Malory en interview : “Être auteur pour les autres, c’est un peu un travail de skyzophrène”

Exclusivité aficia

À l’occasion de la sortie de son nouveau clip Attrappe-cœurs, nous avons échangé avec Malory sur son passé artistique, sa nouvelle mixtape et ses futurs projets. L’interview est à lire sur aficia !

Yohan Malory a beaucoup écrit pour les autres (M Pokora, Louane, Jenifer, Yodelice…). Désormais, il se recentre sur lui-même au sein d’un projet très personnel et qui lui tient à cœur.

En attendant de dévoiler plus tard dans l’année un album, Malory publiait en janvier dernier une mixtape baptisée Métropole Blues, avec de belles collaborations (Yseult, S.Pri Noir, Claire Laffut…). Un projet étonnant que l’artiste est venue exposer auprès de la rédaction d’aficia.

Malory : l’interview…

Cela fait maintenant près de dix ans que tu es dans l’industrie du disque. Avant d’avoir publié ton dernier album, tu as écris pas mal de tubes pour M Pokora (“Les planètes”) et “Maman” pour Louane… Comment arrive-t-on à donner sa confiance à des artistes comme ceux-là ?

Quand j’ai démarré la musique, je n’ai pas commencé par écrire pour les autres. J’avais déjà mon projet pour moi. J’avais sorti un premier EP chez Universal. J’étais dans le même label que Jenifer. Elle avait écouté ce que je faisais pour moi à l’époque. Elle avait bien aimé. On avait des directeurs artistiques qui nous ont mis en relation. On s’est rencontré comme ça.

Qu’est-ce que cela te t’apporte d’être un auteur à succès ?

Être auteur pour les autres a été pour moi une façon d’assouvir des fantasmes d’écriture que je ne pouvais pas faire pour moi. En général, quand j’écris pour une fille, on peut beaucoup plus être direct dans les sentiments. C’était un style d’écriture qui m’a beaucoup plu. Delà, j’ai commencé à avoir plusieurs succès. J’ai eu plusieurs demandes et cela s’est enchaîné comme ça. Ça m’a permis d’aller en profondeur et d’être sincère. C’est un peu un travail de skyzophrène, où tu te mets dans la peau de quelqu’un d’autres. Le plus dur, quand on travaille pour les autres, c’est de réellement se mettre à la place de la personne et d’extérioriser ce qu’elle a au fond d’elle, tout en faisant croire que c’est elle qui a écrit le texte. 

Johnny a été l’exercice le plus compliqué parce que c’est un choix très particulier des mots.

Malory

Tu as même écrit les titres Pardonne moi, Un enfant du siècle et Je ne suis qu’un homme, sur l’album posthume Mon pays c’est l’amour de Johnny Hallyday… La pression est d’autant plus grande j’imagine ?

Exactement. Johnny a été l’exercice le plus compliqué parce que c’est un choix très particulier des mots. Il y a un champ lexical à respecter. On doit être profond et simple en même temps pour que tout le monde comprenne le texte facilement. Ça, c’est très important. C’est un travail très compliqué et très intéressant en même temps. On s’est enfermé trois jours en studio avec Hervé à travailler. On a fait trois nuits blanches pour écrire des chansons.

Tu as signé il y a quelques mois deux petits succès avec ton projet perso. Est-ce frustrant d’écrire des chansons qui deviennent des tubes pour les autres et ne pas voir sa propre carrière décoller ?

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Ha non pas du tout ! (Sourire) Ce n’est pas du tout les mêmes attentes quand je travaille pour moi et pour les autres. Quand je travaille pour des artistes connus, il y a une sorte de pression générale, avec une pression de résultat. C’est une bouffée d’oxygène. C’est comme un bonus. Je me fait plaisir avant tout. Je ne me mets aucune barrière. Je laisse s’exprimer ce que j’ai en moi comme ça, sans aucun cadre. Quand je travaille pour les autres, j’ai un cadre, une pression de résultat, il faut que ça passe à la radio, en TV… Il faut qu’on l’entende ! Quand c’est pour moi, si ça passe à la radio et en TV j’en serai très heureux mais ce n’est pas ce que je recherche en étant en studio.

