Mourad en interview : “Soprano a été d’une bienveillance exemplaire pendant notre session !”

À l’occasion de la sortie de son premier album Prémices, nous avons rencontré Mourad là où tout a commencé pour lui, au Vivier Opéra Cité à Marseille. Entretien exclusif sur aficia !

Là où beaucoup cherchent le petit truc pour faire du buzz, Mourad Tsimpou n’a pour l’heure toujours pas compris ce qu’il se passait pour lui. Filmé en train de jouer du Chopin au piano à l’hôpital de la Timone à Marseille, ce jeune autodidacte de 15 ans fait rapidement le tour de la toile. Il est remarqué par André Manoukian qui lui offre deux compositions pour son premier album Prémices qu’il vient tout juste de sortir. Celui qu’on surnomme le jeune prodige du piano vient également de collaborer avec Soprano. Une success story dont il est venu parler sur aficia…

Nous sommes donc allés à sa rencontre, directement au Vivier Opéra Cité, à Marseille, là où Mourad prend désormais des cours avec sa coach Marianne Suner. Celle-ci n’hésitera pas à prendre la parole pour épauler son jeune poulain, encore très jeune et pas forcément très à l’aise avec les questions. Cette interview a eu lieu juste après la rencontre entre Mourad et Soprano, sujet donc nous avons évidemment évoqué. Beaucoup de sourires, de fierté et d’espoir de la part du professeur en son élève. Entretien !

Mourad : l’interview…

On est aujourd’hui au Vivier Opéra Cité. C’est un peu là où tout a commencé pour toi. Peux-tu me raconter ce qui te lie à ce lieu ?

Mourad : C’est l’histoire de Marianne Suner qui travaillait à Vivier Opéra Cité avant de me rencontrer qui est intervenue sur un projet qui s’appelait ‘King Kong’, dans lequel elle était chef de chœur. C’est un ciné-concert. On était à l’école de la Castellane à Marseille. C’est là où tout à commencé car il y a cinq ans maintenant, (il avait donc seulement 10 ans, ndlr) il y a eu une fusillade à la Castellane. Tous les élèves étaient dans un état de choc. Il était impossible pour nous de travailler dans ces conditions. Elle a sorti un accordéon pour simplement jouer de la musique, pour nous faire penser à autre chose. Je suis venu jouer à ses côtés. J’ai commencé à improviser au chant. Elle me disait “continue, continue !

Est-ce qu’à ce moment-là tu étais un sorte de modèle pour l’ensemble de la classe ?

Mourad : Les autres élèves avaient très envie de chanter, sauf qu’ils ne connaissaient pas forcément ce genre de répertoire. Moi non plus à la base ! Sauf que ça sortait comme ça. 

À quel moment as-tu découvert que tu avais un truc ? 

Mourad : Ce n’est pas moi qui l’ai découvert, c’est vraiment Marianne qui a découvert cette première partie. Elle a vu que j’avais un ressenti à la musique très fort, que j’avais des facilités à chanter et improviser.

Et à l’école, comment es-tu perçu par tes camarades ?

Mourad : Je suis un élève comme les autres. Je ne pense pas être quelqu’un dans ma bulle. Je prends ma place d’élève, je parle avec mes amis. Ils me perçoivent comme quelqu’un de normal, malgré que je puisse jouer du piano. Ils sont au courant de tout. Ils savent que c’est étonnant car tout le monde ne le pratique pas de cette manière. Ça reste exceptionnel. 

Marianne : Est-ce que le terme “être dans sa bulle” te rappelles quelque chose (en s’adressant à Mourad, ndlr) ? C’est une expression que tu as utilisé dans un conte… En mai 2017, avant qu’il se lance dans la musique, il était soliste et il a chanté sur scène devant 120 personnes environ. C’était une expérience incroyable, pour tout le monde d’ailleurs.

Avais-tu des rêves dans la tête ?

Mourad : Après cette expérience, j’ai voulu tout de suite composer un opéra. Marianne m’a dit qu’un opéra ne s’écrivait pas comme ça, qu’il fallait des années de travail… On est donc parti à faire des petites choses, construire des bases pour éventuellement faire de grandes choses plus tard. J’ai donc écrit un conte musical.

Marianne : Cela s’appelait “Les mots de Thomas”, qu’il a écrit, composé et interprété pratiquement seul. On l’a aidé à peaufiner. Puis après il l’a enregistré. On a ensuite mis les images sonores dessus, puis il a improvisé à la voix, à l’harmonica, au piano alors qu’il n’avait jamais touché un piano. Cela a constitué une oeuvre. Il a été diffusé à Radio Galère. Cela parle d’un petit Thomas. C’était une sorte de prémonition de ce qu’il lui arrive aujourd’hui, c’est ça qui est incroyable. C’est l’histoire d’un petit garçon de 10 ans, qui n’est pas du tout comme les autres et qui fait un concours de poésie… 

Découvrez la prestation de Mourad aux Victoires du Jazz :

Une jolie histoire ! Ensuite, il y a eu un appel avec André Manoukian. Peux-tu me parler de cette immense rencontre ?

Mourad : C’est lui qui avait publié sur Twitter “Donnez-moi ses coordonnées bordel !” suite à la vidéo relayée. Apparemment, il avait eu un coup de cœur pour moi. Il a très vite voulu nous rencontrer. Marianne a rencontré sa maison d’éditions pour dire de nous appeler s’il le souhaitait. Un rendez-vous s’est fait rapidement. On est allé chez lui dans la foulée. Il a un grand piano à queue qui prend l’ensemble de son salon. C’était incroyable.

