Foé - © Lise Cléo
Foé - © Lise Cléo

Foé en interview ‘Sans filtre’ : “Des carrières comme Benjamin Biolay, je trouve ça très inspirant”

De retour avec Paradis d’or, son deuxième opus, Foé s’est confié à aficia sur la genèse de ce disque, le développement de sa carrière et ses envies. Retrouvez son interview ‘Sans filtre’.

Originaire de la Ville rose, Foé avait suscité l’intérêt des critiques en 2018 avec Îl, un premier opus révélant tout le potentiel de sa plume et de son sens de la mélodie. Exultant le goût de l’éclectisme, l’artiste touche-à-tout écrit, compose, arrange et joue de la musique avec minutie. Il se dévoilait ainsi à travers une voix chaude se mariant à merveille avec des sonorités incisives et chaloupées. Depuis, Foé a pris le temps de mûrir un deuxième effort voulu plus personnel et mettant en lumière son parcours et son histoire d’amour. Il en résulte Paradis d’or, un disque abouti, résolument solaire. Entretien avec une révélation de la scène française.

Foé, l’interview !

Quatre ans après la parution de ton premier opus, tu es de retour avec un nouveau disque intitulé Paradis d’or qui est plus rêveur, profondément positif. Comment as-tu appréhendé la création de cet album dans cette morosité ambiante actuelle ?

La création de cet album n’a pas commencé pendant le confinement, elle a commencé il y a quatre ans donc c’était même bien avant. J’ai débuté cet album en me demandant où j’en étais après le premier disque. C’est déjà une chance d’avoir pu sortir un premier disque et on m’a proposé d’en faire un deuxième donc il fallait que je saisisse cette opportunité et que je revienne avec une vraie proposition qui soit différente du premier album. Je suis parti de ce postulat en me demandant ce que j’allais pouvoir raconter dans ce nouveau disque. Sur le premier, j’avais beaucoup parlé des histoires des autres et pour celui-ci, j’avais envie de parler de moi. Ça peut paraître égoïste mais j’avais envie de parler de mon histoire personnelle et de ce qui me touche, à savoir ma relation amoureuse notamment.

J’ai commencé la création de cet album par la chanson qui s’appelle “Vol 17” donc qui est une métaphore de l’amour à travers un vol. À l’époque, on partait pour Florence avec ma copine. Elle avait 17 ans, j’en avais 18 et nous sommes partis spontanément. Après, toutes les chansons ont découlé, je voulais vraiment qu’il y ait un fil rouge à travers l’album. J’aime bien les albums concepts et j’avais beaucoup écouté An Awesome Wave d’Alt-J avec des interludes, c’est vraiment stylé. Il y a également Les Mots Bleus de Christophe où il y a des mélodies qui reviennent d’une chanson à une autre. Donc c’était important pour moi de créer un album plus conceptuel mais cela prend également plus de temps. C’est pour ça que se sont écoulées quatre années ! Quand on écoute le disque, la dernière chanson est aussi la première chanson, c’est une boucle…

Écoutez Paradis d’or, le nouvel album de Foé :

En me plongeant dans tes deux albums, j’ai été interpellé par le travail de ta voix. Dans ce second opus, il y a beaucoup de modulations vocales. Est-ce que tu t’es justement accordé davantage de liberté et une marge d’exploration plus importante de tes capacités ?

Oui, complètement ! Quand on fait un premier album, généralement, on en tire des conclusions. On fait le point sur ce qui a marché, sur ce qui n’a pas fonctionné. On se demande aussi ce que les gens ont pu penser de l’album. Car même si on dit qu’on n’y accorde pas d’importance, c’est très compliqué de ne pas y penser. Sur la chanson “Nuria”, il y avait déjà une envolée lyrique et je me suis dit que, puisque je pouvais faire ça avec ma voix, pourquoi ne pas l’utiliser davantage. Cette évolution se fait aussi avec le temps, on s’écoute davantage. À un instant T, on se fie à ce que l’on aime dans sa voix et je suis également influencé par mes goûts musicaux. Avant, je n’écoutais pas du tout de chansons françaises et avec les retours, je me suis mis à en écouter beaucoup. Ce genre musical a donc insufflé beaucoup d’inspirations dans la création de ce deuxième disque et dans ma manière de chanter.

Découvrez “Nuria”, extrait d’Îl, le premier album de Foé :

La publication d’un deuxième disque est bien souvent une étape cruciale dans la carrière d’un artiste. Est-ce que tu appréhendes la réception de tes nouvelles chansons par le public ?

