Abou Tall (c) DR

Abou Tall en interview ‘Sans filtre’ : « Ma musique me ressemble aujourd’hui »

Quelques mois après la parution de son dernier album, Monsieur Saudade, où il mêle habilement rap et bossa nova, Abou Tall se confie sur cette expérience inédite. Il revient également sur sa carrière, riche de plus de dix ans. C’est à découvrir sur aficia !

Ancien membre du duo The Shin Sekai, Abou Tall a toujours su prouver qu’il faisait partie de l’élite du rap français. Que ce soit par ses textes ou sa maîtrise technique – notamment sa capacité à rapper à une vitesse impressionnante –, le Parisien excelle et son expertise musicale n’est plus à prouver. En février dernier, il a toutefois pris le pari audacieux de renouveler son style en se tournant vers la bossa nova, sans pour autant abandonner la poésie et l’essence de son rap. Avec Monsieur Saudade, son deuxième opus, Abou Tall opte pour la prise de risque et le mélange des styles, célébrant l’amour sous toutes ses formes dans une esthétique soigneusement élaborée. À son image.

L’interview sans filtre d’Abou Tall :

Qu’est-ce qui vous a poussé à explorer cette toute nouvelle direction artistique entre le rap et la bossa nova ?

En fait, j’ai une passion secrète pour la bossa nova depuis la fin de mon adolescence. J’ai toujours aimé la bossa nova et la musique brésilienne en général, mais je ne savais pas vraiment comment les intégrer à mon rap et à ma musique. Tout a changé le jour où j’ai décidé d’apprendre la guitare. C’est cet apprentissage, il y a plus de quatre ans, qui m’a permis de faire le lien entre les deux.

Un jour, je suis tombé sur de la bossa nova et ça a été le coup de foudre.

Abou Tall

Et quel est votre rapport avec le Brésil de manière général ?

Je suis vraiment passionné par la musique de ce pays. Mon entrée dans la culture brésilienne s’est faite par la musique. Un jour, je suis tombé sur de la bossa nova et ça a été le coup de foudre. J’ai immédiatement aimé. J’ai écouté tous les grands artistes de bossa nova, ainsi que ceux de la samba et d’autres genres de musique brésilienne. C’est là que se trouve mon lien. J’ai eu la chance de visiter le Brésil, une destination dont je rêvais depuis longtemps. Vivre la musique brésilienne en direct a rendu ce voyage vraiment spécial pour moi. Et la bossa nova c’est vraiment la joie, le partage, un peu de nostalgie, mais surtout beaucoup d’amour.

Quel a été processus de création de cet album Monsieur Saudade ?

Le processus de création a vraiment commencé lorsque j’ai appris la guitare. Cet instrument m’a permis de fusionner le rap que je faisais avant avec le RnB et la bossa nova. Cela signifie que je peux être chez moi, trouver quelque chose d’intéressant à la guitare, et commencer à écrire directement. C’est un processus créatif que j’ai répété plusieurs fois et qui m’a conduit à ce projet. Tout en a découlé.

Pour la composition, j’ai gardé mon équipe habituelle, composée de BlackDoe, Yannick Péraste et Nyadjiko. J’ai eu aussi l’occasion de travailler avec des musiciens brésiliens, notamment une musicienne brésilienne appelée Julia R., sur l’intro et le morceau « Monsieur Saudade ». C’était important pour moi de collaborer avec des artistes brésiliens, et je suis très fier du résultat.

Votre album évoque la saudade, ce sentiment de nostalgie profonde. Pouvez-vous nous expliquer l’histoire et le choix derrière ce titre et ce thème d’album ?

Le choix de ce titre d’album se base effectivement sur ce mot « saudade », qui représente parfaitement la bossa nova. Cette musique est à la fois rythmée et très triste à la fois. Une contradiction dans les émotions. Et la saudade c’est ça. Elle exprime cette nostalgie heureuse plutôt que de la simple tristesse. Je trouvais que ce mot résumait le mieux l’essence de la bossa nova. En plus, c’est un terme magnifique en lui-même, au-delà de tout cela.

Cet album est donc très personnel pour moi ; j’y parle de moi, de mon passé et de mon enfance. C’est cette dimension personnelle qui m’a vraiment plu d’ailleurs.

Abou Tall

Est-ce que ce choix a également un lien avec vous-même ? L’album ne s’appelle pas simplement « Saudade » mais Monsieur Saudade.

Bien sûr. Je suis un nostalgique. J’ai toujours les yeux derrière, toujours tournée vers le passé. Cet album est donc très personnel pour moi ; j’y parle de moi, de mon passé et de mon enfance. C’est cette dimension personnelle qui m’a vraiment plu d’ailleurs.

