Marina Kaye en interview : « J’ai toujours été une grande gueule »

[dropcap]M[/dropcap]arina Kaye vient de publier son deuxième album très attendu, Explicit, et revient pour aficia sur sa confection qui en révèle beaucoup plus sur sa personnalité qu’on n’aurait pu l’imaginer. Rencontre.

Après le succès de son premier album Fearless (2015), porté par le hit « Homeless » et écoulé à plus de 200.000 exemplaires, Marina Kaye a opéré son retour dans les bacs avec Explicit, un disque toujours aussi inspiré qui témoigne néanmoins d’une évolution majeure, tant sur le fond que dans la forme. L’artiste qui fait régulièrement parler d’elle pour ses tweets acides ou certaines de ses déclarations dans la presse ouvre son cœur pour aficia, évoquant son rapport avec le public, sa manière d’appréhender le métier d’artiste et une possible carrière internationale.

Je suis toujours apparue comme étant quelqu’un de très calme.

Sur ce nouvel album, on retrouve un titre déjà joué lors de ta première tournée. Ce qui revient à dire que le projet Explicit était en route depuis pas mal de temps. Dans quel contexte a-t-il été élaboré ?

Lorsqu’on fait de la musique, le format habituel est l’album. Mais, moi, en réalité, je vais très régulièrement en studio pour enregistrer de nouveaux titres. J’écris tout au long de l’année. C’est pour ça que « This Time Is Mine » se retrouvait déjà dans la setlist de mon spectacle. Je peux même te dire que le titre « Miracle » avait été écrit en 2015. Je n’écris pas forcément en pensant à ce que ça aboutisse sur un album. Je dirais plutôt qu’à un moment donné, lorsque je me rends compte que j’ai assez de matière pour enregistrer un disque, le projet commence à prendre forme.

En premier lieu, tu avais présenté le single « On My Own » au printemps. Son clip m’avait interpellé puisqu’il traduisait à la fois une évolution physique et mentale. Je voulais donc savoir qui était Marina Kaye aujourd’hui, comparée à celle qu’on avait découverte à travers le tube « Homeless » il y a trois ans ?

Je dirais que je suis restée la même personne au fond de moi, mais beaucoup plus calme, posée, prenant les choses avec plus de recul. C’est surtout ça que je voulais signifier avec le clip de la chanson « On My Own ». Je voulais montrer au public que j’avais grandi, en le montrant par une évolution physique mais aussi dans mon comportement. Je suis toujours apparue comme étant quelqu’un de très calme, ce que je ne suis pas du tout en réalité. Quand j’ai publié mon premier single « Homeless », j’étais dans une sale période. Le fait d’avoir pu commencer à m’exprimer à travers ma musique m’a permis de rencontrer des gens, de grandir et de devenir une adulte. Ça m’a permis de m’épanouir, tout simplement.

Est-ce dire que la musique agit pour toi comme une thérapie ?

C’est une question qu’on me pose souvent, et je réponds « oui ». C’est vrai qu’à un moment c’est thérapeutique d’écrire des chansons. Mais ce n’est pas la musique qui fait toute ma vie entière. C’est à dire qu’au quotidien, ce n’est pas ça qui règle les problèmes. J’ajouterais aussi que c’est super de voir les gens écouter ces chansons-là et que je puisse les interpréter sur scène.

Qu’est-ce qui t’a motivé à révéler ce pan de ta personnalité qu’on méconnaissait jusqu’à présent ?

Sincèrement, je ne sais pas. (Sourire) Peut-être parce qu’on n’est pas du tout la même à 16 ans qu’à 19. Tous les jours, à chaque heure même, on évolue en permanence. Je pense que l’évolution personnelle se fait avec l’âge et que c’est le cas de toutes les personnes qui ont le mien.

Soprano est quelqu’un que j’aime beaucoup.

Tu as dit du titre « Something » qu’il était celui que tu préférais sur cet album. Pourquoi ?

Parce que j’adore les piano/voix et que j’aime beaucoup les chansons à texte. « Something » en est une et elle fait vraiment partie de moi. J’en suis fière. C’est une chanson qui est assez simple pour sa mélodie mais qui est très forte.

Regardez le clip « Something » de Marina Kaye :

Sur cet album, on retrouve un duo avec Soprano. C’est le deuxième que vous partagez ensemble, après « Mon Everest » l’an dernier, qu’on retrouve sur son album L’Everest. Ça te paraissait évident qu’il te rende la pareille ?