En fait, je pense que je n’appréhende pas du tout cette réception. Quand j’ai fini cet album, je me suis dit que j’avais donné le meilleur de moi-même et que je ne pouvais pas faire mieux. Si les gens n’aiment pas, je n’aurais vraiment pas pu donner plus. J’ai fait cet album parce que j’en avais très envie et parce que j’en avais besoin. Je le considère vraiment comme une œuvre à part et comme un pilier de ma vie. En réalité, ce qui va vraiment m’intéresser, c’est de savoir quelle chanson le public va préférer, quel instrument retiendra l’attention… J’ai vraiment envie d’avoir des retours sur le contenu, plus que de savoir si l’album sera aimé ou non dans sa globalité.

C’était important pour toi de poser des mots sur ce que tu vivais ?

Oui, vraiment. En plus, c’était une période assez sombre donc cet album s’appelle aussi Paradis d’or pour ça. J’ai fini tout l’album pendant le confinement, lors de moments assez durs. La chanson éponyme dit “Un labyrinthe d’émotions / Couloir sans fin / Suscite trop de questions […] Et moi tout ce que je veux c’est dormir encore / Dans un paradis d’or”. Ce paradis d’or, c’est là où j’étais. J’étais dans une maison, entouré de ma copine, où il y avait des animaux et où on pouvait apprécier le coucher de soleil.

Ton premier disque avait été salué par les critiques, t’offrant notamment une nomination aux ‘Victoires de la musique’ mais pour autant, on ne t’entend pas vraiment sur les ondes. Quel regard portes-tu sur l’industrie du disque et penses-tu qu’il est difficile de partager ta musique au plus grand nombre ?

Forcément, c’est toujours compliqué dans un milieu qui est aussi concurrentiel que celui de la musique. Il y a tout le temps des nouveautés. En plus, j’ai fait le pari de prendre le temps pour composer et écrire ce nouvel album. Peut-être que ça va me desservir, comme cela va me servir… Au final, que l’album fonctionne ou non, l’industrie musicale en fera ce qu’elle veut de ce disque. Je suis heureux d’avoir pu créer cet album, c’est déjà énorme pour moi.

Ton implication dans ce disque va d’ailleurs au-delà de l’écriture et de la composition puisque tu as participé à la création des visuels. Est-ce que c’est important pour toi de coordonner toute les étapes de la création ?

Oui, complètement ! En tout cas, c’est important pour moi dans la mesure où j’ai chéri l’ensemble des nouvelles chansons. J’ai mis tellement de temps à les faire que j’avais beaucoup de mal à l’idée de les confier à quelqu’un d’autre pour la création des visuels. Aussi, je suis fan d’image, j’adore ça. Donc pour moi, c’était inconcevable de ne pas participer à la conception des visuels. C’est Lise, ma copine, qui a fait la pochette de l’album puis j’ai géré les graphismes du livret. On aime ou on aime pas mais j’ai pris beaucoup de plaisir à le faire !

Visionnez le clip de “Lemonade” :

Peux-tu me parler de ton processus de création justement ? Est-ce que tu écris d’abord les textes, avant la composition, ou inversement ?

Cela va dépendre des moments. Je pense qu’il n’y a pas de bons conseils parce que c’est propre à chacun et le plus important, c’est d’être en accord avec soi-même. C’est-à-dire qu’une personne qui va vouloir créer une chanson peut d’abord commencer par une musique qui lui plaît ou par une phrase qui lui plaît. C’est comme ça que j’ai fonctionné pour cet album, je suis parti d’un phrase ou d’un air que j’aimais bien.

La chanson “Vida Loca” résonne comme un mantra à l’évasion, la quête d’un nouveau départ. Tu chantes “Ma chambre d’ado dépressive s’éclipse et laisse place à des premières de zénith”. Est-ce que la musique est libératrice, un exutoire pour panser des peines ?

La musique m’a aidé dans la vie. J’ai écrit cette phrase à une période de ma vie où j’étais en étude, mon groupe de musique venait de s’arrêter… J’étais simplement dans un lieu où je n’avais pas envie d’être. C’était important pour moi de parler de ça car au moment où j’ai rencontré l’auteur Chad Boccara, que j’ai fait des premières scènes et que je suis monté sur Paris, mon cadre a vraiment changé. J’ai pris conscience que je me sentais déjà bien mieux. Le mot dépressif est peut-être un petit peu fort dans la chanson mais je n’étais pas très heureux. Il y avait comme un mal-être.

