Loic Nottet
©Loïc Nottet

Loïc Nottet en interview ‘sans filtre’ : “on est dans une société très addicte”

Loïc Nottet revenait ce vendredi 29 mai dans les bacs avec un troisième album baptisé Addictocrate. L’artiste se livre à cœur ouvert dans une interview sans filtre.

Il y a trois ans, en plein COVID, Loïc Nottet a fait le choix de publier son album Sillygomania, un album en anglais où est né “Mr/Mme” (unique titre en français), le tube de cet album. Hélas, le reste de l’album est passé un peu inaperçu. Déçu mais préservant, ce soudain succès a donné des idées à ce génie de 27 ans. L’interprète de “Million Eyes” accouche de Addictocrate, son troisième opus écrit intégralement en français. Assumé  jusqu’à la démesure, ce nouvel opus est un projet complet et incontestablement ambitieux. Navigant dans un style puis dans un autre, Loïc Nottet surprend son petit monde. 

Au cours d’une interview sans filtre, il reviendra sur l’insuccès de son précédent disque, sur son implication dans tous les aspects du nouveau, sur sa cote de popularité, sa tournée grandiose à venir et de bien d’autres sujets…

Loïc Nottet, l’interview ‘sans filtre’ :

Bonjour Loïc, ravi de faire ce nouveau marathon promo ?

Sincèrement, oui, car tu sais, faire de la promotion, c’est qu’il y a des gens qui s’intéressent à moi, et à mon projet. Et c’est un projet qui compte énormément pour moi ! Voir qu’on a beaucoup de demandes, de questions autour de ce projet, ça me fait plaisir et beaucoup de bien !

Avec ‘Sillygomania‘, on a fait ce qu’on a pu

– Loïc Nottet

Si on revient rapidement sur ton ton précédent album, c’était censé être un projet important. Moultes et moultes fois reporté, il est publié pendant le COVID. Que retiens tu de ce disque ?

Avec Sillygomania, on a fait ce qu’on a pu. Il y avait deux choix, soit on le sortait à ce moment-là, soit ma maison de disques voulait le sortir bien plus tard. Sauf que je ne voulais pas, étant donné que je travaillais déjà sur le suivant. J’avais promis un album, je l’ai sorti, les gens l’ont attendu, et je tiens toujours mes promesses donc nous avons fait le choix de le sortir en pleine pandémie malgré tout. Mais au final, il y a eu plein de choses positives. Il y avait tout un concept autour d’Halloween, je tenais vraiment à le faire. Et puis il a eu le succès de “Mr / Mme” qui a fait vivre cet album et qui a fait que cet album n’est pas passé 100% à la trappe.  

Tu dis avoir fait ‘ce que tu as pu’. Il y a donc une part d’amertume quelque part ?

C’est une période qui nous a tous déstabilisé et déçu. Oui, quand je sors un album, c’est un travail de 2 à 3 ans que je perds. Ce sont deux années de ta vie que j’ai dû presque enterrer, c’est un projet que je n’ai quasiment pas pu défendre. Il y a un sentiment de “Ha, c’est pas cool”. J’aurais vraiment aimé le défendre. Bon, ça ne s’est pas fait, ce n’est pas grave. Ce qu’il faut retenir, c’est que je reviens avec un album, une nouvelle image, une nouvelle langue aussi, de nouvelles sonorités, un projet plus affirmé aussi j’ai l’impression. Donc je pense qu’il fallait passer par là. Le destin je pense !

Le premier extrait, “Danser”, tu aurais aimé qu’il ait plus de succès pour amorcer la suite de l’album ?

On ne peut jamais connaître le succès d’un titre, mais c’est clair que j’aurais aimé qu’il passe sur les radios en France, ça c’est sûr et certain. Il y a une part de déception, certes, mais je me dis aussi que j’ai 12 autres titres sur l’album. La guerre n’est pas terminée, on continue ! Après, je te dis ça, mais je ne te cache pas que le mental n’est toujours pas au beau fixe. Si ce titre-là n’est pas passé sur les ondes, c’est qu’il ne devait pas passer, ce sera peut-être un prochain titre.