Tu dirais que ce sont deux types de travaux complémentaires ou distincts ?

Je dirais plutôt distincts. Ce n’est pas du tout le même processus d’écriture, de recherche artistique. Je ne recherche pas le tube à tout prix quand je travaille pour moi. C’est du plaisir avant tout. J’essaye de regrouper toutes mes influences. C’est aussi pour cela que j’ai mis du temps à sortir une première mixtape car quand tu travailles pour les autres pendant longtemps, tu finis par prendre une certaine habitude, celle d’être un peu en retrait, de mettre un peu tes goûts de côté pour mettre ceux de l’artiste en avant. Quand c’est pour moi, c’est différent. Quand j’ai une idée qui arrive, je la sors comme ça; sans me demander si ça va plaire. Si ça plaît tant mieux, si ça ne plaît pas tant pis !

C’est aussi une façon pour toi de te livrer d’une manière totalement différente ?

Quand je travaille pour moi, c’est mon histoire. Je raconte ma vie, mes relations, le rapport aux choses. J’essaye de rendre la forme intéressante. J’essaye de mélanger des sonorités et mes influences qui sont totalement différentes par rapport à ce que je fais pour les autres. C’est vraiment mes goûts à moi. Quand je travaille pour M Pokora ou Jenifer, je mets mon savoir à disposition mais ce n’est pas ce que j’écoute toute la journée chez moi. C’est vraiment un métier à part d’écrire pour les autres. Je me mets à disposition de l’artiste.

J’imagine que tu as un joli carnet d’adresses désormais. Tu aurais pu contacter M Pokora, Yodelice ou Lilian Renaud sur un de tes propres morceaux ?

Non (Rires). Ce sont des univers qui ne se mélangent pas. Il y a des artistes qui peuvent rentrer dans cette case comme tous les feats que j’ai sur ma mixtape, comme Yseult ou S.Pri Noir. Mais des artistes comme Lilian Renaud qui n’ont rien à voir avec moi, ça va être très compliqué de faire quelque chose ensemble.

Il n’y a pas vraiment de cadre à ma musique

Malory

Justement, on parle de ta mixtape. Musicalement elle est très variée, même en termes de collaborations (Yseult, S.Pri noir, Claire Laffut…). Comment définis-tu ton style finalement ?

Ce que je trouve intéressant finalement, c’est que comme j’ai l’expérience du rap et de la chanson, je trouve ça plaisant de créer un pont entre les deux. C’est un peu ce que j’ai essayé de faire sur ce projet. Ce que j’aime c’est que sur certains titres il y a des influences caribéennes, d’autres au piano, d’autres des chansons plus urbaines, d’autres plus funk à la The Weeknd… Ce que je trouve intéressant c’est de mélanger des influences en invitant des gens comme S.Pri Noir et créer un mélange entre ces musiques là. Il n’y a pas vraiment de cadre à ma musique. C’est davantage des mélanges de styles. 

Claire Laffut, Yseult…ces artistes-là, ce sont avant tout des amis avant d’être des artistes ?

Oui, ce sont tous des potes. De toute façon, je n’arriverai jamais à collaborer avec des personnes par intérêt si jamais je ne m’entends pas bien avec la personne. Je n’aime pas trop ces rapports dans la musique.

La création de ta mixtape Métropole Blues t’a pris beaucoup de temps. Est-ce un projet qu’il y a fallu mûrement réfléchir pour ne pas faire d’erreur ?

J’ai mis énormément de temps car il fallait que je retrouve mes réflexes, que je me détache du style d’écriture que j’avais pour les autres. J’ai un besoin de sincérité dans ma musique. Dès que je trouvais que c’était trop réfléchi, pas assez sincère ou trop ‘marketé’ en amont, je ne pouvais pas aimer la chanson. J’avais besoin de me détacher de tout ça. Petit à petit, ça s’est fait. Le début était trop chanson, après c’était trop rock… ça me ressemblait, mais pas totalement. C’était vraiment une question de dosage. Par exemple, avant de mettre de l’auto-tunes, il y a fallu que je trouve vraiment le bon dosage entre ce cliché rap que l’on a tous et ce que je voulais vraiment.