Ce n’est pas parce que j’avais été invitée sur son album que je l’ai invité à son tour sur le mien. Ce qui était évident pour moi, c’était d’enregistrer un nouveau duo avec lui si je devais en faire un pour mon album. Ça avait très bien marché la première fois, donc je n’avais aucun doute sur le fait que ça puisse bien marcher une seconde fois. Humainement, c’est quelqu’un que j’aime beaucoup. Je me suis dit que c’était vraiment lui qui devait chanter en l’écoutant en studio sur le pont de « Vivre ».

Entretenez-vous une relation amicale en dehors des studios ?

Oui, évidemment. Mais nos emplois du temps respectifs sont chargés et assez différents. On ne fait pas toujours les mêmes choses. On a très régulièrement un petit mot ou une petite attention l’un pour l’autre. Lorsque c’est possible, on se croise. Et puis, son équipe est géniale.

Peut-on imaginer que d’autres rappeurs puissent à leur tour retenir ton attention et avec lesquels tu pourrais collaborer par la suite ?

Très honnêtement, je ne sais pas. Je ne suis pas vraiment dans ce mood-là en ce moment. Pourquoi pas, mais ce n’est pas du tout à l’ordre du jour pour l’instant. Maintenant que cet album est sorti, je cherche d’autres choses, j’ai de nouvelles envies… Je ne sais pas encore ce que je vais pouvoir faire artistiquement parlant par la suite. Alors je ne saurais pas dire avec qui je pourrais enregistrer un duo. (Sourire)

Au point de pouvoir changer totalement de direction et t’aventurer sur d’autres terrains comme le cinéma par exemple ?

Non, c’est uniquement musical. Ce n’est que ça ! (Rire)

Écoutez le titre « Vivre » de Marina Kaye et Soprano :

La grande nouveauté sur l’album Explicit, c’est que tu chantes en français. Qu’est-ce qui t’a donné envie d’abandonner la langue anglaise sur quelques titres ?

Ça s’est passé de manière très spontanée. J’étais en studio et je me suis dit que je devais essayer de chanter en français. C’est vrai que j’ai eu beaucoup de demandes, alors je m’étais dit que c’était peut-être l’occasion de pouvoir faire plaisir au public. Si ça n’avait pas marché, j’aurais mis ça à la poubelle et personne n’aurait jamais su que j’avais tenté cette expérience. Mais comme j’ai trouvé ça plutôt satisfaisant, ça a été mis sur l’album.

C’est aussi ce qui différencie ton premier album du deuxième… Entre les deux, tu as découvert un public que tu as appris à connaître et auquel tu souhaites répondre.

Exactement ! Sur Fearless, personne ne m’attendait. J’étais une inconnue. J’étais seule dans mon « délire ». Je ne m’attendais pas à ce qu’il y ait une vraie réponse en retour. Maintenant, j’ai la responsabilité de faire des choses qui, à moi me plaisent, et qui en même temps ne vont pas dérouter ce qui sont déjà là.

Je ne pense pas réitérer l’expérience de chanter en français tout de suite.

Es-tu consciente justement que de t’entendre chanter en français pourrait dérouter tes fans de la première heure, ceux qui avaient justement été touchés par des chansons écrites en anglais ?

Oui, parfaitement ! (Sourire) Et c’est pour ça que les titres français n’ont pas été les premiers singles. Ce n’est pas avec ça qu’on pouvait entamer la promotion d’Explicit. Je pense aussi qu’il faut dérouter, je ne voulais pas revenir avec la même chose. J’avais envie de créer une surprise pour le public. Pour moi, dérouter ç’aurait été de m’aventurer dans d’autres registres comme l’electro ou du hard rock. Là, c’est toujours moi, mais pas dans la même langue.

Est-ce aussi facile d’écrire dans la langue de Molière pour toi ?

Sincèrement, ça n’a pas été simple. Et d’ailleurs, je ne pense pas réitérer l’expérience tout de suite. Je trouve que c’est plus facile de faire sonner une chanson en anglais plutôt qu’en français. Et avec tout le respect que j’ai pour les artistes qui font de la variété, je ne voulais absolument pas tomber là-dedans. J’ai eu vraiment peur de me perdre. Donc les premières phrases qu’on écrit, on les donne toutes, mais il n’y a rien qui fonctionne. On a l’impression que tout ce qu’on écrit est débile en fait au début.

Dans le titre « Merci quand même », tu t’adresses à ton public et tu apparais reconnaissante envers lui de te suivre. Tu as déclaré récemment pour RTL que tu avais justement eu beaucoup de mal à gérer l’après-tournée. Je voulais savoir quelles leçons tu avais tiré de cette période compliquée.