Pouvez-vous nous parler de la session live (à retrouver ci-dessous) ? Vous y avez interprété des morceaux de votre nouvel album, avec beaucoup de groove et de pure musique. Un vrai plaisir, non ?

Un vrai kiff. La musique brésilienne est faite pour être vécue, pas seulement écoutée. Avec cette live session, je voulais vraiment transmettre ce sentiment aux gens. Mon but était de les ramener avec moi, de créer un moment convivial autour d’une table et de faire en sorte que les gens qui le voient se sentent proches de nous. C’était une expérience franchement géniale, j’ai vraiment pris du plaisir à le faire. Nous avons également invité des musiciens brésiliens qui ont joué du cavaco (connu également sous le nom de Cavaquinho, NDLR) et des percussions. Une belle expérience. On peut considérer ça comme un mode d’emploi de consommation du projet, en quelques sortes.

Découvrez une session inédite d’Abou Tall :

Pouvez-vous nous parler de la collaboration avec Monsieur Nov, en particulier sur les morceaux « Mauvais endroit/Real Love » ? Quelle est l’histoire derrière cette collaboration ?

Monsieur Nov est un artiste que j’écoute depuis de nombreuses années. Quand j’ai commencé à travailler sur ce morceau, qui est assez personnel et reflète mon rapport à la musique, j’avais tout de suite en tête sa voix. J’avais une idée précise de la mélodie et je me suis dit que j’aimerais beaucoup qu’il participe. Je l’ai contacté, et il a lui-même kiffé l’idée. Il a apprécié ma nouvelle direction artistique et ça lui faisait plaisir de participer à ce projet. C’est ainsi qu’est née notre collaboration sur cette chanson.

Cet album est très personnel, et vous vous êtes rarement autant confié. Au début du morceau avec Monsieur Nov, vous dites : « tout le monde a décalé à la seconde où j’ai floppé ». Une phrase qui en dit long. Avec plus de 10 ans dans la musique, du duo avec Dadju à votre carrière solo, en passant par des moments de doute, comment la musique influence-t-elle la santé mentale des artistes aujourd’hui ? Pensez-vous qu’il est important d’en parler, que ce soit dans la musique ou dans les interviews ?

Bien sûr, la santé mentale est importante, que ce soit dans le monde de la musique ou ailleurs. En ce qui concerne mon expérience, c’est certain qu’une carrière et même une vie, c’est fait de hauts comme de bas. Avec l’expérience que j’ai aujourd’hui, je peux me retrouver dans des situations où je peux donner des conseils à des jeunes artistes. Des artistes qui ont peut-être un peu moins d’expérience que moi. C’est toujours important pour moi d’en parler, de faire part de mon expérience, de mon parcours et des hauts mais aussi des bas par lesquels j’ai pu passer, si ça peut aider…

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes générations ?

C’est difficile de répondre comme ça, mais si je devais donner un conseil, ce serait de prendre du plaisir avant tout, d’analyser ses forces et ses faiblesses, et de se regarder dans un miroir pour savoir où s’améliorer et où travailler. Surtout, il faut faire les choses par amour. Si l’on ne fait pas les choses par amour, ça ne marche pas.

Sur un plan personnel, comment percevez-vous l’évolution de votre musique depuis vos débuts ? De The Shin Sekai Vol.1 à Monsieur Saudade aujourd’hui. Et avez-vous l’impression aujourd’hui, plus que jamais, de faire la musique qui vous ressemble le plus ?

Franchement, je suis vraiment fier de ma capacité à me réinventer et à prendre des risques avec quelque chose de nouveau. En regardant mon parcours, je me rends compte que ce que je fais aujourd’hui est vraiment moi, et jamais je n’aurais imaginé en être là il y a dix ans. Je suis satisfait de l’évolution de ma musique, qui reflète bien ma personnalité. J’ai toujours été attiré par différentes formes de musique et par la musicalité en général. Aujourd’hui, je trouve que je fais quelque chose de très musical. Même si je sais que je peux encore progresser et offrir de grands projets à l’avenir, je suis convaincu que je suis sur la bonne voie.

Est-ce qu’il y a un titre de l’album sur lequel vous souhaitez revenir ?

Je dirais « Bats-toi » C’est l’un de mes morceaux préférés de l’album. Il est vraiment d’aspiration brésilienne et c’est un morceau de communion. Ce morceau est conçu pour être partagé. Le message que je veux transmettre est d’encourager ceux qui partent d’en bas à se battre pour s’élever. C’est un message très important pour moi, car j’essaie réellement de tirer les gens autour de moi vers le haut et de donner un bon exemple aux personnes qui m’écoutent. L’élévation est ce que je prône, et ce morceau m’est cher car il représente parfaitement ce message.

Découvrez Monsieur Saudade dAbou Tall :