Lubiana - © Nicolas Wagner
Lubiana - © Nicolas Wagner

Lubiana en interview : “C’est vraiment important pour moi de m’entourer de gens de confiance et de personnes qui respectent vraiment ma vision”

Exclusivité aficia

Fin avril, la douce Lubiana était de retour avec “Mamy Nianga”, le premier extrait de son album à venir. Pour en connaitre davantage sur le projet, aficia est parti à la rencontre de la chanteuse…

Nous avions déjà eu l’occasion de vous présenter Lubiana sur nos pages, notamment en avril 2020 pour la sortie de son premier EP éponyme, un projet riche de 5 titres lumineux, porté par “Self Love” et “Feeling Low”.

Après l’exploitation de cet EP, qu’elle accompagne d’ailleurs d’un podcast, ‘Be…’, la chanteuse présente désormais “Mamy Nianga”, un morceau solaire pour lequel elle s’accompagne évidemment de sa kora. C’est avec ce titre que Lubiana annonce la venue, à la rentrée prochaine, de son premier opus. Rencontre avec Lubiana qui évoque, au cours de cette interview, son nouveau single, son album à venir, ses voyages inspirants, son parcours musical…

Lubiana : l’interview…

Dans ton premier EP éponyme, on retrouve des textes plutôt positifs, des messages d’espoir également. Désormais, c’est avec “Mamy Nianga”, un titre plus personnel dans lequel tu évoques notamment ta personnalité, ton côté rêveuse, que tu fais ton retour. Qu’est-ce qui t’a fait te sentir prête pour te dévoiler ainsi avec “Mamy Nianga” ?

J’ai toujours écrit de façon assez introspective, je parle beaucoup de voyage, de voyage vers l’autre, mais d’abord de voyage vers soi et c’est vrai qu’avec les premiers titres que j’avais sorti comme “Self Love”, je parlais beaucoup justement de ce voyage intérieur. Pour moi, ça a toujours été important d’apprendre à me connaître. Pour ça, j’ai du retourner à mes racines africaines, au Cameroun. J’ai dû aussi me rendre compte de mon héritage culturel parce que pendant longtemps, je ne me sentais pas spécialement attachée à ces racines car j’ai grandi en Belgique. Quand j’allais au Cameroun, je me sentais différente, et quand j’ai fait ce chemin vers moi pour apprendre à m’aimer, quand j’ai découvert la kora qui est un instrument d’Afrique, ça a été inévitable pour moi de me rapprocher de mes racines camerounaises, de retourner dans mon pays.

En 2019, je suis retournée au Cameroun, ça faisait 10 ans que je n’y avais plus été. J’ai été accueillie par mes grands-parents, mon oncle, on a vraiment été à la racine de ma culture. Je viens d’un village qui est en fait une tribu, la tribu Bamiléké et j’ai appris que je portais le nom de mes ancêtres et du plus grand chef du village. Quand j’ai commencé à écrire cet album, j’ai vraiment pensé au mot Mamy Nianga parce que pour moi, c’était quelque chose de mon quotidien pendant toute mon enfance qui me ramenait à mes racines camerounaise car mon papa m’appelait comme ça. J’avais envie justement d’utiliser cette formule qui est gentiment dite, qui parle des gens qui font preuve de beaucoup de coquetterie et qui changent leur apparence, pour en faire une formule universelle qui est de s’aimer pleinement avec ses parts d’ombres et de lumières et ne pas avoir besoin de changer son apparence pour plaire aux autres…

Dans ce nouveau titre, on retrouve évidemment ton instrument de prédilection, la kora mais on distingue aussi de nouvelles sonorités. De qui t’es-tu entourée pour la création de cette production ?

J’ai travaillé avec un duo qui s’appelle Crown qui est basé à Bruxelles. C’est très chouette parce qu’eux viennent presque du rock, de la pop et j’avais une idée très précise de ce que je voulais donc c’était très chouette d’avoir plein d’influences différentes. Je chante avec beaucoup d’harmonies vocales, il y a beaucoup de choses qui étaient enregistrées chez moi, je venais avec toutes les pistes. Ils ont été d’une super écoute et vraiment avec un désir de représenter mon univers. C’est ce que je voulais !

Pour illustrer ce titre, tu as choisi de t’inspirer des oeuvres du peintre surréaliste René Magritte. Est-ce que ce mouvement artistique qui fait notamment référence aux rêves inspire aussi tes textes ?