Cela montre que tu te sens plus à ta place aujourd’hui, certainement plus épanoui dans ce métier d’artiste.

C’est exactement ça. Et cette chanson “Vida Loca” parle vraiment de ça, je suis devenu fou de cette vie de saltimbanque. Faire de la musique, c’est ce qui me plaît.

Beaucoup d’artistes confient néanmoins une certaine solitude dans ce métier, es-tu attentif à la constitution de ton entourage ?

Oui, l’entourage est très important parce qu’on ne fait rien tout seul. C’est essentiel de se sentir bien avec les gens qui nous entourent mais aussi d’être respectueux et qu’il y ait un équilibre qui se créait. Pour moi, ça a toujours été important d’être entouré, comme quand j’étais dans mon groupe de musique. C’est à partir du moment où le groupe s’est arrêté que j’ai commencé à me sentir mal et après, quand j’ai rencontré mon équipe et notamment Marso avec qui j’ai co-réalisé l’album et mon label, cela a reconstitué un nouveau groupe.

C’est important, dans tout ce qu’on fait, de se fixer un objectif et de l’atteindre au maximum

FOÉ

Tu avais passé les castings de la ‘Nouvelle Star’ en 2016. Quel souvenir gardes-tu de cette expérience et que dirais-tu au Foé plus jeune qui passait les auditions ?

Je lui dirais : fais ta vie ! Si c’était à refaire, je le referais. Je pense que c’est important dans la construction d’une carrière de ne pas renier les expériences passées, de ne rien cacher. Je touche du bois, j’espère avoir une carrière un jour ! Alors ça arrive, quand on poste une photo sur Instagram, de se dire que ce n’est pas possible de la garder mais d’un autre côté, c’est cool de suivre le parcours d’un artiste, de savoir d’où il vient et de voir l’évolution. C’est aussi ça qui inspire les gens, parfois plus que les albums.

Au début de notre échange, tu soulignais justement le souhait d’avoir un fil conducteur pour ce deuxième album. C’est vrai qu’à l’écoute du disque, la thématique de l’amour, avec la passion et ses interrogations aussi, est le fil conducteur. Est-ce que c’était délibérément souhaité d’évoquer très largement cette thématique ?

J’ai regardé quel était mon objectif avec cet album. Je voulais qu’il parle de ma relation amoureuse, qu’il soit hyper personnel et qu’il y ait une continuité entre les titres. Cet objectif a rythmé toute la la création du disque, je m’y suis tenu. C’est important, dans tout ce qu’on fait, de se fixer un objectif et de l’atteindre au maximum parce qu’au final, même si on ne l’atteint pas pleinement, il y a de la satisfaction quand on déroule le cheminement. Et c’est ça qui est beau ! Et je suis content parce que je pense avoir réussi. Cette construction était un vrai parti pris depuis le début mais je ne pensais pas y arriver au départ.

Il y a une vraie cohérence mais est-ce que tu as écrit des chansons que tu n’as alors pas retenu au final et que tu gardes en stock pour plus tard ?

En fait, j’ai un fonctionnement où je travaille d’abord en piano-voix. Et si je n’aime pas ce que je fais, je ne le produis pas du tout. J’ai des chansons qui ont été faites mais elles ne sont pas du tout aussi abouties que celles présentes sur le disque. Celles qui sont abouties, ce sont celles pour lesquelles j’étais fier et pour lesquelles le piano-voix me convenait.

Dans ce disque, il y a une grande richesse musicale avec des pistes fédératrices, d’autres très intimistes mais aussi des influences modernes et plus anciennes. Tu es inclassable mais n’est-ce pas une difficulté de ne pas être aisément associé à un style musical ?

Effectivement, peut-être que ça prendra plus de temps pour atteindre les gens et leur faire découvrir mon univers. Mais d’un autre côté, je suis tellement convaincu de mes chansons… Encore une fois, j’ai tout donné dans cet album. Je me dis que les gens finiront peut-être par le ressentir un jour.

Visionnez “Commun”, le nouveau clip de Foé :

Dans le titre “Rêve”, tu dis “Si tu ne rêves pas, tu ne vis pas”. je trouve que cette phrase résume bien cet album… Quels sont tes rêves pour la suite ?

