Suzane - © Laura Gilli
Suzane - © Laura Gilli

Suzane en interview ‘Sans filtre’ : “La genèse de ‘Caméo’, c’est de raconter l’essentiel”

Suzane opère son retour avec un deuxième opus lumineux et aérien. Pour l’occasion, aficia s’est entretenu avec elle au cours d’une interview ‘Sans filtre’ !

En 2018, Suzane avait fait sensation avec “L’insatisfait”, un premier single révélant tout son potentiel artistique. Auteure, interprète et performeuse de talent, l’artiste dévoilait alors son premier opus intitulé Toï Toï . Et malgré la crise sanitaire, le disque a rencontré un beau succès comme l’atteste notamment la certification disque d’or décrochée grâce à plus de 50 000 copies écoulées.

Étoile montante sur la scène musicale pop urbaine, Suzane poursuit une carrière prometteuse en levant désormais le voile sur Caméo, un deuxième opus studio richement enrichi de 16 compositions originales. Avec ce nouveau projet, l’artiste vise davantage la lumière et se livre sur son histoire personnelle. Pour aficia, elle revient ainsi sur la genèse de ses nouvelles chansons, sur le succès et le rapport au public.

Écoutez Caméo, le nouvel album de Suzane :

Suzane, l’interview !

Dans quel état d’esprit es-tu à l’occasion de la parution de ton nouvel album ?

Je crois qu’il n’y a pas qu’un mot pour décrire ce que je ressens, c’est toujours assimilable à un voyage la réalisation d’un album et c’est intense quand on le créait. C’est le deuxième disque alors je peux peut-être un petit peu mieux en parler. Mais en tout cas c’est toujours très intense parce que j’ai eu l’impression d’aller au fond de moi tout en étant également en pleine conscience de ce qu’il se passe autour de moi. J’ai pu écrire sur ce que j’ai ressenti pendant un an et demi. Tout ce que j’ai pu vivre se retrouve dans ces 16 nouvelles chansons. C’est toujours fou de voir les nouvelles chansons exister et d’arriver dans la vie des gens. Je suis donc dans un état d’esprit qui mêle du soulagement, de trac et de l’excitation. Mais je me sens ultra vivante.

Après le succès incontesté de ton premier disque porté par de nombreux singles radiophoniques, appréhendes-tu la réception de tes nouvelles chansons ?

C’est vrai que Toï Toï est arrivé jusqu’au disque d’or en pleine pandémie donc je suis très heureuse de savoir que le public ait porté son attention sur cet album. Après, les chansons étaient peut-être calibrées pour les radios mais je dirais que nous n’avons pas fait un disque d’or grâce à l’aide des radios. Le titre “Il est où le SAV ?” a été un petit peu diffusé sur les ondes au moment du confinement, mais pas tant. Mes titres ont eu une résonnance auprès du public sur les réseaux sociaux et sur Youtube. C’est ce que j’apprécie aussi. La radio est très importante, ça aide beaucoup mais j’ai eu de la chance de pouvoir transmettre ma musique en live et de constater que les gens la recherchaient. En définitive, j’ai eu la chance de rencontrer le public avec l’ère de Toï Toï, ça a été fou. Et ça m’a permis de le retrouver récemment à l’Olympia. C’était émouvant.

Découvrez “Il est où le SAV ?” de Suzane :

Le disque s’ouvre avec “Océane”, une ballade émouvante et autobiographique. Est-ce que tu tenais à te livrer, à te mettre à nu en introduction ?

Clairement, ce titre est une mise à nu. Je l’ai en tout cas vraiment ressenti comme ça. Certaines personnes pensent que c’est juste une apparition mais moi j’ai plutôt l’impression d’apparaître dans mon propre film, c’est-à-dire d’entrer sur la scène en me présentant officiellement. Ma vie a beaucoup changé depuis les premières chansons écrites dans le bar dans lequel je travaillais lorsque je suis arrivée à Paris. J’avais envie de me présenter en tant qu’Océane parce que je n’avais pas envie de ressentir qu’Océane était moins bien, que c’était la fille provinciale qui n’ose pas, qui a du mal à entreprendre et qui échoue là où Suzane ose. Je n’avais pas envie de me sentir double car au final, les émotions sont dans une seule et même personne. Le fait de rencontrer le public et de constater les regards bienveillants m’ont donné envie d’enlever quelques couches. Je pense souvent à cette image du super-héros et de Super-Man qui est en combinaison mais qui rentre chez lui en Clark. J’avais envie d’emmener le public dans cet univers là, quitte à aller ailleurs ensuite. Je verrais comment je pourrais me réinventer mais cette fois-ci, ma façon de me réinventer était de me tourner vers moi-même de façon plus naturelle.

Tu chantes “N’oublie pas de ne pas t’oublier”. Est-ce que l’idée du succès a pu te faire peur ?

