Marie-Flore - © Paradise in Hell
Marie-Flore - © Paradise in Hell

Le grand rendez-vous avec Marie-Flore

À l’occasion de la parution de son nouveau disque intitulé Je sais pas si ça va, Marie-Flore s’est confiée à aficia. Portrait d’une artiste libre et authentique !

C’est un retour plein d’audace qu’opère Marie-Flore sur son nouveau disque Je sais pas si ça va disponible dans les bacs le 10 juin. Un nom d’album qui illustre par ailleurs à merveille les doutes et la relative ambivalence de notre société, traversée par des crises mais aspirant malgré tout à la positivité. En 12 pistes, l’artiste vise juste et masse inéluctablement les cœurs.

En effet, il en résulte un voyage musical abouti qui invite à l’exultation et à la fête mais qui saura également émouvoir et attendrir. Les émotions sont exacerbées par une recette imparable alliant une plume ciselée et une voix suave contant des textes d’une grande justesse. Et c’est bien là toute la réussite de cet album résolument pop qui révèle davantage la sensibilité de son auteure. Marie-Flore s’est entretenue avec aficia pour évoquer les contours de ce nouveau disque, sa genèse et ses inspirations.

Marie-Flore : l’interview !

Près de trois années après la parution de Braquage, tu reviens avec un nouveau disque. Dans quel état d’esprit es-tu à l’aube de la sortie de Je sais pas si ça va ?

Je suis assez excitée mais il y a aussi un petit peu d’appréhension et c’est normal. C’est un travail d’un an et demi que je m’apprête à dévoiler donc il y a forcément de l’appréhension mais je dirais que je suis surtout impatiente que les gens puissent découvrir ces nouvelles chansons. Aussi, j’ai hâte d’avoir leurs retours.

Cela fait déjà plus de 10 ans que tu dévoiles des chansons, quel regard portes-tu sur tes débuts et notamment sur tes premières productions intégralement chantées en anglais ?

Oui monsieur ! Je porte un regard plein de douceur sur la jeune auteure et compositrice que j’étais. Et surtout, je regarde le parcours et à quel point la musique mais aussi les textes ont pu évoluer. C’est rassurant quelque part et je me dis que je suis toujours restée dans mes clous. Mon parcours ne me pose aucun problème.

On ressent cette véritable évolution à partir de l’EP Passade Digitale, quel a été le déclic de proposer un projet intégralement en français ?

Je pense que j’avais un petit peu fait le tour de ce que j’avais à dire en anglais ou du moins de la façon dont je voulais le dire. Mais de manière plus concrète, le déclic s’est surtout fait à partir du moment où quelqu’un m’a demandé pourquoi je ne m’essayais pas au français. Moi, j’étais en pleine phase anglaise à ce moment-là, il n’y avait pas de sujet. Mais un petit peu piquée par cette interrogation, je suis rentrée chez moi, j’ai pris un piano et j’ai écrit une chanson qui s’appelle “Palmiers en hiver”. Je me suis prise à mon propre jeu parce que je pensais faire une chanson pour blaguer mais au final, j’ai eu le déclic. J’aime toujours écrire en anglais pour d’autres artistes mais je ne me vois pas encore revenir à l’anglais pour mes propres projets.

L’album a vu le jour en très peu de temps parce qu’il y avait une sorte d’évidence pour tout le monde

Marie-Flore

Pour concevoir Je sais pas si ça va, tu t’es entourée de la même équipe que pour Braquage. Quel a été le processus de fabrication de ce nouveau disque et est-ce que le contexte sanitaire a influencé le cheminement artistique ?

Le contexte a surtout eu une influence sur le précédent disque parce qu’il est sorti quelques mois avant la pandémie. Du coup, cela a stoppé tous les concerts et les prévisions de projets pour porter le disque. En termes de création artistique, j’ai mis beaucoup de temps à me dire qu’il fallait que je passe à autre chose. J’étais un petit peu naïve et convaincue que tout allait reprendre rapidement… Je me forçais a été optimiste.

Mais il y a eu un moment où j’ai compris qu’il fallait tourner la page et j’ai commencé à écrire ce nouveau disque, en janvier 2021. Le process de fabrication du disque a été quelque peu différent de celui de Braquage parce que j’ai mis moins de temps à l’écrire mais aussi, dans une dynamique finalement très ramassée et rapprochée puisque nous sommes partis, avec mes trois réalisateurs, nous enfermer dans une maison pendant 4 semaines. J’écrivais puis ils travaillaient sur les chansons dans les studios avant de me proposer des arrangements… L’album a vu le jour en très peu de temps parce qu’il y avait une sorte d’évidence pour tout le monde. Moi à l’écriture et à la composition et eux trois aux arrangements.

C’est un disque que nous pourrions qualifier de plus organique que le précédent, avec plus de pop. Il est extrêmement riche musicalement. Quelles sont les influences et était-ce important pour toi de proposer un projet éclectique ?

