Gjon's Tears - DR

Gjon’s Tears en interview ‘Sans filtre’ : “‘Pure’ me rappelle ce sentiment de m’être raté”

Alors qu’il vient de dévoiler le clip de “Pure” et qu’il annonce ENFIN son premier album pour 2023, Gjon’s Tears se livre comme jamais à travers une interview ‘Sans Filtre’ pour aficia…

Après avoir récolté tous les suffrages lors de l’Eurovision 2021 en arrivant 3ème au classement général, Gjon’s Tears prépare désormais activement un bel album. Ce sera son premier album, alors que nous le suivons depuis ‘The Voice’ France, et le single “Répondez-moi” (2020). Pour amorcer ce retour, le jeune homme originaire de Suisse propose “Pure”, un hymne à la fois pop et lyrique écrit avec Laurent Lamarca. Pour la mise en images, Gjon’s n’a pas fait les choses à moitié. Il nous le raconte autour d’une belle et riche interview sans filtre. 

Gjon’s Tears : l’interview sans filtre 

Si tu devais analyser ta carrière, et dire les domaines où tu as le plus progressé, là tu as le plus mûri, ce serait lesquels ?

Je pense que beaucoup de choses ont mûri en moi, à commencer par la façon dont j’ai envie de me présenter au public. J’ai compris qu’on était dans un monde d’images et qu’il était important de ne pas qu’avoir une voix. J’ai évolué dans la production musicale de ce que j’aime, la réalisation et mes influences notamment. Et rien que musicalement ! Ce serait dur de cibler qu’un seul domaine où j’ai plus ou moins évolué car il y en a tellement. À l’Eurovision, j’ai beaucoup bossé la partie live aux touts débuts. Et plus ça avançait, plus je bossais d’autres thématiques, comme mon esthétisme ou ma musique qui fut mieux travaillée.  

L’Eurovision a été un vrai tremplin pour toi. Mais est-ce qu’il y a eu des bouleversements dans ta vie, personnels ou professionnels depuis l’Eurovision, qui t’ont peut-être servi davantage encore de tremplin ?

Evidemment ! Je pense qu’il y a eu un peu des deux, qu’ils soient positifs ou négatifs. Ils m’ont fait prendre conscience de certaines choses dans le monde de la musique. Notamment que la musique, c’est un business. C’est un vrai travail. J’ai commencé la musique en me disant que c’était une passion. J’ai pas fait 40.000 écoles, j’ai fait principalement de la musique et le conservatoire. C’est tout. Je n’ai pas cherché à comprendre le pourquoi du comment de la musique. Je n’ai jamais pris le temps de comprendre que ce n’est pas que chanter. Quand j’ai compris ça avec les émissions TV que j’ai faites, j’ai compris que chanter correspondait pas à grand chose dans le pourcentage de ce qu’était la musique. Il y a un tas d’autres choses qui sont toutes aussi importantes, et pas forcément toutes aussi passionnantes, attention, pour être honnête.

Quels domaines pas exemple ?

Le côté administratif, je m’en passerai bien (Sourire) par exemple. Mais elles sont nécessaires à comprendre ce qu’est un artiste. Il y a une facette « artisan » de la musique, qui me passionne et fascine. Mais il y en a d’autres moins passionnantes…

Tu es jeune mais tu as déjà connu mille expériences. Quelle a été la plus riche et la plus intense?

Je dirais que l’expérience dont je suis le plus fière reste l’Eurovision car j’ai pu préparer une chanson qui me représentait à 2000%, que ce soit musicalement ou esthétiquement parlant. J’ai pu travailler avec la Directrice Artistique qui a fait en sorte que je risque quelque chose. Je n’avais jamais mis en scène mon corps de cette façon là. Cette expérience a changé ma vie, surtout la visibilité. J’ai eu tellement de chance aussi dans plein d’épisodes de ma vie où j’ai fait plein de rencontres extraordinaires. Là, par exemple, j’ai essayé de travailler avec certains réalisateurs.

Si j’écris une chanson avec Zazie (…), c’est essentiel parce qu’elle représente dans le paysage français quelque chose que je retrouve dans mon univers

Gjon’s Tears pour aficia

Un artiste se remet sans cesse en question, s’interroge ?

Disons que je me suis fait la conclusion qu’il fallait que je travaille avec les gens dont j’admire le travail. Tout d’un coup, j’appelle le label et je leur dis : “Bon, je veux travailler avec le réalisateur de London Grammar ou de Birdy ou de Paul McCartney » et ils me disent “Bon, ok, on te suit”. Ils envoient un mail et deux jours après ils leur répondent. J’ai quand même eu de la chance.