Comme je suis belge, le surréalisme fait énormément partie de ma culture. Et même, les belges sont très connus pour le second degré, l’humour, il y a une grande présence du jeu et c’est ce que j’aime beaucoup dans mon pays, c’est ce côté là où on ne se prend pas au sérieux. Alors c’est certain que ça fait énormément partie de ma personnalité, je suis quelqu’un qui est fort dans la lune, idéaliste. J’aime l’aventure, le voyage et je pense que tous ces éléments-là de ma personnalité se retranscrivent dans ma vision de la vie et du coup dans ma musique.

Comment as-tu travaillé pour ce clip ? C’était ton idée première ?

À nouveau, c’est vraiment important pour moi de m’entourer de gens de confiance et de personnes qui respectent vraiment ma vision parce que plus le temps avance, plus je deviens très précise sur ce que je veux. J’ai collaboré avec Medhi Semoulin avec qui j’avais notamment tourné le clip de “Self Love”. J’avais vraiment envie de créer ce parallèle entre la nuit et le jour, l’Europe et l’Afrique. En parlant avec lui, il m’a dit que ce serait génial d’utiliser le surréalisme, de représenter des tableaux de Magritte et changer ce monde parallèle par un monde africain, la savane, les couchers de soleil. On a vraiment brainstormé cette idée à deux, c’était super naturel.

“Mamy Nianga” : les prémices d’un album à venir à la rentrée !

Comme on l’a évoqué, “Mamy Nianga” est un titre assez personnel. Est-ce qu’il laisse présager un futur album qui l’est tout autant ?

Oui. J’ai vécu des choses très fortes dans ma vie comme la rencontre avec la kora mais la chose qui est la plus belle rencontre de toutes, c’est celle qui m’est arrivée aux États-Unis, une expérience incroyable que je raconte dans l’album. Cet opus est d’ailleurs très lié à mon podcast ‘Be…’ qui est presque la genèse de l’album.

Sur cet album, je suis allée encore plus loin, je me suis encore plus ouverte. J’ai toujours eu cette envie d’évoluer donc évidemment, il y a plein de sonorités différentes. Il est à la fois très solaire et très profond parce que c’est aussi ça ma personnalité : je suis quelqu’un qui aime à la fois les choses simples de la vie, aller vers les autres et en même temps, je suis quelqu’un qui apporte une grande importance à la spiritualité et au développement personnel. Je t’en reparlerai quand je pourrais annoncer le titre mais en tout cas, c’est vraiment très fort.

Dans la vie, tout est une question d’attraction et d’énergie, tu reçois tout ce que tu donnes.

Lubiana

Il y a des sujets que tu vas particulièrement aborder à travers ce disque ?

Oui, il y a plein de thématiques différentes. Après, globalement pour moi c’est une ode à la vie cet album. Je l’ai créé en pensant aux gens, aux familles, aux proches, aux amis. J’avais envie d’un album solaire, positif, particulièrement en cette période. Moi en tout cas, j’ai besoin de choses qui me donnent confiance, qui me donnent foi en la vie, en l’humanité. C’est un album qui j’espère, va apporter beaucoup de bonnes choses, de choses positives et surtout, c’est un album d’amour. Pour moi, l’amour est la chose la plus importante au monde. Je ne parle pas de l’amour pour son copain ou sa copine, je parle de l’amour universel. Pour moi, c’est le but de la vie. J’ai essayé de retranscrire ça en musique, mais je pense que l’on a tous ce don et cette force là de donner de l’amour.

En ce qui concerne la création, tu puises beaucoup ton inspiration dans les voyages, la rencontre… Alors comment as-tu vécu cette période d’arrêt forcé pour la préparation de ton futur projet ?

Je ne vais pas te mentir, cet album est vraiment né de mes dix années de quête. Je suis allée aux États-Unis, en Espagne, en Angleterre, beaucoup en France, au Cameroun aussi, il a été inspiré de tous ces voyages, voilà, il m’a fallu dix ans. Pendant longtemps, je me demandais pourquoi c’était si difficile, c’est injuste, ça faisait dix ans et j’avais l’impression que toutes les portes étaient fermées. Aujourd’hui, j’aime bien ce parallèle de l’enfant de 5 ans qui demande à son père de rouler mais qui lui répond “non, quand tu seras prêt tu pourras rouler” et l’enfant le redemande à ses 10, 12 ans. Maintenant, je pense que c’est un peu ce qu’il m’est arrivé, je n’étais pas prête avant, la vie m’a challengé, elle m’a donné énormément d’épreuve mais j’ai beaucoup grandi.