Je ne le réfléchis jamais. J’arrange les chansons en fonction de la première impulsion. J’habille les chansons en fonction d’un ressenti mais ce n’est pas calculé à l’avance. C’est aussi quelque chose que j’avais constaté sur Braquage, toutes les chansons étaient colorées différemment. Et je trouve que c’est aussi le cas sur Je sais pas si ça va mais c’est plus pop, il y a moins d’influences urbaines, moins de beatmaking parce que c’est sorti comme ça !

Ce nouveau disque est résolument moderne mais il est aussi empreint des touches rétro et vintage, dans le sillage de Juliette Armanet, Fishbach ou Clara Luciani. Est-ce que ce sont des artistes que tu écoutes, qui peuvent éventuellement influencer ton travail et avec qui tu souhaiterais collaborer ?

Je les écoute, bien entendu ! J’ai écouté leurs albums respectifs mais elles ne m’influencent pas. En réalité, j’ai davantage de références dans les années 60, à l’instar de The Velvet Underground ou encore Janis Joplin. Des monstres sacrés de la musique. Il n’y a pas grand chose qui m’influence dans la musique actuelle. Généralement les gens sont morts !

Après, s’il y a bien une personne que j’ai beaucoup écoutée ces derniers mois, c’est Dua Lipa. J’ai vraiment adoré son disque Future Nostalgia, il m’a donné énormément de force dans la période compliquée vécue. Mais je n’ai jamais la volonté de sonner comme un autre artiste. Il y a un vrai travail de cohérence par rapport à ma composition de base, tu ne me verras jamais dans l’imitation ou la reproduction de quelque chose.

Dans tes deux derniers disques, il n’y a justement pas de duos. Est-ce un choix délibéré ou l’opportunité ne s’est pas présentée ?

J’ai un duo en préparation mais je ne peux pas en parler ! C’est vrai que la question s’est posée mais quand tu fabriques un disque, les écoutes, le travail et l’agencement des chansons s’enchaînent. Quelque part, le disque se tenait tout seul sans avoir besoin de rajouter une collaboration. Mais bien-sûr, il y a des collaborations que j’aurais pu ou souhaitais mettre. Ce sont des choses qui existent et qui vont exister. Ce sera pour une prochaine fois.

J’adore être au service de l’autre, en tant qu’auteure […] C’est toujours appréciable quand tu vises juste et qu’un artiste interprète tes mots

Marie-Flore

Écrire pour d’autres artistes est un exercice que tu apprécies ?

J’adore être au service de l’autre, en tant qu’auteure. C’est un exercice que j’aime beaucoup même si je l’ai assez peu fait ces derniers temps avec la réalisation du disque. Mais oui, c’est toujours appréciable quand tu vises juste et qu’un artiste interprète tes mots. Il y a une part de magie.

Est-ce que c’est plus difficile de poser des mots pour un autre artiste que pour toi-même ?

C’est différent mais c’est difficile parce que, effectivement, il ne faut pas taper à côté. L’artiste a sa propre personnalité donc il faut à la fois permettre à ta plume d’exister mais en s’adaptant à ce que veut l’artiste.

Si tu devais décrire ton nouvel album en trois mots, lesquels choisirais-tu ?

Je, sais, pas !

S’il y avait une seule chanson du disque que tu aimerais que les gens écoutent et retiennent, à la fois pour le message véhiculé que pour la mélodie, laquelle retiendrais-tu ?

Elle est difficile ta question ! Une de mes préférées est “Je sais qu’il est tard” mais comme elle est déjà sortie, je dirais que j’aime beaucoup “Bientôt”, la dernière chanson du disque.

Visionnez le clip du titre “Je sais qu’il est tard” :

Dans ce disque, on retrouve la thématique de l’amour déçu mais tout de même dans une moindre mesure que dans Braquage. Il y a d’autres thèmes comme le rapport à l’âge et au temps qui passe dans “20 ans”. En quoi était-ce important d’aborder ce sujet, sur une musique pour le moins enjouée ?

Pour le côté purement musical, j’avais la vingtaine dans les années 2000 et les sonorités à la mode étaient diffusées dans les boîtes de nuit, dans les clubs. Je voulais vraiment habiller ce titre avec une dose de mauvais goût des années 2000, et à la fois ce sont des sons dans lesquels on se perdait. Il y avait un réel lâcher-prise. Une insouciance et une folie que j’adorais.

Concernant le texte, c’est quelque chose que je n’avais pas calculé avant d’écrire ce titre. Je me suis interrogée sur le temps qui passe en écrivant. Il y a une part d’improvisation, les mots sont venus très vite. J’ai voulu parler du rapport que l’on pouvait avoir à l’âge dans nos vies en général, mais aussi en tant que femme et en tant que femme qui fait de la musique parce que c’est encore autre chose.

