Juliette Armanet se dévoile à travers un premier album dont elle a révélé la genèse lors de notre rencontre. Ça se passe sur aficia !
Quelques semaines après la sortie de son disque Petite amie, Juliette Armanet en parle sans compromis, en toute décontraction, révélant sa genèse, ses inspirations, et divulguant sa manière d’appréhender la musique et le métier de chanteur. Une rencontre captivante avec une ancienne journaliste qui se retrouve propulsée sur scène pour assurer les premières parties de la tournée de Julien Doré, et qui fait l’objet de la couverture du premier numéro du magazine aficia.
À quel moment vous-êtes vous dit qu’il était temps d’écrire des chansons et d’enregistrer un album ? Combien de temps ce processus a-t-il pris ?
C’est un processus qui s’est fait en plusieurs étapes, parce qu’il y a des chansons qui ont dix ans déjà, alors que d’autres ont été écrites l’été dernier. En fait, il y a plusieurs strates de composition, très étalées dans le temps. Je ne peux pas en parler autrement qu’en évoquant ces étapes différentes, ce qui rend assez difficile à quantifier précisément les années qu’il a nécessité. Je n’ai pas vraiment de réponse. Je ne sais pas si je dois dire deux ans, ou dix… (Sourire)
Y avait-il la volonté de ne pas bousculer, ou est-ce que ce temps s’est imposé dans la réflexion et la composition ?
C’est vrai que je ne m’y suis mis qu’il y a deux ans de manière vraiment très sérieuse si je puis dire. Avant je composais pour moi, j’avais un autre métier. Donc je n’avais pas du tout cet objectif de créer un album particulièrement. J’ai concrétisé cette ambition pendant deux ans, parce que c’est le temps qui s’accordait avec ma vie professionnelle de l’époque et ma vie personnelle. Et puis, il fallait aussi du temps pour oser faire tout ça, franchir le pas. Il fallait rassembler toutes ces idées et les mettre en forme.
Quelles ont été les sources d’inspiration de ce premier disque ?
Il y en a plusieurs, très différentes. J’ai écouté beaucoup de jazz et de musique, plus jeune, dans ma famille. J’imagine que ça doit jouer. Et puis, du côté de la variété française, je me suis penchée sur les incontournables, qui sont pour moi les années 70 et 80, comme Christophe, Alain Souchon, Laurent Voulzy et bien-sûr Michel Berger. Parmi les artistes plus récents, il y a Sébastien Tellier qui m’inspire beaucoup, évidemment. Ce sont pas mal de choses qui sont mélangées en fait. Je pourrais aussi parler d’inspirations anglo-saxonnes. J’aime vraiment profondément les Pink Floyd, Alan Parsons, les Bee Gees… Toutes les sonorités californiennes un peu lascives. Dans les autoroutes américaines de la musique, il y a des choses vraiment sublimes.
C’est plutôt bien d’être comparée à un monstre mythique
On ressent toutes ces influences sur Petite amie, au point même qu’on en vient à se demander si ça ne résulte pas du fait que vous n’ayez pas réussi à choisir votre voie.
Oui, c’est vrai. Mais c’est parce que je n’ai pas envie de trancher, d’aller dans une seule et même direction. Je voulais au contraire m’autoriser la ballade romantique, très acoustique, avec des sons très secs, puis l’épopée disco-80’s. Je veux évoluer avec une liberté totale et bénéficier d’une réelle palette. Une grande palette sans tabous ! (Sourire)
C’est ce que vous dîtes justement dans la chanson « Cavalier seule » : « Ma liberté est mon animâle ». Êtes-vous d’accord pour dire que cette formule résume parfaitement votre disque ?
Oui, absolument. Même si je tiens à préciser quand même que je me suis amusée dans les paroles en écrivant animal ‘animâle’, pour faire référence à l’homme, à la masculinité. Le mot d’ordre de ce disque, c’est de s’amuser, de vivre, de chercher à faire ensemble qui soit digeste, compréhensible par tous… L’idée c’était d’être moi, ce que je suis et ce que j’aime. Je pense qu’il ne faut pas s’encombrer d’interrogations pour faire ce qu’on a envie de faire.
On a parlé d’inspirations, j’ai aussi envie de parler de comparaisons. Beaucoup vous ont découverte en début d’année avec le titre « L’amour en solitaire », remanié, et comme une bonne partie d’entre eux j’ai immédiatement pensé à Véronique Sanson. Quelle appréciation faîtes-vous de ce parallèle ?