Mais à l’inverse, quand j’ai écrit une chanson avec Zazie, qui sera sur mon album qui s’appelle “Un coeur qui cogne”, je savais que je voulais travailler avec elle et que c’était mon ultime but. Evidemment, elle n’a pas répondu deux jours après par mail, mais il y a eu l’occasion de la rencontrer sur ‘The Voice All Stars’. Ça a pris du temps, mais j’avais tellement de volonté que ça a marché. Ça fait partie des choses qui ont changé en quelques années. 

Quel constat as-tu fait ?

Que j’ai plus envie de perdre du temps. Je veux travailler avec des gens,et je mettrai tous les moyens pour y arriver. J’essaye de leur faire comprendre que c’est hyper important pour moi. Toujours dans l’exemple de Zazie que j’admire, je n’y vais pas en mode “J’aimerais faire une petite chanson avec toi pour remplir mon carnet”. Non, c’est essentiel parce qu’elle représente dans le paysage français quelque chose que je retrouve dans mon univers et qui me rappelle des artistes comme Radiohead. C’est quelqu’un qui me transcende. D’ailleurs, j’ai réécouté récemment son album Totem. Tout le monde connait “Je suis un homme”, mais tout son album est incroyable. 

Penses tu que tu as pu approché Zazie parce que ta notoriété s’est accrue ?

Je me dis la même chose, mais je ne crois pas. Je pense que tout le monde peut arriver à ses fins, j’en suis convaincu à dix milliards de pourcents. En revanche, ce qui change clairement, c’est le temps que ça prend. Quand on n’a pas de visibilité, ça va prendre des années pour essayer, de juste, ce serait-ce, envoyer un mail à Pascal Nègre, qui transfèrera à Zazie, par exemple. Si Vianney veut travailler avec Céline Dion, il a ses contacts, ça prendra moins de temps que si moi je la contacte. C’est ça la différence.

Un artiste travaille pour construire une stratégie selon s’il souhaite être écouté, vendre des disques, créer des collaborations en ciblant bien ses cibles. Mais un artiste, c’est surtout un artiste qui aime avant tout des choses et qui a envie de bosser sur des choses. Quelqu’un qui a vraiment envie et qui se considère comme un artisan de la musique, peu importe, que tu sois minuscule ou énormissime, tant que le résultat est beau, peut tenter d’approcher “un plus gros”. Si demain je fais un duo avec Slimane, il sera 10.000 fois plus écouté qu’avec mon voisin (Sourire), mais les deux valent le coup d’être écoutés si c’est artistiquement intéressant.

Quelle est la plus belle réussite aujourd’hui de Gjon’s Tears ? Est-ce que s’assumer pleinement en fait partie ?

Je pense que je suis beaucoup trop perfectionniste pour me rendre compte… Je ne dirais pas le mot “réussite”. A l’Eurovision, j’avais envie d’être validé par le monde de la musique et envie d’être soutenu. J’ai eu tout ça. Je considère ça comme une réussite. Pour autant, je ne considère pas que j’ai réussi encore. Je suis encore en train de me construire musicalement. Je le ressens comme quelqu’un qui est passionné. C’est certain, je peux encore m’améliorer sur plein de choses. Aujourd’hui, je suis plus sûr. Aujourd’hui, autour de moi, j’ai un directeur de projet et un chef de projet mais je n’ai pas de Directeur Artistique qui s’occupe du projet en entier, car j’ai envie de l’être d’une certaine manière, que j’ai l’espace pour en tout cas. 

Ça aide au quotidien d’avoir une équipe solide ?

Oui, j’ai une belle équipe autour de moi en qui je fais confiance et qui me fait confiance. Les trois ensemble, on fait des choses petit à petit, pas à pas. Si je leur dis que je veux collaborer avec Géraldine Chaplin, c’est parce que son univers me parle. Dans sa filmographie, elle est partout, mais nulle part à la fois, parce qu’elle n’a jamais envie de se mettre en avant. Et le fait qu’elle ne veuille pas se montrer a fait que je l’ai vu de partout. 

C’est comme les films d’Almodovar ou de Louis de Funès. Elle a ce don de mettre en avant les gens qui ne sont pas mis en avant. Je n’ai pas envie qu’on décide pour moi. Je m’inspire beaucoup, beaucoup, de la manière dont travaille Bjork et qu’elle pose les pièces de son travail. Là je dirais que c’est une réussite le jour où il y a une ligne directrice qui est tracée par moi-même et que tu te dises que c’est extraordinaire parce que ça ressemble à rien d’autre. Typiquement, rien à changer en live 25 ans après, musicalement non plus. C’est un ovni. Et même si demain ça explosait, je dis bien si, cela ne serait pas une réussite. Là j’ai 24 ans, je ne peux pas dire que j’ai réussi. Mes objectifs sont bien plus lointains que juste ce que j’ai acquis aujourd’hui. Ce n’est pas le cas. 

