Saïkaly en interview : “Cette idée de liberté est grisante”

À l’occasion de la sortie de son nouvel album Quatre murs blancs , Saïkaly a bien voulu répondre à nos questions. Découvrez notre interview sur aficia.

Saïkaly, aka Mathieu Saïkaly, nous l’avons découvert dans ‘Nouvelle Star’ il y a maintenant six ans, télé crochet qu’il avait gagné. Malgré un parcours exceptionnel, le jeune artiste alors signé chez Polydor a mis fin à son contrat de façon à l’amiable pour créer son propre label indépendant afin de sortir son deuxième album Quatre murs blancs. Sont ainsi extraits “Je ne me souviens de rien”, “Jeux d’ombres” ou encore “I Don’t Want” notre petit coup de cœur.

Comme il nous l’expliquera au cours de cet échange fort intéressant, la route a été longue et sinueuse. Mais peu importe, Saïkaly est fier du projet qu’il propose aujourd’hui, un projet authentique, réfléchi et musical.

Saïkaly : l’interview…

Que de chemin parcouru depuis 2014 ! Il y a eu des hauts et des bas. Comment résumes-tu 5 années de musique ?

En quelques années, je suis allé un peu dans tous les sens !

(Sourire) Pas facile comme question ! Disons que j’ai pris des risques. C’est toujours ce que j’ai voulu faire dans ma démarche artistique. Cela a toujours été d’explorer quelque chose et laisser une part d’inattendue en remontant à ‘Nouvelle Star’. J’y suis allé sans m’attendre à rien et j’ai été surpris.

Puis, il y a eu “Les garçons manqués” avec Nicolas Rey où on a fait un an de chronique sur France Inter et deux spectacles. C’était quelque chose de complètement insoupçonné mais ça m’a donné envie. C’était quelque chose que je ne connaissais pas. C’était un vrai risque. Et puis après, de passer de major à label indépendant, pareil, je suis allé beaucoup vers l’inconnu aussi. J’ai eu un petit rôle dans un film aussi. Ça a donné suite à mes années d’études de théâtre, donc c’était cool. Oui, je suis allé un peu dans tous les sens c’est vrai (Rires).

On se souvient de toi comme un personnage un peu foufou dans ‘Nouvelle Star’. Est-ce que ce personnage a évolué aujourd’hui ?

Je pense que j’arrive juste à me canaliser car mon énergie partait chaotiquement un peu dans tous les sens. C’était bien aussi, ça a fait naître des trucs super. Aujourd’hui, je me concentre mieux. Je me connais plus, donc je sais aller à fond dans une direction. Quand je vais être plus calme, plus intime, je vais être à fond là-dedans alors que quand je vais être plus drôle et plus explosif, j’ai l’impression de pouvoir pousser les curseurs encore plus loin qu’avant. 

Tu as crée ta propre structure baptisée Double Oxalis. Qu’est-ce qui t’a poussé à cela ?

Je ne voulais plus broyer du noir, je voulais avancer !

C’était vraiment un besoin de temps en fait. En 2016, cela a été compliqué avec Polydor, avec tout ses changements, de nouvelles personnes qui arrivaient et qui partaient… J’ai eu l’occasion d’échanger avec le dernier patron de Polydor. C’était vraiment quelqu’un de cool, mais c’était trop compliqué de tomber d’accord sur le projet. Ils avaient une nouvelle politique et quant à moi, j’avais une direction particulière, donc il fallait vraiment me suivre. Ce rendez-vous était impossible entre nous.

Le contrat s’est interrompu à l’amiable donc ?

On est juste tombé d’accord pour arrêter le contrat. A partir de là, je me suis dis comment allais-je faire ? Je ne voulais pas signer à nouveau avec une maison de disques et perdre encore 45 ans. Du coup j’ai créé ma propre structure et ça m’a pris un bon 35 ans ! (Rires). Ça a vraiment pris mille ans… C’est un peu mon manager qui m’a conseillé de faire ça. J’étais un peu perdu à cette période-là, du coup j’ai suivi son conseil. C’était un vrai pari aussi. C’était simplement pour avancer aussi, ne pas stagner et ne pas broyer du noir… 

N’est-ce pas une façon de s’opposer aussi aux codes imposés par cette industrie musicale toujours plus complexe ? 