Je suis très étonnée en fait, parce que je connais pas très bien son univers. Je suis tombée sur un documentaire rendant hommage à ce qu’elle a fait, réalisé par Didier Varrod, et je suis tout de suite tombée en amour pour cette femme, pour sa vie autant que son travail au final. Pour moi, c’est comme si vous me disiez que je chante comme Prince. (Sourire) Je n’y avais jamais pensé, pas une seule fois… Mais bon, je suis flattée parce que je trouve que certaines de ses chansons sont magnifiques. Elle a aussi une réelle présence scénique, elle dégage quelque chose qui est à la fois frais et intense. Elle a ce punch ! Elle a marqué par sa façon de jouer et de chanter qui parfois est un peu déroutante aussi même. Cette puissance, cette singularité… C’est un monstre mythique ! C’est plutôt bien d’être comparée à un monstre mythique. (Rire)
(Re)Découvrez le titre « L’amour en solitaire » de Juliette Armanet :
Avez-vous eu l’occasion de la rencontrer ?
Oui, sur un plateau radio. J’ai joué quelques morceaux et elle s’est approchée de moi pour me dire que je lui faisais penser Alain Souchon. Donc bon, chacun voit midi à sa porte. (Sourire) Je pense qu’il y a ce côté rassurant à comparer de jeunes artistes à d’autres qui ont fait un peu plus de route pour les identifier. Et puis, il faut quand même rappeler qu’il y a très peu de chanteuses françaises au piano. Il y a Véronique Sanson, puis Barbara. Il y a une référence visuelle inconsciente à son travail, des réminiscences aussi sur certains de mes morceaux avec le recul que j’ai aujourd’hui.
L’image associée à la variété est malheureusement assez pauvre
Comment apprenez-vous à gérer votre image ?
Ça m’amuse beaucoup de travailler autour. Je trouve que c’est drôle de jouer avec les codes de la pop. Surtout quand on fait de la variété ! Parce que je trouve que l’image associée à la variété est malheureusement assez pauvre. Autrement, celle de la pop, dans l’indé et le rap est un peu plus racée. Je pense qu’il ne faut pas renoncer à la puissance des images, et qu’il faut au contraire en jouer. Je suis plutôt bien entourée, d’artistes contemporains. Tout le travail visuel que je fais autour de cet album-là ne s’y rattache pas forcément musicalement. Je trouve ça un peu déroutant. J’ai l’impression que ça fait autant partie du projet.
Il y a un autre artiste français qui fait ça très bien aussi, d’allier une culture populaire à quelque chose d’un peu plus racé pour vous citer. C’est Julien Doré. C’est peut-être ce qui vous a conduit à travailler ensemble. Comment s’est passé votre rencontre ?
Il se trouve qu’on s’est rencontré il y a deux ans et demi. Mon voisin de palier est le bassiste de Julien Doré. Un été je jouais de la musique la fenêtre ouverte. De l’autre côté de la cour, il avait lui aussi la fenêtre ouverte. Et de fil en aiguille j’ai rencontré Julien Doré. C’est avec lui que j’ai fait mes premiers pas sur scène. Il est venu me voir après chaque première partie, pour me donner des conseils. Me coacher en quelque sorte. C’était très très fort pour moi, notamment lorsque j’ai chanté à l’Olympia. On est devenu ami. Et puis, un matin, vers dix heures, il a voulu que je passe chez lui. A l’entendre c’était assez urgent. J’y suis allée, et j’ai pu écouter tout son disque & dans sa cuisine, avec un casque. A l’issue de l’écoute, il a proposé d’enregistrer « Corail » sous forme d’un duo, parce qu’il pensait que ça rendrait quelque chose de bien. Et effectivement… Ça s’est fait vraiment très vite, parce que le soir-même c’était bouclé.
Écoutez le duo « Corail » de Julien Doré et Juliette Armanet :
Quelle petite amie êtes-vous ?
Je trouve qu’il y a quelque chose d’adolescent dans ce titre, de l’ordre de l’érotique aussi. En même temps, je trouve qu’il y a quelque chose qui fait appel à la mythologie. La ‘petite amie’, c’est aussi celle dont on a le foulard pour garder une trace de son parfum, celle à qui on envoie des lettres. Ça parle de désir, des premiers émois amoureux, sans engagement. C’est assez flamboyant ! Il y a un côté léger, évanescent, et en même temps quelque chose de plus profond. Quand on découvre l’amour, on découvre une émotion qu’on ne connaissait pas. Comme un homme préhistorique pourrait découvrir le rire. Je voulais faire appel à cette première fois. Je pense que je suis une petite amie qui rassemble un peu tout ça, avec à la fois de la sincérité, très romantique, très fleur bleue et très ‘premier degré’. Et en même temps dans ce titre il y a de l’ironie, un décalage. Il y a quelque chose de vaguement érotique et 80’s.