Tu mêles parfaitement des textes français à des sons très urbains. Est-ce une façon pour toi de montrer tout l’étendue de ton univers ? 

C’est exactement ça. Ma première passion c’était le rap quand j’étais plus jeune. Par la force des choses, je me suis ouvert à la chanson. C’est vraiment deux parties de moi. Et c’est d’ailleurs ce qui m’a fait hésiter longtemps parce que je me suis dit que j’aimais les deux mais est-ce que les gens vont comprendre que j’aime les deux : “M’attendent-ils pas sur du rap ou que de la chanson ?”. C’est ce que je me suis dit. Au final, je me suis dit qu’il fallait que je mélange les deux pour que je me sente bien.

Cela fait près de 15 ans que tu es dans cette industrie du disque. Recherches-tu la notoriété aujourd’hui ?

Pour l’instant, je n’ai pas besoin davantage de visibilité. J’ai envie que cela se fasse naturellement. Je sais ce qu’il faut faire pour passer en TV et à la radio. Je connais le système. Mais moi, j’arrive à vivre de la musique aujourd’hui, comme il faut. Je ne suis pas à la recherche de succès immédiat. J’ai envie de prendre le temps qu’il faut pour faire la musique qui me plaît, d’être à l’aise avec ça. Et puis si ça plaît aux gens, la visibilité viendra naturellement. C’est comme ça que je vois la chose. Aujourd’hui, il y a de très beaux médias qui s’intéressent à moi. Même si c’est pas TF1, NRJ et M6, quoi que M6 ont joué mes titres au début.. Ce que je veux dire, c’est que ce n’est pas grave si ce ne sont pas les grosses machines qui me diffusent en boucle tous les jours. Tant qu’il y a des médias que je trouve moins intéressant mais qui correspondent à ma musique, qui me diffusent, qui parlent de moi, et surtout qu’il y ait un public qui se crée autour, c’est génial.

La mixtape est une sorte de présentation de ce que j’aime, de ce que je suis capable de faire.

Malory

Le public a toujours réussi à suivre et comprendre tes orientations ?

Évidemment, au début, les gens s’intéressent au travail que je faisais pour les autres et ils s’attendaient probablement à ce que je fasse pareil pour moi. Alors forcément, certains étaient déçus et je n’ai pas réussi à fidéliser ce public. Ça a mis du temps pour reconstruire mon univers et faire entrer les gens à l’intérieur.

Ton nouveau clip “Attrape-cœurs” vient de sortir. Est-ce que tu peux m’en parler ? 

“Attrape-cœurs”, c’est une histoire d’amour et cela raconte la difficulté d’un couple de faire durer la passion, car souvent, ça s’essouffle un peu, ça tourne en rond. Il y a aussi un clin d’oeil à l’auteur J. D. Salinger pour son roman “L’attrape cœur”, que j’adore et qui m’a vraiment marqué. Une chanson d’amour un peu torturé.

La suite pour toi, c’est quoi ? 

Normalement j’avais des concerts et des festivals au mois de mai… Donc je ne sais pas ce que ça va donner. Si je sens que cela dure, on va annuler les dates et je vais partir sur un premier album. La mixtape était une sorte de présentation de ce que j’aimais, de ce que j’étais capable de faire. J’ai envie de préciser l’album, de lui donner une vraie couleur. Pour répondre à ta question de tout à l’heure sur le manque de visibilité, je pense que cet album sera un peu plus clair, un peu plus classe, plus précis aussi. Auprès des gens, ça sera plus simple de me positionner. 

aficia étant précurseur de nouveaux talents, as-tu un futur talent à faire découvrir au lectorat ?

Je pense à un rappeur que j’ai invité sur ma mixtape qui s’appelle Hok. Il n’a encore rien sorti hormis le titre “Tsunami Amor” de ma mixtape. Mais c’est vraiment un talent auteur compositeur. Il commence à écrire pour les autres et il va sortir un projet très très vite. J’ai un coup de cœur pour lui et je pense que je vais l’aider à sortir son projet. C’est un gros gros talent à suivre !