’industrie musicale et je trouvais ça un petit peu étrange. J’ai d’abord travaillé dans l’ombre sur Bienvenue à Baveuse City, c’était un petit peu une mixtape mystérieuse et progressivement, ce projet est devenu comme un exutoire créatif. J’avais trouvé une direction artistique intéressante et cohérente.

Si tu devais décrire ton album en trois mots pour inciter le public à l’écouter, lesquels choisirais-tu ?

Je dirais que c’est un album délirant, dansant ou turn-up et sensible !

Dans le titre “La Presse (Baby Girl)”, tu évoques la médiatisation et la course à la reconnaissance. Penses-tu que c’est une menace de vouloir exister à travers le regard des autres ?

Je pense que c’est normal d’être ambitieux, d’avoir des attentes et de travailler pour être reconnu. Mais c’est également important de garder un détachement pour garder une bonne santé mentale et émotive. La chanson “Déconnectée” est un petit peu en réponse au texte de “La Presse (Baby Girl)”. Je suis très accessible sur mes réseaux sociaux mais je suis aussi en mesure de me détacher, de vivre autre chose. C’est ça qui est important, de pouvoir faire abstraction de ce que les autres pensent et des trop nombreuses réactions que nous pouvons lire sur les réseaux.

Dans la piste “Beach Club”, tu proposes un discours alarmiste sur la crise climatique. Nous assistons presque impuissants au changement du monde, est-ce un sujet qui te tient à cœur ?

Vraiment oui, je voulais aborder des sujets très variés dans ce disque. Je souhaitais que chaque lieu de cette ville fictive soit l’occasion d’évoquer une thématique différente. Avec “Kesta ?!” j’évoque l’électrification des réseaux de transport et avec “Beach Club”, je voulais parler de l’environnement mais d’une façon surprenante pour créer une étincelle. C’est un sujet très préoccupant et qui est beaucoup traité, il fallait proposer quelque chose de surprenant.

S’il y avait une seule chanson du disque que tu aimerais que les gens écoutent et retiennent, laquelle retiendrais-tu ?

C’est un exercice très difficile ! Et c’est justement le problème de l’album parce qu’il a véritablement été conceptualisé pour que chacune des pistes soient des ‘bangers’. On a toujours eu l’envie de proposer une chanson forte. Alors si je devais choisir pour le texte et la musicalité, je dirais peut-être “La Presse (Baby Girl)” ou “Montagne russe” mais pour l’univers délirant et l’originalité, je choisirais “Déconnectée” ou “Beach Club”. S’il faut n’en choisir qu’une, ce sera “Déconnectée” !

Nous le disions plus tôt, c’est un album conçu pour la scène, quels sont tes projets pour 2022 ?

J’ai une tournée prévue au Québec et je vais poursuivre l’exploitation de mon nouveau single “La Presse (Baby Girl)” dont le clip est sorti. Il y aura un lancement festif à Montréal. Je vais également performer à l’occasion d’un événement important en lien avec le climat. Enfin, j’aimerais également revenir en France !

Chez aficia, nous aimons bien conclure nos interviews en demandant aux artistes de nous recommander une découverte. Quel artiste nous recommanderais-tu d’écouter ?

Cool, je vous recommande vraiment d’écouter Calamine. Elle vient de sortir une chanson qui s’appelle “Lesbienne woke sur l’autotune”. C’est super bon et elle agit sur le rap queer, ses textes sont bien ficelés. J’aime beaucoup.

Marie-Gold - © Coralie Daigneault

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