Melodie Lauret - © Sarah Balhadere
Melodie Lauret - © Sarah Balhadere

Mélodie Lauret en interview : “Il est impossible de contrôler l’émotion des gens…”

À l’occasion de la sortie de son premier EP, aficia a rencontré Mélodie Lauret, nouveau nom de la chanson française. L’occasion d’échanger sur ses sources d’inspiration, son envie de décloisonner les arts, le féminisme… Confidences !

Mélodie Lauret fait partie des belles découvertes d’aficia en 2019. Jeune artiste de 20 ans à peine, elle a commencé par le théâtre avant de se rendre compte que la musique allait également occuper une grande partie de sa vie.

Pour se présenter au public, la chanteuse vient de lever le voile sur un premier EP, 23h28, plus que prometteur. À l’occasion de cette sortie, nous avons pu interroger l’interprète de “Quand j’entends les gens” sur sa passion pour le théâtre et la musique, ses influences, l’engagement chez les artistes…

Mélodie Lauret : l’interview…

J’ai cru comprendre que tu avais commencé par pratiquer le théâtre… Comment en es-tu arrivée à la musique ?

Effectivement, j’ai commencé le théâtre très jeune et j’ai tout de suite voulu rester sur scène le plus longtemps possible. Idéalement, toute ma vie. Je me suis donné le maximum de moyens pour occuper la scène, exploiter mes émotions que je trouvais et trouve particulièrement fortes et de pouvoir les canaliser dans quelque chose, sans forcément parler d’une visée thérapeutique. Les mettre en mots et en chanson m’a paru être la manière la plus naturelle. J’ai commencé, de façon assez informelle, en ayant eu quelques groupes et lorsque mon premier groupe s’est arrêté, je me suis lancée toute seule en me rendant compte que j’avais les clés pour faire des choses et que le meilleur moyen de les faire c’était de ne pas attendre les personnes, un aval ou des occasions particulières. C’est à ce moment-là que je me suis mise à mon piano, j’ai commencé à composer des chansons et j’en suis ici maintenant.

Quels sont les artistes qui t’ont donnée envie de faire de la musique ?

Je suis une très grande fan de chanson française de toutes les époques et de tous les genres. J’ai des grands noms comme Barbara, Gainsbourg, Aznavour, Piaf… La liste ne pourra pas être exhaustive ! Et j’ai aussi aimé les artistes qui sont plus de mon époque. J’ai eu des phases avec Camélia Jordana, Brigitte… Mais je n’estime pas que des artistes m’aient vraiment inspirée. C’est ma vie, mon quotidien et mes émotions qui m’inspirent. Bien sûr que j’ai des goûts musicaux qui me donnent envie de faire des choses qui vont dans cet univers mais des chanteurs et des personnalités ne vont pas m’inspirer, leur musique oui.

J’ai l’impression qu’il y a beaucoup d’instantané dans ta façon d’écrire et de t’exprimer. Peux-tu me parler un peu de ta façon de travailler ?

Je suis assurément une personne féministe dans la mesure où c’est absolument vital d’être féministe dans notre époque.

Comme tu le dis, j’écris toujours de manière très spontanée et assez rapide. Je vis un moment, j’ai juste quelque chose en tête ou je ressens une émotion et il faut tout de suite que ça existe sur un papier ou dans mon téléphone, mais que ce soit écrit avec des mots. C’est, selon moi, la manière la plus naturelle et immédiate de ma pensée et de mon émotion. Assez souvent, j’ai une phrase qui me trotte en tête et qui est déjà assez musicale. Mon travail le plus conscient, c’est de lui trouver une suite et de créer un déroulé. Il n’y a pas de moment précis où je vais me dire “Ah tiens, je vais écrire une chanson sur le thème de la paix dans le monde”. Je ne travaille pas avec l’idée d’un sujet ou d’une structure en tête. Ça va se faire assez naturellement et ça va prendre des formes en fonction des moments. Ça peut être très direct avec une expression orale très parlée et brute et à d’autres moments, ça va être plus chanté avec une structure plus classique composée de couplets et de refrains. Effectivement, c’est souvent très immédiat.

Est-elle la même dans le théâtre ?