Oui, on se lance dans l’industrie assez timidement. J’écrivais des chansons en pensant que personne n’allait les écouter et tout d’un coup, il y a la rencontre. On rentre dans la vie des gens. J’avais du mal à le réaliser mais c’est en concert qu’on se rend vraiment compte de l’impact que ça a. Ma mère me dit souvent qu’elle a l’impression qu’on lui a volé sa fille depuis qu’elle me voit à la télé, dans les médias ou à la fin du concert et qu’elle ne peut pas me voir parce que je suis happée par des gens. Elle peut ressentir ça parfois et il y a toujours ce double tranchant. Elle est à la fois tellement fière quand elle voit un Olympia complet mais aussi un petit peu triste quand elle ne peut pas me voir à la fin du concert. Dans les métiers d’image, il y a toujours cette ambivalence, il faut être souriant, en forme, heureux d’être là. Mais il y a pourtant des aspects un petit peu moins simples, à commencer par les moments de doute, des jours où on ne se sent pas très bien mais il faut être face à la caméra. C’est un vrai métier. Il y a le rêve et je vis vraiment mon rêve mais il faut aussi être professionnel !

Suzane - © Laura Gilli

Je pense que j’ai réussi à écrire davantage à la première personne alors que j’avais du mal à dépasser cette frontière avec moi-même dans le premier disque

Suzane

Peux-tu nous expliquer le choix du titre Caméo et ce que ça représente pour toi ?

Caméo a eu plusieurs significations pour moi. C’est un personnage non mentionné au générique qui fait une apparition sur la scène. J’ai l’impression que c’est ce qui m’est arrivé. J’étais dans mon restaurant en train d’écrire, en rêvant que tout ça pourrait se produire un jour mais sans m’en douter un seul instant. Tout le monde est le personnage de sa propre vie et dans Caméo, j’ai l’impression de raconter la mienne de façon plus précise. Je raconte ma famille, d’où je viens, mes rêves, les caméos d’artistes que j’ai pu insérer dans le disque avec Mylène Farmer, Diam’s… Je pense que ce titre d’album est un moyen d’illustrer cette mise à nu.

Peut-on dire que cet album est plus nostalgique et autobiographique que le précédent ? La pochette semble illustrer tous les instantanés de vie intimes.

Ce sont exactement des instantanés de vie ! Plus autobiographique, c’est certain. Je pense que j’ai réussi à écrire davantage à la première personne alors que j’avais du mal à dépasser cette frontière avec moi-même dans le premier disque. Toï Toï est un petit peu plus en colère, on le ressent dans ma voix aussi. C’est ce qu’il fallait que je fasse à ce moment-là. Depuis, j’ai peut-être trouver un petit peu de sérénité et de douceur, j’en avais besoin. Bien sûr, il n’y a pas que de la douceur dans cet album, il est assez nuancé dans les émotions mais j’avais envie de rythmiques plus chaloupées et solaires. On était en train de vivre une pandémie mondiale, une guerre en Ukraine, donc j’avais envie d’équilibrer les chansons. Certes, il y a “Génération Désenchantée” ou “La fille du 4ème étage”, des chansons plus dures mais globalement, les pistes sont plus solaires.

Dans quelle mesure la pandémie a justement influencé ton écriture ? Peux-tu revenir sur la genèse du disque ?

Je m’interrogeais beaucoup sur le sens de la vie. On se rend compte que le monde s’effrite un petit peu autour de nous entre les guerres, les crises climatiques et sociales… J’avais du mal à savoir ce qui pouvait me rendre heureuse dans cette vie-là. Je suis donc allée puiser dans l’essentiel. L’essentiel, c’est ma famille, la personne que j’aime et pour qui j’ai écrit “Vista sul mare”. C’était aussi l’envie de me rappeler un ami perdu ou une ancienne voisine à qui je pense régulièrement. Quand j’ai entendu que les violences conjugales étaient plus nombreuses encore, j’ai tout de suite pensé à elle. Ce disque, c’est aussi cet hommage à Krishna, le patron qui m’a tendu la main à mon arrivée à Paris. Sa vie est incroyable car il a fui la guerre au Sri Lanka. Il est arrivé ici alors qu’il ne parlait pas un mot de français, hormis celui de briquet, et il ne connaissait personne. Il m’a donné beaucoup de force et il fallait que je raconte cette histoire dans une chanson qui peut résonner chez ceux qui quittent leur pays. On oublie souvent que ces personnes ne quittent pas leur pays par envie mais parce qu’ils fuient quelque chose. Donc la genèse de ce disque, c’est de raconter l’essentiel, les gens qui m’entourent et comment je me suis construite à travers les autres et dans ce monde dans lequel je tente de trouver ma place.

Ton album physique se décline en plusieurs pochettes, peux-tu m’expliquer pourquoi ces cinq titres sont mis en avant ?

J’aurais aimé mettre en images toutes les chansons. Pour moi, ce sont comme des affiches de films et chaque chanson pourrait avoir son propre univers. Le titre “Un ticket pour la lune” est lié à un univers fantastique. “Clit Is Good”, c’est presque le film interdit aux mineurs mais qui nous intrigue. En tout cas, on a isolé quelques titres comme des affiches de films. J’espère que dans mes chansons, les mots renvoient au public des images qui leur permettent de créer leur propre film.