Désormais, toutes ces choses que j’ai vécu, qui je dois le dire m’ont semblé parfois être des injustices, j’en fais quelque chose. Maintenant, je veux vivre pour servir, aider les gens, donner. Pendant longtemps je voulais recevoir, je voulais de l’amour, de l’attention et je me souviens, souvent avant d’aller quelque part, je me disais “mais qu’est-ce que cette personne va m’apporter ?”. Et un jour, un proche m’a dit qu’il ne fallait pas que je vive comme ça, il ne faut pas chercher ce que l’autre va apporter mais plutôt ce que moi j’ai à donner. Dans la vie, tout est une question d’attraction et d’énergie, tu reçois tout ce que tu donnes.

Alors cet album c’est la concrétisation de tout ce chemin. Je suis nourrie du voyage mais en tout cas, cet album je ne l’ai pas puisé uniquement dans le confinement. Il y a des titres que j’avais avant, certains que j’ai créé pendant le confinement mais c’était vraiment une période où j’ai repensé à ma vie et à ce que j’avais envie de transmettre.

Après de nombreux mois sans pouvoir voyager, tu t’envoles prochainement vers le Sénégal. Qu’attends-tu de ce voyage ?

Justement, je n’attends rien. J’ai envie de me laisser surprendre. Pendant longtemps j’attendais beaucoup de choses, et en fait j’étais souvent déçue parce qu’au plus tu attends des choses, au plus tu en veux encore plus.

J’espère surtout partager et transmettre la beauté de cette culture que je vais moi-même un peu découvrir, je suis déjà venue au Sénégal mais j’étais très jeune alors je ne m’en souviens pas. Il y a une grande partie de mon album qui est influencée par la culture griot, mandingue et là, je vais en immersion avec un maître de kora qui est mon joueur de kora préféré. Évidemment, j’ai toujours un peu d’appréhension parce que ça va être des rythmes intenses mais je vais essayer de voir comment moi je peux aider à faire une sorte de re-connexion entre les cultures.

Il me semble aussi que ta mère joue du violon. Est-ce qu’on peut s’attendre à une rencontre entre l’univers du violon et de la kora dans ton futur projet ?

À la base, ma mère est architecte mais oui, elle a joué du violon pendant longtemps. C’est un album qui est riche de plein d’influence, cependant, elle ne jouera pas sur cet opus.

Pour moi, ‘Be…’ c’est vraiment un condensé des leçons et des expériences que j’ai vécu.

Lubiana

Be…, un podcast pour accompagner sa musique…

Parlons maintenant de ton podcast ‘Be…’, parce que, en plus de te révéler en musique, tu t’exprimes aussi sous forme de podcast. Comment t’es venue cette idée de format ?

C’est un peu mélodramatique, mais m’étais dit que lorsque je commençais à voir le bout du tunnel, j’avais envie de partager certaines clés. Pendant longtemps, je ne savais pas comment faire, j’avais un rêve, je voulais réussir, faire de la musique, mais je n’avais pas de contact. Ça m’a pris beaucoup de temps, je suis allée à gauche, à droite mais c’est mon chemin. Aujourd’hui, je ne vois plus ça comme ça mais pendant longtemps j’ai perdu du temps avec des mauvaises expériences, où je ne me suis pas écoutée et un peu perdue.

Pour moi, ‘Be…’ c’est vraiment un condensé des leçons et des expériences que j’ai vécu. Sans vouloir dire aux gens ce qu’ils doivent faire, j’explique ce que moi j’ai réalisé et comment j’ai grandi après, en espérant que ça puisse aider d’autres personnes, toutes les personnes qui ont un rêve : évidemment les artistes mais j’ai aussi des gens qui m’écrivent qui veulent ouvrir un resto, qui ont des problèmes dans leurs études, qui vivent des situations personnelles compliquées… En fait c’est un podcast qui parle de choses universelles, je parle de mon parcours qui est très lié à la musique mais je m’étais dit “j’espère que ça n’aura pas été en vain si je peux au moins aider une personne”. Je mets ça là, si il y a des gens que ça aide, alors tant mieux.

C’est un projet que tu mènes seule ou alors tu es épaulée pour certaines tâches ?

Je fais tout toute seule. Je les écris chez moi, je les enregistre et puis il y a mon manager qui fait le mix. Il y a aussi Chloé du label qui le met sur les plateformes.