Je n’ai jamais quitté le théâtre et je pense que je ne le quitterai jamais. Et c’est la même chose pour la musique. Selon moi, ces différents arts sont aussi là pour être mélangés et sans autant de frontières. Je n’ai pas envie de me dire qu’il y a des éléments qui appartiennent au théâtre et d’autres, à la musique. Je crois que mon univers est en train de se créer et j’ai envie de réunir ces pratiques, de les mettre dans une petite partie de ma vie. Tout est en train de s’embrasser, de danser ensemble et c’est très cool comme ça. Tout est intimement lié donc je n’arrive pas trop à savoir ce qui est à mettre avec la musique ou avec le théâtre. C’est surtout pour mon rapport à la scène que ça change. Comme je viens du théâtre, je suis beaucoup plus habituée à être sur scène par rapport à une personne qui fait de la musique uniquement en studio et qui arrive sur scène. Cette approche de la scène, je l’ai plus que du studio et de ce qu’il se passe en coulisses.

Ton EP sort ce vendredi 29 novembre, comment aimerais-tu que les personnes vivent ta musique ?

De la manière qui leur appartient. Je n’ai pas envie de leur dicter quoique ce soit et je pense que chacun réagit d’une manière très différente à tout support artistique. Quand on regarde un film, une pièce de théâtre ou que nous lisons un livre, il y a des moments, pour l’auteur ou l’autrice, qui sont les moments-clés du rire ou des larmes. Mais en réalité, ça appartient à chacun car tout le monde a sa propre histoire et son propre vécu. Il est impossible de contrôler l’émotion des gens. Par exemple, “Elles avaient 15 ans” ou “Quand j’entends les gens” qui, pour moi, sont des chansons d’émotions et potentiellement tristes, peuvent rendre les gens joyeux. Ça appartient à chacun et, à aucun moment, je dicterai son émotion et sa réception à l’auditeur. Je veux juste que ce soit la manière qui leur apparaît la plus naturelle et la plus spontanée possible. Comme j’écris mes chansons.

Quand j’entends les gens

Sur tes deux premiers singles, il est beaucoup question de la nuit. C’est le moment que tu préfères dans les 24 heures que dure une journée ?

Ce n’est pas forcément celui que je préfère mais je trouve que c’est un moment qui est très particulier et rempli de paradoxe dans la mesure où je trouve que c’est beaucoup plus calme que la journée. Il y a beaucoup moins l’effervescence des gens. Il y a une sorte de calme et, en même temps, il y a une montée d’angoisses et de pensées qui sont dues au fait que l’on se retrouve seul avec son esprit et son repos. Il y a aussi une dimension très intime liée à la nuit parce que nous n’y voyons pas forcément les mêmes personnes que pendant la journée. Il y a un aspect plus choisi. Personnellement, c’est un moment durant lequel je vais avoir plus d’inspirations et je vais avoir plus de matière à les exploiter.

Dans tes chansons, tu abordes beaucoup le sujet de l’amour…Quel est ton mot ou expression d’amour préféré ?

Je trouve que l’amour est un thème si vaste, sans limites et un sentiment à la fois universel et unique que c’est très compliqué de devoir choisir un seul mot. J’ai envie de me dire que je ne pourrai jamais les épuiser. Manquer de mots est l’expression qui résulte le mieux dans cette situation.

Le féminisme est un sujet très présent dans notre société actuellement. Penses-tu être une artiste féministe ?

Je suis assurément une personne féministe dans la mesure où c’est absolument vital d’être féministe dans notre époque et dans toutes les autres. Je crois que c’est le chemin le plus naturel et normal à emprunter. Ça serait assez paradoxal et un peu à côté de la plaque de ne pas l’être. Ce mot enveloppe beaucoup et pas assez de choses.

Il est aussi de plus en plus question d’un engagement chez les artistes… Selon toi, cet engagement est-il indispensable chez les artistes ?

Je pense qu’à partir du moment où on est un personnage public, on se doit de porter une parole. Il est inutile de porter une parole qui ne nous convient pas ou qui ne nous représente pas. Je porte les paroles qui me représentent et qui sont les miennes sans me définir comme militante ou activiste. Je suis simplement qui je suis et dès cet instant, c’est un engagement. Être une femme dans la société actuelle, c’est déjà un acte militant et ça suffit presque à soi-même pour être un engagement et être porte-parole sans avoir à prendre la parole dans un débat. C’est déjà être engagée…