Pour moi, la plus belle des valeurs dans la vie, c’est l’innocence : vouloir découvrir de nouvelles choses

Gjon’s Tears pour aficia

Parlons de ton nouveau single “Pure”. Y a t-il eu un moment d’émotion sur l’écriture ou sur l’enregistrement par exemple ? 

Gjon's Tears - Pure - DR

Cette chanson, je l’ai bossée avec Laurent Lamarca. Quand on a commencé la session d’écriture à Berlin, je lui ai dit que je voulais une chanson avec un angle intéressant. Je voulais parler du manque de confiance, et retrouver la confiance en tout, en la vie, en moi, en plein de choses, lié au fait de vouloir redécouvrir la pureté de la vie.

Pour moi, la plus belle des valeurs dans la vie, c’est l’innocence : vouloir découvrir de nouvelles choses. C’est pour moi ce qu’on ne laisse plus exister à partir de 18 ans. L’innocence m’a toujours fasciné. J’ai toujours essayé de découvrir. Quand je travaille avec Géraldine Chaplin, alors que c’est une nana qui n’a plus rien à prouver, qu’elle réalise pour moi son premier clip, qu’elle ne sache pas vraiment comment ça fonctionne, qu’elle vienne sur le plateau… il faut dire qu’elle était un peu pressée… C’était ma plus belle claque, car c’est quelqu’un qui cherche encore à découvrir des choses dans la vie ! C’était impressionnant. J’aimerais bien être comme elle.

Donc je dis ça à Laurent, et il me dit “bah écrivons-le comme ça en fait, il faut être direct”. C’est vrai que dans mes anciens textes, je restais vague, loin, distant. On est parti sur cet angle de vue là, sans bavure en étant direct. Musicalement, j’avais envie d’avoir quelque chose de nostalgique, avec un sourire au fond, un truc qu’on peut entendre avec Coldplay. 

Quand tu chantes “Des bourgeons renaissent du chaos / Après l’orage, je tourne la page / la vie est dure” : fais-tu référence à un événement en particulier ?

Je fais référence à la sensation, à une émotion qui se retrouve dans des moments en particulier. Ce sont des moments où j’étais sous terre après avoir côtoyé le sommet. Je veux dire, après l’Eurovision, ça a été incroyable. Il y a eu un intérêt de plein de gens, dans plein de pays. Le fait de se dire que tout est possible maintenant, tu fais des rencontres, et des mauvaises rencontres. Celles-ci te font perdre beaucoup de temps. Dans ces moments-là, le temps est super important.

Et puis il y a le controverse peu de temps après, c’est ça ?

Oui, d’un coup, l’intérêt n’est plus le même, il y a moins de gens autour de toi, tu perds du soutien, tu perds du public, tout simplement. Forcément, tu as l’impression, d’avoir fait faux, de ne pas avoir agit assez vite, d’avoir raté, sincèrement. C’est l’impression que j’ai eu. C’est aussi un moment où je perds des gens importants de ma vie, qui décèdent. Un moment où tu as l’impression de perdre cette innocence car tu n’as plus envie de découvrir de nouvelles choses. Tu te dis que tout ce que tu as connu a suffi, pour te casser en mille morceaux. Je crois que ça ne m’intéresse plus de découvrir de nouvelles choses, car j’ai raté. Voilà à quoi ça fait référence.

Cette chanson fait écho à tous ces moments-là, et pas qu’à un seul. Ça me rassure dans plein de choses. Ça me rappelle autant l’après-l’Eurovision ou la perte de quelqu’un. 

Tu évoquais ta collaboration avec Zazie tout à l’heure. Elle a su mettre les termes exacts sur ce que tu voulais. 

Ce qui a même été hallucinant et bluffant, c’est sa capacité à me cerner. On s’est téléphoné plusieurs jours, pendant des heures, où j’ai pu exprimer ce dont j’avais vraiment envie de parler. Elle a vraiment compris et pris le temps de m’écouter et de comprendre de quoi je voulais parler. Je n’ai pas eu de nouvelles de suite. Et là d’un coup, je reçois une première version, alors que j’enregistrais mes propres titres à Londres avec le réalisateur de London Grammar. Quand j’ai reçu le texte, je me suis dit que je ne pouvais pas rêver mieux. J’ai pu lui exprimer mes idées, changer quelques petites phrases qui me parlaient moins, mais j’étais content de son texte.

Comment l’as-tu pris, comme un privilège ?

Complètement. C’est ça qui est extraordinaire chez un artiste aussi, c’est de voir la qualité d’un artiste, aussi bien dans la musicalité d’un artiste que dans l’écriture que dans la manière de travailler. C’est vraiment un artisan de la musique qui sait que tout est changeable. De nouveau, c’est de nouveau quelqu’un qui cherche à découvrir et écouter ce que je dis. Peut-être qu’elle a appris quelque chose, autant que moi j’ai appris d’elle, comme un enfant de dix ans peut apprendre des choses à son grand-père. 