Je voulais aussi le célébrer quand je dis dans le refrain : “Tu sais moi j’ai plus 20 ans / Dis-moi où on va ou va-t’en”. Quelque part, pour moi, le temps qui passe est très bénéfique parce que je me sens plus en phase aujourd’hui avec ce que je veux et ce que je ne veux plus. Ce sont des grands classiques mais je trouve que l’on se connaît tellement mieux. Il y a des choses que l’on ne peut pas délivrer de la même manière quand on a 20 ans.

Sur le titre “Mon cœur il va bien”, tu évoques le regard des autres, un regard auquel tu sembles être détaché. Justement, quel regard portes-tu sur la célébrité et le monde de la musique en tant que femme ? Es-tu sensible aux critiques que l’on peut parfois lire sur les réseaux sociaux ?

Je pense que ce serait malhonnête de dire que tu n’es pas sensible à ce genre de choses, surtout quand tu as un métier d’image ou du moins, que tu es exposé à la critique. La critique est déjà vexante dans la cour d’école donc elle ne va pas arrêter de te vexer parce qu’elle est derrière un écran. On la prend potentiellement à cœur mais il faut savoir passer à autre chose très rapidement. C’est important de câbler son esprit de manière à ne pas se laisser influencer parasiter et vexer par des gens qui n’ont certainement pas grand chose à faire…

Je pense que c’est très important de ressentir le vécu des artistes à travers une voix, et cela malgré eux

Marie-Flore

Tu manies habillement les mots, tes textes sont tantôt d’une grand tendresse, tantôt corrosifs comme dans “TDC”. Est-ce qu’ils sont autobiographiques ?

La plupart des textes sont autobiographiques dans le sens où ils sont principalement tirés de mes ressentis, de mes observations, de ce que je peux constater de mon comportement ou de celui des gens. Je n’ai pas pris de pseudonyme et cela s’inscrit aussi dans cette démarche. Tout est finalement assez proche d’une partie de moi parce que je ne me dévoile pas entièrement mais j’en dis beaucoup. C’est la magie de l’alliance entre la mélodie, la musique et ce que cela peut provoquer comme sensation. C’est ce cocktail qui permet de déterminer si une musique est réussie et qu’elle parvient à t’emporter.

Le travail de la voix est particulièrement mis en lumière, notamment sur la piste “Après vous”. Est-ce que la voix est un instrument à part entière et la considères-tu comme un vecteur d’émotions ?

Pour moi, la voix et le texte sont les deux principaux vecteurs d’émotions dans la musique. Et quand j’écoute de la musique, je prête vraiment attention aux failles dans la voix, à l’émotion, au caractère reconnaissable d’une voix. Je pense que c’est très important de ressentir le vécu des artistes à travers une voix, et cela malgré eux. On ressent ainsi une part d’honnêteté.

Pour ma part, je ne travaille pas ma voix plus que ça. Le seul aspect que je travaille, c’est pour les concerts parce que j’ai vraiment envie que ce soit au top. Mais je travaille davantage l’endurance et le placement de la voix. C’est plus technique qu’émotionnel donc sur le disque, ce ne sont pas des choses que je mets en œuvre, au contraire. J’essaie de faire passer le plus d’émotions possibles et je trouve que l’on perd de toute façon en émotion quand c’est trop parfait. Moi, je n’ai jamais été une très grande fan des techniciens de la voix, je ne suis pas émue par ces voix.

Découvrez la session live du titre “Mal Barré” :

Le disque se clôture avec “Bientôt”. C’est une piste presque monotone jusqu’au bourdonnement des synthés et aux crissements des arrangements. Cette piste cultive l’espoir d’une vie idéalisée et résonne presque comme un mantra pour se convaincre. Est-ce que l’écriture est pour toi un moyen d’injecter une part de rêve dans nos vies ?

Je pense oui, il y a l’écriture où tu te racontes mais celle aussi où tu projettes beaucoup de choses, y compris des fantasmes. C’est vrai que “Bientôt” est une sorte de porte ouverte sur la suite. C’est une très belle façon de décrire cette chanson quand tu dis que c’est un mantra. Se répéter bientôt, ça fait tenir donc c’est joliment trouvé !

Ce disque est conçu pour la scène, quels sont tes projets pour 2022 ?

Je suis actuellement en tournée et beaucoup de dates seront encore annoncées pour 2023. J’ai écrit ce disque en imaginant que nous allions être en concert et ça change tout en pensant à la rencontre avec les gens.

Chez aficia, nous aimons bien conclure nos interviews en demandant aux artistes de nous recommander une découverte. Quel artiste nous recommanderais-tu d’écouter ?

Cela fait plusieurs mois que j’écoute ce jeune parisien qui s’appelle Thomas Guerlet et qui a une chanson qui s’appelle “How Strange” et ce titre est vraiment fabuleux. Une autre artiste que j’aime beaucoup, Canine, qui vient de sortir son nouvel album qui s’appelle Sun.