C’est surtout que j’ai eu mes premières vacances, alors j’ai fait une sorte de crise d’adolescence pendant un petit moment. Et je ne savais pas comment me remettre dans le bain. Finalement, c’est revenu assez facilement. Je ne pense pas que j’ai eu du mal à gérer l’après tournée en fait. Je dirais plutôt que c’était nécessaire et que finalement ça a été bénéfique. C’est ce qui m’a permis d’écrire des chansons comme « Something » par exemple. Ce qui est plus compliqué à gérer chez moi, ce sont mes envies et mes besoins qui changent très régulièrement.

Ne crains-tu pas de revivre la même chose après ta prochaine tournée qui commencera au printemps ?

Non, je ne crois pas. Maintenant, j’ai un peu vécu malgré mon jeune âge beaucoup de styles de vie différents. Et je sais ce dont j’ai envie, ce qu’il me faut. Le principal est de ne pas favoriser les excès. Que ce soit dans le travail ou pendant les périodes d’amusement. Le principal est de trouver le juste équilibre, la bonne balance.

Je ne vois pas pourquoi ma vie serait plus intéressante que celle des autres.

Chanter en français, n’est-ce pas aussi prendre du recul par rapport à une carrière internationale entamée l’année dernière ?

Je n’ai jamais débuté de carrière internationale. Ce sont les médias qui ont inventé ça. (Sourire) Je n’ai jamais signé dans un label ailleurs qu’en France, ni publié d’album aux Etats-Unis… J’y ai juste chanté dans le cadre d’un festival texan de découvertes musicales. C’était très classe d’y aller, j’étais honorée. Autour de ça, on a greffé quelques dates là-bas, mais ça s’est arrêté là. Le jour où je lancerai quelque chose à l’international, ce sera beaucoup plus sérieux que ça. Je sais que ça prendra des années. Je n’ai pas envie de lancer un single et « au revoir ».

Ce n’est donc pas pour maintenant…

Je ne peux dire si c’est pour maintenant ou pas. Les marchés, ce n’est qu’une question d’opportunités. Ça viendra ou pas…

La dernière piste de cet album est une reprise d’un titre de Céline Dion, écrit par Jean-Jacques Goldman : « Vole ». Qu’est-ce qu’il signifie pour toi et pourquoi avoir décidé de l’intégrer à Explicit après l’avoir interprété sur TF1 au mois de janvier ?

Après l’avoir chanté à la télévision, j’ai compris que ça avait beaucoup touché les gens. Et ça m’a énormément fait plaisir parce que c’est une chanson que j’aime vraiment beaucoup. Je l’interprète aussi de manière plus personnelle en hommage à un membre de ma famille qui est décédé.

Découvrez la reprise de « Vole » par Marina Kaye :

Dans tes chansons, tu parles très souvent de tes blessures ou des chaînes qui te retiennent. On ne peut toujours pas savoir ce qui a bouleversé ta vie pour que tes pensées soient aussi tourmentées ?

Ce n’est pas qu’on ne peut pas savoir… J’ai fait mon premier album sans pressions et sans me dire que je signerais sur un label, qu’on me poserait des tonnes de questions au sujet de mes textes. Je ne m’attendais pas à ça. Et donc je me suis retrouvée en interview à essayer de défendre au maximum ma vie privée, parce que j’avais livré au public mon journal intime. Parce que Fearless était vraiment un journal intime. J’avoue que c’était très difficile à gérer. Je préfère que ma vie privée reste privée, parce que je ne suis pas la seule à être impliquée. Tout le monde à ses histoires et je ne vois pas pourquoi ma vie serait plus intéressante que celle des autres. J’écris à base de mes sentiments, mais je veux que les gens puissent prendre mes chansons et les relier à leurs histoires. Pas forcément à la mienne !

Tu t’exposes par ailleurs beaucoup sur les réseaux sociaux. Quelle image penses-tu renvoyer au public ?

Grande gueule ! (Rire) C’est ce que je suis ! J’ai toujours été comme ça, quelqu’un qui dit ce qu’il pense. Ça me sert et ça me dessert aussi sans doute. C’est ma personnalité et pour moi le principal est de ne pas tricher. Donc je ne triche pas.

Penses-tu que la polémique née de ton tweet posté au sujet de ta non présence à la cérémonie des NRJ Music Awards 2017 va te servir ou te desservir ?

Je ne sais pas, mais bon, pour moi ce n’est pas une polémique. Les gens pensent ce qu’ils veulent, j’ai écrit un tweet et je suis passée à autre chose. Evidemment que je ne vais pas donner les raisons que j’évoque dans mon message, c’était ironique. Ça ne me rebute pas du tout d’aller aux NRJ Music Awards. Si j’étais invitée, j’irais.