Brö vient de créer "Projets complexes" pour sortir son prochain EP.

Brö en interview ‘sans filtre’ : “Certains directeurs artistiques écoutent la musique comme ma daronne”

Elle fait partie de ces artistes qu’on a clairement pas envie de caser dans un genre musical. L’année dernière, elle a sorti son premier album Grande, nous prouvant qu’elle faisait bien de squatter le paysage musical depuis quelques années. Le 15 mars elle revient avec Pour la fête. Brö nous parle (sans filtre) d’industrie du disque, de créativité et de musique bien sûr…

Brö est en interview sans filtre :

Hello Brö, tu peux te présenter ?

Moi c’est Brö ! J’ai déjà trois projets à mon actif. Le dernier date de 2023 et il s’appelle Grande. Je me lance en indé depuis quelques mois. Le 15 mars 2024 sortira mon prochain EP en tant que productrice et artiste !

Tu viens de le dire. C’est le premier projet en tant que productrice. Pourquoi ce choix de l’auto-prod ?

J’étais en contrat d’artiste depuis 4 ans dans un label indépendant. Ca s’est bien passé au départ mais après j’ai grandi et mes convictions ont évolué. Au fur et à mesure, j’ai eu du mal à supporter une sorte de rapport salarial.

Tu dirais que les contraintes artistiques sont les mêmes quand on est signé sur une major ?

Je pense que la taille de la maison influence la façon de travailler mais ça dépend à 80% des personnes qui sont décisionnaires. Si on veut t’empêcher, tu seras au même niveau finalement. Ca m’est arrivé de produire des choses qui n’ont jamais vu le jour parce-que qu’au dernier moment on estimait qu’elles ne sortiraient pas. C’est hyper dur à vivre. Aussi, quand tu es la seule à y croire, c’est difficile à gérer. Si c’est pour être dans un label indé, autant être dans mon label à moi et éviter les situations difficiles.

Le prochain projet, il te ressemble davantage alors ?

Les autres me ressemblent tous mais parce que j’ai dû me battre, être constamment têtue.  Je dirais qu’il a été fait sans aucun obstacle en fait. En fait, le résultat est dans la lignée de mes précédents projets mais cette fois sans embûche.  Et musicalement, on va le ressentir car je me suis fait davantage plaisir. J’ai complètement la main sur celui-ci. Les mots d’ordre aujourd’hui sont : liberté, plaisir et sans concession. En fait c’est plus pop je dirais. Je me fiche de proposer une musique snob.

Concrètement, quels sont les freins et les avantages à cette nouvelle aventure 100% solo ?

Tu peux aller plus vite si tu es débrouillarde. Ma manageuse m’accompagne et mon père aussi. Il a été gérant d’une boite de prod et son expérience est forcément bienvenue dans notre formation aujourd’hui. Je vais au rythme qui est le mien. Je suis détentrice de mon œuvre à 100%.

Pour les freins, c’est de partir de 0 finalement. On a pas encore la crédibilité nécessaire vis à vis de l’industrie. Il y a tout à construire. Et bien sûr financièrement. Après, il faut aller chercher des subventions alors que personne ne nous connaît. Et bien sûr la fatigue, il faut tout faire. Mais même en label, on est souvent livrées à nous-même aujourd’hui en fait.

Je me fiche de proposer une musique snob

Qu’est-ce qu’un label traditionnel apporte aujourd’hui à un artiste contrairement à il y a 20 ans en arrière selon toi ?

Un bon label installé t’apporte la sécurité de l’emploi si je peux dire. Mais surtout, un réseau et pour certains un très bon directeur artistique. Aussi, tout se joue aux rencontres et au cas par cas.

Pourquoi cette appellation, “projets complexes” ?

Pour l’anecdote, il y a 15 ans mon père a trouvé un tee-shirt EDF et il était écrit “Projets complexes” à l’arrière. C’est un clin d’œil pour mon père qui m’inspire pour entreprendre. Je le vois encore faire de travaux de bricolage avec ce tee-shirt improbable.

Les artistes sont-ils en train de changer les règles du jeu de l’industrie du disque  en se produisant eux-mêmes ?

C’est possible. Mais ça reste difficile de dire “non” à des grandes maisons. Après, demain, j’ai un succès phénoménal et j’ai besoin de signer mon catalogue en gestion, je le mettrais chez Sony, Universal ou Warner. Ce sont des marques qui feront tourner ton projet. Quand tu es artiste, tu n’as pas toujours la foi de tout gérer. Les majors seront toujours présentes pour récupérer les catalogues qui fonctionnent en tant qu’institution. Mais ce qui sûr c’est que le savoir-faire des labels va être modifié et se déplacera vers une gestion plus administrative et moins artistique.

Et pour quelles raisons à ton avis ?

Il y a des gens qui sont attirés par ces métiers-là parce que c’est sympa de bosser dans un label et qu’ils sont bien payés. Ils sortent d’une école de commerce et écoutent de la musique comme ma daronne peut le faire par exemple. Ils n’ont pas la fibre pour la musique. Les stats aussi attirent mais bien heureusement il y a plein de contre exemples. Mais les critères ne sont plus les mêmes. Et je ne suis pas dupe sur la commercialisation mise en place. Moi ça ne me dérangerait pas que quelqu’un veuille se faire “des couilles en or” sur ma musique. Aussi, ce qui est gênant c’est que la musique n’est plus le booster de départ. Personnellement on m’a déjà dit que mon projet était “trop musical”

C’est aussi une partie du public qui est négligée non ?

C’est exactement ça. Et c’est ça qui me dérange. C’est pour ça que je parlais de faire de la pop de qualité tout à l’heure. Je suis pas là pour faire des boucles et aligner des sons. On enregistre des vrais gens, on fait de la musique. 

Découvrez “Oui ou non” de Brö :