C’est sûr que tu as davantage de liberté quand tu es indépendant. Mais tu peux avoir de la liberté et n’être écouté par personne (Rires), et c’est dommage ! Cette idée de liberté est grisante. C’est hyper cool d’aller au bout d’une idée. Pour le coup, ça m’a permis de développer mon concept, là où je voulais aller. Mais c’est difficile de l’exposer. C’est pourquoi j’ai toujours envie de m’associer à un label avec ce qu’on appelle un contrat de licence pour qu’ils s’occupent de la promotion et de la distribution. 

En fait, tu veux tenir les rênes du projet, tout en déléguant la partie promotion ?

Tout le monde est devenu frileux !

J’aime beaucoup le concept d’être producteur, de produire la musique car de nos jours c’est beaucoup plus simple de produire sa musique avec un budget beaucoup moins important qu’avant. Mais c’est vraiment le truc de mettre sa musique en avant qui n’est pas toujours simple.

À quel point c’est devenu difficile d’exister aujourd’hui quand on fait moins de 100.000 vues sur YouTube ?

C’est juste difficile ! (Rires) Ce qui est dommage c’est que j’ai l’impression que les chiffres biaisent les prises de décision. Il faut forcément avoir au moins, et encore 100.000 j’ai l’impression que c’est pas encore suffisant, mais qu’il faut être à 300.000 écoutes pour au moins tendre l’oreille. Du coup, ce que je trouve dangereux, c’est que ça diminue la prise de risque. Tout le monde est un peu plus frileux, que ce soit au niveau médiatique ou professionnel. C’est difficile d’avoir une vraie opinion en fait. En même temps je peux comprendre, il y a des milliards de propositions. Les chiffres font naturellement un écrémage. Mais comment trient-t-ils ? Les chiffres sont parfois flous, avec les systèmes de publicités qui ramènent des vues, mais on ne sait pas trop qui regarde… Donc c’est difficile, mais il y a encore des gens qui croient encore au potentiel d’une musique et qui s’arrachent pour ça et c’est avec des gens comme ça que je travaille, même si je ne suis pas encore une mine d’or pour eux. 

Y-a-t-il une sensation de frustration ?

Oui, on a l’impression qu’on ne nous donne pas notre chance. Tout le monde a le droit de ne pas aimer, tout le monde a le droit de dire “c’est nul”. Mais parfois, tu as l’impression d’être face à un mur car quand tu n’as que 20.000 vues, admettons, tu es automatiquement mis de côté. C’est frustrant, mais c’est comme ça. Tu te dis pourquoi te casser la tête à faire un projet aussi personnel comme ça. Je m’interroge parfois. C’est peut-être juste le projet qui est juste à côté de la plaque ? (Rires). Il y a toutes ces questions qui viennent quand tu n’as pas le succès attendu. Peut-être que ton album était de la merde, en fait ? (Rires). Heureusement, je reçois aussi pas mal de messages positifs et touchants des gens qui me suivent. Ils se connectent à la musique de la façon dont j’aimerais que ça connecte. Au fond, je sais que ce deuxième album est spécial. Mais je demande juste qu’il trouve une place, et non pas qu’il soit numéro un des ventes dans le contexte actuel. Mais juste qu’il arrive à exister… 

Raison de plus pour essayer de produire un titre fort non ? Ce n’est pas ce que tu as essayé de faire avec  “I Don’t Want” ?

Je pense que je suis en train d‘affiner mon art par rapport à ça. Le dernier titre que j’ai sorti de mon deuxième album est un titre que j’ai écrit en 2017, donc c’est un peu vieux. Depuis, j’ai beaucoup évolué dans mon écriture. J’essaye d’allier quelque chose d’accessible, de mainstream comme on dit, où on a pas forcément besoin d’être musicien pour comprendre la musique. Cette vision-là me plaît beaucoup. Mais en même temps, j’apporte un côté très recherché où il y a une prise de risque, d’inattendue. J’essaye de concilier les deux. Mais c’est difficile. C’est un challenge personnel. Réussir à signer un tube avec ces exigences-là c’est difficile. Dans cet album, il y a cette approche populaire et personnel. Il y a des morceaux où je me suis dis “Ah, celui là il touche quelque chose”.