On va parler de ton premier album Prémices. Il y a un an, savais-tu ce que représentait un album ? 

Mourad : Pas du tout ! Pour moi, un album c’était un ensemble de disques dans une seule compilation, qui s’appelait ‘album’. 

Tu voyais ça comme quelque chose d’inaccessible, et finalement…

Mourad : Ça s’est fait très vite finalement ! On a enregistré en juillet en studio et on a terminé quelques semaines plus tard. Ce que je trouvais normal ! Mais Marianne m’a affirmé que non, c’était pas normal d’aller aussi vite ! Je ne savais pas qu’un artiste pouvait passer des mois, voire des années sur un album. On l’a fait en trois fois trois jours. Ce qui est dingue !

Le fait qu’il y ait des improvisations sur ce disque fait que c’est un gain de temps dans l’enregistrement ?

Mourad : Je pense qu’il y a des improvisations qui peuvent s’enregistrer comme ça, en une prise. Elles sont belles, mais nécessitent d’être travaillées et retravaillées par derrière. On risque de perdre ce truc qui est beau et qui est fait à l’instinct, mais je prends le risque que ce soit plus beau.

Marianne : Il faut dire que lorsqu’il enregistre l’album, il n’a que deux ans de pratiques instrumentales. Il y a plein de maladresses. Il y a des perles, mais il y a plein de maladresses… (Sourire)

Il y a donc une correction qui est faite par ordinateur ?

Marianne : C’est monté. Il y a beaucoup de montages. Et c’est normal en fait. C’est juste impossible de faire ça. Quand on est monté sur Paris, mise à part le Bach, il y a un morceau de classique, c’est “Le prélude du Bach”. Le reste ce sont soient des improvisations soient sur des morceaux classiques ou des morceaux qu’il a fait, ou qu’on a travaillé ensemble ou que Manoukian lui a donné. Mais avant d’aller au studio, on ne savait pas ce qu’il allait faire à part Le Bach. Il y a fallu être inventif sur le moment, à l’instant. On pardonne les maladresses sur du live, mais c’est un disque, cela doit être qualitatif.

Est-ce qu’à côté du piano, tu continues un peu le chant ? Pourra-t-on espérer t’entendre chanter prochainement ?

Mourad : On verra ça dans quelques années ! (Rires). Non, je le mets de côté pour l’instant. Le piano-voix serait envisageable mais il faudrait que je bosse ! (Rires).

Marianne : Disons que depuis qu’il a mué il y a deux ans, il a dû compenser avec quelque chose, en l’occurrence le piano. Il ne s’est pas familiarisé avec sa nouvelle voix. Je n’arrête pas de lui dire qu’elle est belle. Ça viendra…

J’ai vu que tu avais rencontré en personne Soprano il y a peu. Tu le connaissais avant de le rencontrer ?

Mourad : Oui je le connaissais par ses vidéos, ses chansons, comme tout le monde, mais pas personnellement. 

Découvrez la session Piano Live entre Mourad et Soprano :

Comment est née cette rencontre ?

Mourad : C’est Universal qui s’est arrangé pour que je crée quelque chose pour Soprano. J’ai tout de suite dit oui car j’aimais bien ce qu’il faisait. On s’est rencontré en studio, ça s’est super bien passé, il est hyper sympa. C’était vraiment top ! 

Comment as-tu vécu cette drôle d’expérience, celle d’accompagner un artiste populaire au piano ?

Mourad : C’était dingue ! J’ai repris son titre “Fragile”, après on a fait piano-voix.

Marianne : C’était génial. J’y suis allée avec beaucoup d’à priori, c’est vrai. Mourad n’a jamais accompagné quelqu’un. Je me suis demandée s’il allait avoir cette rigueur. Universal nous appelle seulement quelques jours avant pour créer cette rencontre qui a lieu la semaine suivante. Il avait le choix entre deux titres. Cinq jours pour quelqu’un qui n’avait jamais accompagné un artiste, c’est très court !

Et une fois sur place, comment c’était ?

Marianne : C’était magnifique. Mourad était d’une concentration ! Il avait tous les capteurs ouverts, un espèce de truc complètement à l’affût. Il était vachement en lien avec moi pour savoir si c’était bon. Je n’ai jamais vu Mourad comme ça ! Même pendant l’album il était plus détendu. Et Soprano a été d’une gentillesse, d’une générosité et d’une bienveillance…. À un moment donné, on était sur la fin, le manager dit qu’on va réenregistrer uniquement quelques parties. Soprano intervient et dit “Mais attends, le minot n’a jamais accompagné personne, laisse lui le temps de s’y mettre. Alors autant de fois que tu auras besoin, on le refera”. J’ai trouvé ça incroyable de le mettre autant à l’aise. Il avait de très bonnes petites intentions. Quand tu vois quelqu’un pour la première fois, il faut se caler pour savoir quand est-ce que l’autre a besoin de respirer, lorsqu’il a besoin d’espace, quand on reprend… Tu as fais un travail juste formidable (en s’adressant à Mourad, ndlr) ! Et j’ai vu en Soprano quelqu’un qui n’est pas du tout une star !

Dernière question Mourad, si tu avais un ou plusieurs arguments à donner pour écouter ton premier album, même à des initiés ? 

Mourad : J’aimerais que le public écoute en priorité “Karthala” car André Manoukian est allé puiser dans les chants traditionnels comoriens puisque mon père y est originaire, et “Marseille” aussi car c’est là d’où je suis.