Découvrez “Danser” de Loïc Nottet extrait de l’album Addictocrate :

Si on prend le tout premier album, il n’y avait pas de chansons en français, et là à l’inverse, elles sont toutes en français. Drôle de paradoxe, non ?

Mais ma vie est paradoxale ! Moi, c’est blanc, ou noir, ce n’est pas gris. Je vais te donner un exemple. Quelqu’un de normal va s’entendre avec des gens qu’il affectionne tout particulièrement. Moi, c’est l’inverse. J’aurais plus tendance à faire des câlins avec des personnes que je ne connais pas. Dès que j’ai de vrais sentiments pour les gens, je m’éloigne un peu. Ça n’a aucun sens. On parle d’un vrai paradoxe. Et ça, c’est dans tous, aussi bien personnel, que professionnel. 

J’imagine que tu as tout un tas d’autres chansons en anglais de prêtes et que tu en as quand même écrites ces derniers temps ? 

Alors oui, et non. J’ai quelques chansons qui sont prêtes, oui, mais j’en suis au stade yaourt, et elles peuvent aussi bien sonner en français qu’en anglais, pour tout te dire. C’est qu’une maquette. 

Chanter en live en français, aussi m’a fait prendre conscience qu’il se passait vraiment quelque chose

Loïc Nottet – aficia

Le succès de “Mr/Mme” t’as donné des idées d’écrire en français ? 

Ça a été un déclenchement, c’est sûr ! À aucun moment il était question d’écrire en français il y a quelque temps, parce que je le ressentais comme quelque chose de beaucoup trop personnel, et puis ça changeait un peu la voix aussi. J’avais peur que ceux qui aiment ma voix en anglais ne l’aiment plus en français. Mais finalement, l’accueil a tellement été chaleureux que j’ai poursuivi. Chanter en live en français, aussi m’a fait prendre conscience qu’il se passait vraiment quelque chose. Ça m’a mis en confiance pour la suite. Le challenge était d’écrire tout un album en français du coup. C’était un gros challenge.

C’est un pari aussi d’écrire en français, car tu touches clairement moins le public international que tu avais touché avec ‘Million Eyes’ et l’Eurovision notamment ?

(Après 10 secondes de réflexion) Je me dis que pour le même prix, si j’ai envie de ressortir un album en anglais, je le ferai. Je ne me pose pas trop de questions. J’ai l’impression qu’aujourd’hui, avec les réseaux, tout peut partir de rien du tout. J’ai l’impression que le mot ‘impossible’ n’existe plus vraiment. C’est assez fou de dire ça quand on est artiste, mais c’est hyper déstabilisant. Le fait de sentir que tout va dans tous les sens, c’est très déstabilisant. Je ne pense pas que les anglais soient prêts à écouter des albums en français, et ça ne changera pas, mais à côté de ça, je me dis que si j’ai envie de refaire du français, je le ferai. En réalité, je suis dans une optique de me dire, si ça plaît, c’est cool, si ça plaît pas, tant pis ! Je me serai éclaté au moins !

On va entrer dans le vif du sujet avec l’album avec “Addictocrate” où tu chantes “Éternellement insatisfait sans cesse en recherche de plus”. C’est un peu le bilan du dernier album et de celui-ci non?

Ha oui, c’est sûr qu’à titre personnel, et professionnel, je suis un éternel insatisfait. Je suis insatisfait de tout ce que je fais. Cet album-ci, c’est la première fois que j’ose dire que je suis fier de cet album. Autrefois, je ne l’étais pas. Après oui, je m’arrête encore sur de nombreux détails. À côté de ça, de manière plus générale, j’ai l’impression qu’on est dans une société qui va tellement vite, qu’on consomme tellement, ça change tellement. C’est dur de prendre le train en marche. On a beaucoup de choses à notre disposition, mais finalement, on en a jamais assez.

Tu as un exemple en tête ?

Regarde avec Netflix. Avant c’était hyper galère, tu devais attendre chaque semaine la suite de ta série ou le prochain épisode la semaine suivante à la TV. Aujourd’hui tu as tout de disponible mais on est encore capable de râler parce qu’on en veut toujours davantage. Il y a tellement à voir. Il y a tellement de trucs qu’on ne voit plus rien. J’ai l’impression que c’est un ras-le-bol général. On est beaucoup dans ce cas-là.