Arriverais-tu à écrire aussi bien qu’elle ? 

Je me le souhaite en tout cas, ça voudra dire que j’ai réussi. J’ai tellement un amour pour la mélodie, plus que pour le texte. Du fait de mon pluriculturalisme, ma famille, le fait de mes diverses origines, que je sois né en Suisse, que j’aime la musique francophone… J’ai la chance d’avoir différents univers qui s’entrechoquent. Le point commun reste la mélodie et la voix. Je cherche d’abord l’unicité là-dedans, dans la manière de chanter, de qui je suis musicalement, vocalement surtout. J’ai envie de toucher aussi bien la grand-mère d’Albanie que le collégien dans le Sud de la France. Mais comment faire ça ? Ça passe d’abord par la mélodie. 

Parle-moi de ce clip qui est une sorte de leçon de vie ?

J’avais vraiment envie de travailler avec Géraldine Chaplin. J’avais déjà envie de travailler avec elle sur “Silhouette”, mais je voulais vraiment attendre le bon projet. En fait, je l’ai vu dans deux films dont The Impossible de Juan Antonio Bayona, parce qu’il faut savoir que je suis un grand fan de cinéma. Dedans, elle est vraiment la voix de la sagesse. J’avais vraiment envie d’avoir ce réconfort dans le clip, la voix de la raison qui viennent me parler. J’ai envie que ce soit la voix de la raison d’autres gens aussi quand je chante “la vie elle est belle”. D’où son apparition dans le clip. 

Les gens rêvent des Etats-Unis. Moi ça me fait peur !

Gjon’s Tears pour aficia

Comment t’es venue cette idée ?

L’idée du clip était de faire vivre des tableaux. Je voulais que ce soit pictural, très visuel. Je voulais des décors remplis de forêt ou du vide absolu comme dans le dernier plan avec l’éclipse. Il y a énormément de clin d’œil au cinéma et à la peinture à travers les différentes scènes. J’avais envie que ce soit un clip esthétique et puis que ça parle de choses de ma vie, du cinéma que j’aime, de l’art que j’aime !

Où te vois-tu dans 5 ans?

Je ne sais pas, car la beauté de la musique, on ne sait jamais combien de temps ça prend. En revanche, on sait aussi que quand tu fais de la musique qualitative et que tu es entouré des bonnes personnes, ça finit toujours par payer, surtout quand c’est sincère. Je ne sais pas si ça va prendre 5 ans, ou moins de temps. J’imagine que ça aura un impact, une portée, à l’étranger. Moi mon but, c’est l’Europe. J’aimerais me balader de villes en villes, aller dans le salles en Europe, car c’est un marché qui m’intéresse musicalement. Les gens rêvent des Etats-Unis. Moi ça me fait peur. Ce qui est très particulier aussi, c’est qu’ils viennent chercher les idées en Europe. Je pense que ce n’est pas pour rien.

As-tu le profil d’un artiste international ?

On va dire que je semble ne pas correspondre à ce que l’Asie recherche par exemple, dans le sens où j’ai l’impression que ce qu’ils recherchent, c’est vraiment le côté francophone (que je n’ai pas), comme Zaz le ferait en défendant les valeurs, ou les comédies musicales. C’est une impression que j’ai. J’adorerai vivre à Madrid. J’aime Paris. et sa culture, les films qui y sont tournés, ce qu’il y a à faire. Ce que je me souhaite dans 5 ans, c’est de pouvoir jouir de la culture européenne et d’avoir un impact, ne serait-ce que minime dans cette culture.

Ce premier disque peine à arriver. Quelle est la raison ?

Je pense que je n’ai tout simplement pas rencontré les bonnes personnes. Cela a pris du temps aussi, pour que je m’en défasse. Des hauts, des bas, c’est vrai que ça a pris trop de temps. Et il y a trop de choses qui sont en dehors de ma portée. Si tu veux, l’album est prêt, mais on ne peut pas le publier maintenant, car il y a toute une stratégie à suivre, un processus, un ordre des choses. C’est quelque chose que j’ai du mal à accepter, parce que je suis quelqu’un de très impatient. 

Donc tu promets le meilleur album qui soit ?

Le meilleur, j’en sais rien, mais clairement qualitatif, car on a tellement passé de temps dessus qu’il l’est. Et là, j’ai clairement choisi les gens que je voulais de A à Z. J’en suis fier. Il n’y a même plus d’humilité là (Sourire) ! J’ai fait ce que je voulais avec les gens que je voulais, et ça, c’est une chance extraordinaire. Ce n’est pas toujours le cas avec les labels, j’ai entendu des choses atroces en labels, donc j’en suis très très fier !

(Re)découvrez les coulisses d’une collaboration entre Zazie & Gjon’s Tears :