C’était important pour moi d’être à 100% derrière le projet et de moi-même tout écrire, sinon je pense que ça n’aurait pas été si authentique. Ça me prend beaucoup de temps mais quand je vois les retours et que je sais que ça fait du bien, ça me donne envie de continuer.

Comment fais-tu le choix de parler de tel ou tel sujet dans tes podcasts plutôt qu’en musique et inversement ?

Mon rapport à la musique, je le veux très direct. J’ai fait un parcours de solfège en académie puis le conservatoire supérieur et pendant ces études, j’ai été amenée à toujours lire, analyser, écrire la musique. C’était devenu presque pour moi comme des mathématiques et avant même d’avoir une idée, j’avais l’impression qu’il fallait que je l’écrive. Quand on me demandait ce que je faisais ou ce que je jouais, j’avais l’impression que tout devait être codifié.

Alors quand j’ai découvert la kora, j’ai appris que c’était un instrument d’Afrique et que pour pratiquer, il n’y avait ni partition ni tutoriel en ligne mais seulement ton oreille et ton écoute pour pouvoir reproduire. J’ai vraiment appris ça grâce à mes maîtres parce qu’on faisait des cours de 3, 4 heures, je devais essayer de décortiquer, deviner ce qu’ils jouaient. Depuis ce moment, quand je compose, j’écris, tout viens directement. Je ne réfléchis pas à ce que je veux ou ne veux pas faire.

Je dois le dire, cet album a vraiment été facile à faire pour moi parce que c’était le bon moment. Pendant longtemps il y avait plein de choses qui étaient difficiles dans ma vie, qui n’allaient pas et je pense qu’on le sent quand les choses coulent de source. Pour moi, cet album a été guidé, c’était très fluide.

À 17 ans, et même avant, je n’avais qu’une idée : faire de la musique, c’était mon rêve absolu.

Lubiana

Tes professeurs te disaient que tu n’étais pas faite pour la musique. Aujourd’hui, tu as sorti un EP dont plusieurs titres cumulent plus de 300.000 streams sur Spotify, tu as pu présenter ton projet lors d’émissions TV comme ‘C à vous’ ou plus récemment ‘Taratata’, ‘La nuit du Ramadan’, tu vas sortir ton album… Quel a été ton moteur de persévérance ?

C’est une sorte de foi, c’est quelque chose en moi qui me disait que ça allait aller. J’ai reçu aussi des signes de la vie, notamment la kora. Après, je n’avais pas d’autres options, j’ai eu des études qui étaient très difficiles, on m’a fait doubler ma première année… En fait si tu veux, à 17 ans et même avant, je n’avais qu’une idée : faire de la musique, c’était mon rêve absolu. J’avais découvert le jazz, je me disais que j’allais rentrer au conservatoire, c’était mon rêve d’être entourée de musique, tu sais, tu marches dans les couloirs, t’as plein de musique et tout.

À 17 ans, j’ai fait trois examens d’entrée. J’ai été recalée à deux dont un où le jury m’a arrêté en plein milieu et m’a dit “Non mais Lubiana, on est ici, en haut, toi tu es là, en bas”. C’est des paroles à cet âge que tu te prends en pleine figure. Ma prof de chant et le directeur de l’école après ma première année sont venus me dire “Écoute Lubiana, ce n’est pas pour toi, il faudrait que tu fasses autre chose”, un prof de piano qui lui m’a dit “Tu sais Lubiana, on frappe dans un arbre, il y en a huit comme toi qui tombent. Tous les artistes te diront qu’ils ont vécu des choses difficiles et je dois avouer que moi je n’ai pas du tout eu le soutien de la majorité de mes professeurs, pas tous heureusement, j’ai eu des profs qui étaient bienveillants mais ils se comptent sur les doigts d’une main.

Ça a été dur je ne vais pas te mentir, j’ai vraiment eu beaucoup de période de désillusion, c’est aussi pour ça que j’ai beaucoup voyagé. Si je suis partie à Londres ou aux États-Unis, c’est parce que j’avais l’impression que rien n’allait pour moi, ici en Belgique, que toutes les portes étaient fermées. Je suis allée là-bas presque tout recommencer à 0 mais quand j’ai commencé à voir l’engouement autour de la musique, je me suis rendu compte qu’il y avait quelque chose et qu’il ne fallait pas que je lâche…

Je dois le dire, cet album a vraiment été facile à faire pour moi parce que c’était le bon moment.

Lubiana