Quelle est ta propre définition de “Addictocrate” au fait, terme que tu as créé spécialement ?

Oui carrément (rires). Il y a deux définitions. Il y a le côté insatisfaction permanent. J’en veux toujours plus, toujours plus de sensations, il y a une addiction au plus. D’une manière plus générale, on est dans une société très addicte. Alors oui, il y a les addictions dites classiques pour la drogue, le téléphone, l’alcool… À force, on va finir comme le F de Facebook, on va naître qu’on sera déjà courbé ! (sourire) On est tous addicts à quelque chose !

Découvrez le clip de “Mélodrame” de Loïc Nottet extrait de l’album Addictocrate :

Sur cet album, on a l’impression que tu as pensé à tout :  du nom d’album, aux clips à couper le souffle, une tournée qui s’annonce folle, une affiche qui en jette, des morceaux très variés… comment te vient toutes ces idées ? 

Ça commence toujours par des images, par des flashs. Quand j’ai commencé le projet, je savais que je voulais mélanger du hip-hop et du classique. Je me suis dis que ça avait été fait tellement de fois, que ça allait être compliqué d’amener le côté hybride. Puis j’ai eu des flashs. J’ai vu des spectacles, de l’opéra, des dorures rouges, des matières plutôt. Et là je me suis dis que j’avais envie de revenir aux racines dans cet album.

J’ai donc repris la danse, notamment la danse classique qui m’a ouvert sur un monde que je ne connaissais pas, des compositeurs que je ne connaissais pas. Grâce à ça, aujourd’hui, j’écoute des albums entiers de bandes originales de films. Parfois, je m’étonne tout seul, je préfère écouter ça que de la pop ou du rap d’ailleurs. J’ai ensuite ajouté la notion de cordes. Visuellement, je voulais reprendre des postures plus classiques, notamment dans les ports de bras, la coiffure, le chignon pour les filles. J’ai eu des flashs comme ça. 

Comme tout artiste, mon rêve c’est de faire des grandes scènes, de faire des Arena en France, parce que j’ai envie de montrer au public français ce que je suis capable de le faire

Comment est arrivé le concept de Renaissance ?

Ce projet, c’est tout une renaissance pour moi. J’ai vu des peintures de la Renaissance. Je voulais que la pochette de l’album soit comme une vieille peinture et en fait, ça se construit comme ça, petit à petit. Ensuite, il y a eu la maison de couture qui est venue à moi, donc je me suis dit “trop bien, je peux encore sublimer l’image et aller trop loin” ! Après arrive la couleur de cheveux. C’est vraiment un travail fastidieux, très long, pour dessiner le concept tel qu’il est. Et j’adore !

Quelle imagination ! Est-ce que Loïc Nottet est sous côté ?

(Rires) Ah, ça, je sais pas ! Je sais pas ! Franchement, tout ce que je peux te dire, comme tout artiste, mon rêve c’est de faire des grandes scènes, de faire des Arena en France, parce que j’ai envie de montrer au public français ce que je suis capable de le faire. Je me battrai toujours pour aller plus loin. Et j’espère que cet album ira plus loin, car il est en français, et je pense qu’il a une diversité sur l’album qui permet à chacun de trouver une chanson qui lui correspond. Je vais pas mentir, j’ai envie de faire des Zénith. Si l’histoire doit s’écrire autrement, et bien elle s’écrira autrement, mais cela ne m’empêchera jamais de faire de la musique. 

Je me sentais plus confiant il y a dix ans que maintenant

Loïc Nottet – aficia

Quand j’écoute “Con”, j’ai l’impression que tu te décrédibilises, que tu te rabaisses dans cette chanson, et dans d’autres. T’en rends-tu comptes ?

“Con” est venu parce que je me suis souvenu d’une phrase qu’un professeur m’avait dite quand j’étais en sixième. J’avais 12 ans : “l’adulte qu’il y aura devant toi aura toujours raison”. Je n’étais pas du tout d’accord avec son point de vue. C’est une phrase qui m’a hanté pendant longtemps. En grandissant, je me suis rendu compte que ce n’était pas vrai car les adultes font autant de bêtises que les enfants. Parfois, je trouve qu’il y a une haine, une colère, qui vient de générations qui n’acceptent peut-être pas le changement. Certains sont beaucoup trop fermés. Je trouve ça triste.