D’abord, ce serait que cet album rencontre son public. Ce serait déjà formidable ! Aussi, j’aimerais pouvoir emmener ces chansons sur scène, rencontrer des gens et que ce projet prenne de l’ampleur pour pouvoir réaliser un troisième disque. Ce qui m’inspire aujourd’hui, ce serait d’avoir une carrière où je compose et j’écris pour les autres. C’est déjà ce que j’ai commencé à faire mais j’aimerais vraiment continuer dans cette lancée et aller plus loin. Aussi, j’aimerais travailler avec des réalisateurs pour créer des musiques de films. Je ne me pose aucune limite, il me reste beaucoup de choses à accomplir et j’espère que ce sera le début de quelque chose.

Où as-tu puisé l’inspiration pour écrire cette chanson “Rêve” ?

Quand je suis arrivé sur Paris, il ne s’est pas passé grand-chose pendant près d’un an. Partir de Toulouse pour gagner Paris a été une décision importante parce que la maison de disque et mon producteurs sont basés dans la capitale. Ma copine avait également envie de quitter Toulouse. Un soir, je me suis retrouvé dans les coulisses du Bikini, à Toulouse, avec Big Flo et Oli. Oli m’avait conseillé de monter à Paris pour poursuivre mon développement artistique. Je suis très casanier, j’aime être dans mon monde, mais beaucoup de choses m’ont incité à rejoindre la capitale. Pendant cette année de mou à Paris, c’était dur et je ne savais pas trop où j’en étais dans la conception de mon album. Je devais avoir six titres et il m’en restait encore beaucoup à créer. Cela me paraissait impossible. Je ne pensais pas y arriver, malgré mon objectif en tête ! Et finalement, je me suis dit que la prochaine chanson à réaliser, c’était un titre qui devrait me donner du courage. C’est comme ça que j’ai écrit “Rêve” !

Est-ce que tu eu as des moments d’angoisse dans ces situations où tu t’es dit que l’album ne verrait peut-être jamais le jour ?

Non, parce que j’avais vraiment envie de créer ce deuxième album. Par contre, je me dis parfois que ce deuxième disque sera peut-être le dernier. J’ai pas envie de faire quelque chose de moins bien ensuite.

Il y aura de nouvelles inspirations Foé !

Oui, c’est ça ! Mais tu vois ce que je veux dire quand tu fais quelque chose, que tu arrives à un stade et que tu ne te projettes pas du tout sur la suite. Quatre ans de travail, c’est énorme. Mais c’est pour ça que la composition de musiques de films pourraient m’intéresser, afin de travailler différemment avant de revenir avec un troisième album. Des carrières comme Benjamin Biolay, je trouve ça très inspirant.

Tu es dans une optique où tu veux prendre ton temps, à l’ère du digitale où tout s’accélère pourtant.

Oui, je vais faire mon chemin avec ce troisième album mais si ça se trouve, j’aurais une inspiration rapidement pour la suite et je souhaiterais la présenter rapidement mais je ne pense pas. Vu le temps que ça m’a pris !

C’est donc un album que tu vas emmener sur scène.

Oui, je monte actuellement sur scène au Comedy Club pour des concerts acoustiques en piano-voix. Je voulais quelque chose de très simple. Sur le premier album, il y avait beaucoup de machines et là je souhaitais quelque chose sans fioritures.

Retrouvez Foé au Comedy Club le 17 octobre ainsi que les 7 et 14 novembre.

Les instruments occupent une place très importante dans ce disque, notamment à travers les interludes mais aussi avec des outros magnifiques. Est-ce que la musique est au service de l’émotion ?

Complètement. Le but était de construire une œuvre complète, il faut dérouler une histoire en musique. Cela aurait pu être intéressant de dérouler cela à l’aide des textes mais je pense que je ne suis pas suffisamment un grand auteur pour faire ça. Je suis davantage un compositeur en réalité, même si j’aime poser les mots mais cela demande une énergie plus intense que de créer de la musique. Les interludes sont venues assez rapidement, c’était très fluide. C’est un album musical, au service de l’émotion. Quand tu écoutes les chansons de Michel Legrand, ce sont des grands thèmes musicaux et je trouve d’ailleurs que la musique est plus transcendante, plus forte que les textes.

Pour conclure, quels arguments choisirais-tu pour convaincre le public d’écouter ton Paradis d’or ?

Si vous voulez un album pour vous guider jusqu’à l’été prochain et pour traverser la grisaille, je vous conseille Paradis d’or ! C’est un album fait avec amour et avec la plus grande bienveillance du monde.

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