Dans “Génération désenchantée”, tu fais référence à Mylène Farmer. Dans quelle mesure a-t-elle pu t’inspirer dans le développement de ta carrière ?

Mylène Farmer m’inspire depuis toujours, depuis le Hit Machine des années 90. J’avais envie de faire comme elle. Je pense que c’est ce qu’elle dégage qui m’inspire. C’est à la fois son aura, son écriture et sa manière de rassembler les gens. Sa chanson “Désenchantée” a toujours raisonné en moi. Je pense que dans mes premières angoisses de la vie, il y a eu Mylène pour m’accompagner. Je trouvais que ce clin d’œil était aussi une manière de dire qu’il y a 30 ans, Mylène racontait déjà que tout est chaos. Moi, jeune Suzane, qui a à peu près l’âge de sa chanson, je me rends compte qu’aujourd’hui encore, tout est chaos. Mais on tente d’avoir de l’espoir. On est au début de notre vie et on essaie de trouver des solutions. Donc j’ai voulu écrire cette chanson avec un rythme très urbain, comme une manière de transformer mes angoisses. Ce monde me fait peur et j’espère que cette chanson donnera de la force à tous ceux qui l’écouteront. La force de sortir de chez soi et de lever le poing quand on n’est pas d’accord.

Penses-tu que c’est important que les artistes alertent sur des sujets de sociétés et transmettent des messages ? Qu’ils mettent leur notoriété et leur plume au profit de causes ?

C’est vrai que je ne me dis pas d’emblée que je vais parler de sujets de société quand j’écris un album. Je ne me fais pas la réflexion mais quand je vois les chansons finalisées, je considère que c’est important que ces chansons existent. En fait, ce sont plus les gens qui me font comprendre qu’elles sont importantes. C’est une manière de s’engager, d’oser le faire et d’aller jusqu’au bout. Il ne faut pas douter et craindre d’évoquer des sujets qui peuvent encore paraître un petit peu sensibles. On parle tous les jours des violences conjugales et des féminicides dans les médias mais pour autant, que se passe-t-il ? On a l’impression que nous sommes conditionnés au fait que les femmes meurent dans la violence. Les lois ne changent pas et on ne voit pas les condamnations. Je ne suis pas un porte-parole mais ça me semblait naturel d’évoquer l’histoire de cette femme dont j’ai rencontré le chemin et que j’ai entendu souffrir de la violence.

Suzane - © Laura Gilli

C’est un petit peu le message que je tente de partager depuis ‘Toï Toï’, d’essayer de s’émanciper, de s’affranchir, d’atteindre ses rêves…

Suzane

Si tu devais retenir une chanson de cet album que tu souhaiterais que le public découvre absolument, laquelle choisirais-tu ?

C’est un exercice compliqué ! Pour des raisons différentes, je dirais “Génération désenchantée” parce que c’est un endroit où l’on se rejoint, c’est un collectif, une chaîne humaine. Et “Océane” pour dire aux gens d’être eux-mêmes. C’est un petit peu le message que je tente de partager depuis Toï Toï, d’essayer de s’émanciper, de s’affranchir, d’atteindre ses rêves… Je pense que c’est l’une des choses les plus difficiles dans la vie. On a effectivement tendance à revêtir un masque.

Quels arguments choisirais-tu pour inciter le public à découvrir ton album ?

Je dirais que c’est un album qui parle de la vie, de façon un petit peu pure. Je pense que les gens peuvent se reconnaître dans ces notions d’espoir, d’amitié, de famille mais aussi dans le deuil malheureusement. Nous sommes des humains faits d’émotions.

Dans « Suzane » tu rêvais de l’Olympia, quel prochain rêve peut-on te souhaiter de réaliser ?

Je vis mon rêve doublement avec un Olympia le 10 mai ! Maintenant, j’ai envie d’ouvrir mes chakras entièrement. J’arrête de faire des plans sur la comète du style faire des zéniths. Bien sûr, j’aimerais remplir de plus grandes salles un jour mais je pense que je vais me faire un petit concept “Pura Vida”. J’aimerais trouver le bonheur sans devoir cocher 10 millions de cases. Je vais le trouver dans les choses simples, dans les moments en famille, devant de beaux paysages et en concert avec des gens, parce que j’aime partager. Je me souhaite de ne jamais perdre de vue ces moments-là.

Visionnez le clip de “Clit Is Good” :

Qu’est-ce qu’on écoute dans la playlist de Suzane ?

Je te recommande d’écouter Rosalía. Je n’écoute qu’elle en ce moment. J’avoue que quand j’adore des chansons, j’ai du mal à passer à autre chose. J’écoute beaucoup les Beatles aussi parce que je croyais que je ne connaissais pas assez bien. Finalement si, je connais bien mais je me suis rendu compte que je n’avais pas assez écouté les anciennes chansons dans le détail. Aussi, je retrouve mes guilty pleasure avec Diam’s et Vitaa ou la chanson “Freed From Desire”. Puis j’écoute également la réédition de Civilisation d’Orelsan parce que je suis attentive à tout ce qu’il fait.