Qu’espères-tu avec ce nouveau disque ?

J’espère que cet album ira plus loin, car il est en français, et je pense qu’il a une diversité sur l’album qui permet à chacun de trouver une chanson qui lui correspond. Je vais pas mentir, j’ai envie de faire des Zénith. Si tu as cet état d’esprit là, garde-le pour toi, tu n’es pas obligé de le répandre et de le cracher sur les autres. J’en avais un peu marre de me sentir comme un enfant devant un adulte. Car aujourd’hui j’ai 27 ans, je suis aussi un adulte, je me rends compte que je fais autant d’erreurs que quand j’en avais 16. Et avec du recul, mes parents en font autant que nous. On a tous à apprendre les uns des autres, vieux ou jeunes. 

La confiance en toi, c’est quelque chose qui s’est amélioré  depuis le début de ta carrière ?

Ah oui ! Bizarrement, je me sentais plus confiant il y a dix ans que maintenant. J’ai l’impression que plus je vieillis, moins je me sens confiant. C’est super bizarre ! Je me pose sans doute plus de questions qu’avant. Je prends aussi beaucoup plus de paramètres qu’avant. Oui, j’ai une autre vision, j’ai du recul. Il y a plein de questions sans réponse, ce qui fait que ma confiance s’amenuise un peu. La chose qui ne change pas, c’est la passion et l’instinct. La flamme est toujours là. Si je suis persuadé que cette photo sera la pochette de mon album, si j’en suis intimement convaincu, il y aura beau avoir 15.000 personnes contre mon choix, c‘est comme ça que je le veux.

Doutes-tu également sur ta carrière aussi ?

Oui, bien sûr, est-ce que je vais continuer la musique ou m’arrêter ? C’est plein de questionnements parce que comme je te disais, j’ai envie que ça aille plus loin et offrir de vrais shows, en France aussi. On fait toujours tout ce qu’on peut. Mais on est aussi dans un décalage. En Belgique, je fais des salles de 10.000 personnes alors qu’en France, on tourne un peu ; on fait des clubs de 1 200, 1 500 personnes. 

Tu dois constamment faire évoluer ton show, c’est ça ? 

La scénographie doit changer à chaque fois, c’est super cool. Mais c’est compliqué de s’adapter budgétairement parlant, et logistiquement parlant. Je ne peux pas danser de la même façon sur les deux tableaux à chaque fois car c’est fatiguant mentalement. Je me suis déjà posé cette question : “Si ça se trouve un jour, je ne pourrai plus proposer de la danse en France ?” si dans 10 ans mes fans m’abandonnent peu à peu. Mais moi, je ne peux pas ne pas proposer un show au public, ce n’est pas possible. Si un jour je ne peux plus proposer un show, alors je ne ferai plus de concerts. Ce ne sont pas les showcases qui m’animent.

J’ai commencé à écrire des livres. J’aime beaucoup ça. Mais est-ce que je continuerai à faire des albums et pas forcément des tournées, ou que des tournées ? Je ne sais pas. Au feeling ! on verra ce que Addictocrate nous dévoile.

Qu’est-ce qui a été le plus complexe pour sortir un nouvel album ?

Oh Wouah ! Je dirais que c’était ma couleur vocale, trouver l’équilibre et apporter de nouvelles textures dans ma voix que je n’avais pas apportées jusqu’à présent. Je voulais également voir là où ça marchait et où ça ne marchait pas. C’était le plus gros challenge. 

Tu te sens capable de proposer encore autre chose sur un prochain disque ? 

Si à 27 ans je suis arrivé au summum de ma créativité, c’est qu’il y a un vrai problème. En vrai, je ne sais pas encore dans quelle direction j’irai, mais j’entrevois de la musique dans mes plans encore. Je ne sais pas sous quelle forme. Je n’ai pas d’images, je n’ai pas eu de flashs. Là, le compte à rebours est déjà lancé, on s’en reparle dans trois ans ! D’ici là, c’est vrai que j’ai très envie de retourner en studio en tout cas…

Découvrez l’album Addictocrate de Loïc Nottet :