J’ai l’impression que “I Don’t Want” en est le parfait exemple, non ? 

C’est ça ! Quand j’ai finis des morceaux comme “I Don’t Want” ou “Je me souviens”, je me dis que ce sont des morceaux comme des portes d’entrées. C’est un peu ça dans “Jeux d’ombres”, mais en même temps, j’étais absolument fou à l’époque, c’est l’un de mes morceaux préférés dans l’album, mais sa structure n’est pas usuelle. C’est déjà trop compliqué en fait. C’est beaucoup ça mon travail : arriver à simplifier sans me bêtifier, sans rendre idiot une musique, juste garder l’essentiel, à savoir l’émotion, le reste on s’en fou !

Ce titre, ce clip, ce sont des moyens de faire ta révolution en musique ?

Je suis content d’avoir saisi quelque chose de spécial et d’être allé au bout de mon idée

Grave ! Tous à l’Élysée ! (Rires) Plus sérieusement, oui. J’aime beaucoup parler dans mes chansons de choses qui me tiennent à cœur. Je voulais une manière d’illustrer ma chanson. Cette chanson, c’est un refus direct d’une manière d’être. Je ne suis absolument pas un donneur de leçon mais je voulais poser des questions. Je voulais montrer par l’exemple, c’est comme ça que j’aime convaincre en fait. Je voulais moi, faire, et si cela inspire, peut-être que certains suivront le même chemin. L’idée des enfants, je l’avais déjà depuis un moment, je trouvais ça intéressant que ce soient eux qui chantent cette grosse voix. C’est d’ailleurs dans cette chanson où je chante le plus puissamment.

L’idée de révolution, c’était quelque chose qui te tenait à cœur sur cet album ?

L’idée de révolution est hyper importante et à tous les niveaux. Révolution personnelle ou extérieur. L’idée de révolution est quelque chose de permanent. C’est un peu cette idée que développe Camus dans le Mythe de Sisyphe. Il dit que l’état de révolution peut être permanent dans un être, c’est toujours aller chercher à se surpasser, et c’est un système qui va forcément un peu tomber. C’est pour ça qu’il faut le redresser. C’est quelque chose de cyclique. Dans notre système actuel et un peu tout ce qu’on a connu depuis l’histoire de l’Humanité, pour moi l’état révolutionnaire est constant autant d’un point de vue personnel, qu’extérieur.

Tu as dévoilé ton deuxième album Quatre murs blancs il y a quelques semaines. Quelle est ta satisfaction autour de ce projet?

Il a plein de défauts cet album. Quand je le réécoute, je me dis qu’il y a plein de choses qui vont pas.

Le but de cette question était de vendre ton projet Mathieu ! (Rires)

(Rires) Oui ! Par contre, je trouve qu’il a quelque chose d’assez unique, spécial.  J’ai l’impression d’avoir saisi un truc peu spécial. Quand on est touché par cet album, il y a une connexion qui se fait. Je suis content d’avoir saisi ça. Égoïstement, je suis allé au bout d’une idée. Je suis soulagé d’avoir fait ça. Avec cet album, je suis allé chercher en profondeur quelque chose d’un peu moins drôle mais maintenant, ça m’a libéré j’ai l’impression. Mes nouvelles idées naissantes sont faites avec plein de sourire, d’explosion, de folie espiègle. Je suis content car avec ce deuxième album, j’avais besoin de sortir un aspect de moi. J’ai l’impression de devoir le faire pour me sentir mieux.

Dernière question, tes projets à venir ?

J’ai écris beaucoup de choses. J’ai des projets qui se dessinent. J’avance différents projets. Je suis en train de choisir lequel je veux défendre. Disons que j’ai à peu près quatre projets dont deux que j’ai à peu près finis les phases d’écritures. Après, ce sont des histoires de mixages. J’attends un peu avant de choisir. Tout tourne autour de la musique. J’ai des idées de spectacles mais c’est tellement loin que je veux pas encore en parler.

– Saïkaly –
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