Petit Biscuit - © Jonathan Bertin
Petit Biscuit - © Jonathan Bertin

Petit Biscuit en interview : “La France dispose d’une belle diversité mais ce que je voulais fuir c’était des traumatismes”

On entame un format ‘Une semaine avec…’ Petit Biscuit à l’occasion de la sortie de son nouvel album Parachute. Playlist, interview, chroniques… Rendez-vous toute la semaine sur aficia !

Il a publié le mois dernier son nouvel album Parachute, quatre ans après son premier opus promu par le single tube “Sunset Lover”. Nous vous proposons de passer ‘Une Semaine avec…‘ Petit Biscuit où nous parlerons de voyages, d’éco-responsabilité et de son album, bien entendu ! Place à l’entretien !

Petit Biscuit, l’Islande comme îlot d’évasion… 

Nous avons souhaité aborder avec Petit Biscuit ses différents voyages ayant servis à la confection ce nouvel album. On va parler d’évasion mais surtout de l’Islande où Petit Biscuit a séjourné près de deux mois, loin de tout, coupé du monde. Il nous raconte ce bien fou que cela lui a procuré… 

Petit Biscuit : l’interview…

J’ai lu que c’était en Islande que tu t’étais réfugié pour concevoir ton nouvel album Parachute. Avec qui es-tu allé là-bas ? 

Techniquement, j’y suis allé avec une partie de mon équipe dont mon photographe Jonathan Bertin, qui me suit depuis le début du projet, et Baptiste qui m’accompagne depuis trois ans maintenant. Ce sont plus des potes que des collègues de travail. On a été très proches durant cette période, mais ils me laissaient dans mon coin pour des petites périodes d’introspection quand j’en avais besoin. On s’est laissé la liberté de faire ce qu’on voulait, c’est-à-dire que s’ils voulaient aller faire de la photo/vidéo sans moi, ils pouvaient.  Chacun devait se sentir libre de ses gestes, c’était ce qu’on s’étaient dit. 

J’ai cherché l’inspiration sans la chercher finalement. Elle était déjà venue avant. Je me suis réellement mis à composer que quand il y avait un moment clé.

Petit Biscuit

En allant séjourner quelques temps là-bas, espérais-tu trouver quelque chose de différent, une ambiance apaisante peut-être ? 

Je cherchais à ne rien planifier. Je vais dans une destination et je vois ce qu’il se passe. La seule chose que j’ai faite c’est louer deux logements dans deux villes différentes, l’une au Nord du pays, et l’autre au Sud, à Reykjavik. On s’est fixé une durée d’un mois dans chaque village et le fait de ne rien planifier, il s’est finalement passé pas mal de choses. Par exemple, dans le premier village où l’on a atterri, notre voisin était un pêcheur. C’est naturellement qu’il est venu sonner à notre porte, les propriétaires du lieux l’avaient prévenus qu’il y aurait des locataires. Le pêcheur s’appelait Birkhir. Il était vraiment trop cool, il nous a emmené en mer avec lui. Le soir, on a invité nos voisins et des inconnus à prendre un apéritif à la maison pour discuter avec eux. Quand on était dans le Nord, on a trouvé à faire du chien de traineaux, du ski… C’était super car c’était l’inverse de ce que je faisais en tournée.

C’est quelque chose que tu n’as pas eu le temps de faire auparavant ?

Exactement. C’est ça que je cherchais, m’éloigner du cadre de la tournée. Jusqu’à maintenant, mes voyages étaient exclusivement dédiés à la tournée. Je n’ai pas eu l’opportunité de beaucoup voyager quand j’étais petit. Et d’un coup, j’ai fait beaucoup de voyages, mais ce n’était pas spécialement reposant. 

Je me rappelle m’être posé pas mal de questions à ce moment. En tournée, je me suis toujours senti en méga sécurité.

Petit Biscuit

Finalement, est-ce qu’il n’y avait pas un besoin de faire le vide ? 

Il y avait une envie de lâcher prise. De l’inspiration aussi, forcément parce que je m’étais dit que je ferais mon deuxième album là-bas. J’ai cherché l’inspiration sans la chercher finalement. Elle était déjà venue avant. Je me suis réellement mis à composer que quand il y avait un moment clé. C’est un sentiment particulier. Parfois, il était 3h du matin, j’étais près à m’endormir, mais non, j’avais cette envie de composer à ce moment-là parce qu’il venait de se passer quelque chose. Parfois, c’était 17h, l’heure de sortir, et je disais non à mes potes, faut vraiment que je fasse du son. Ça dépend vraiment. Il y a eu des petites périodes où j’avais vraiment besoin de faire du son quelques heures. Pendant un mois, cela a bien marché. Je n’ai pas précisément compté combien de temps j’ai passé sur cet album, mais entre l’Islande et les États-Unis, j’ai dû y passer 80% de mon temps. C’est énorme, je m’attendais à beaucoup moins. 

Finalement, quel(s) souvenir(s) gardes-tu de ton séjour en Islande ? 

Il y a beaucoup de souvenirs, mais j’en garde un. C’est une petite anecdote (rires), qui m’a bien fait cogiter. En gros, pour redescendre du Nord en direction de l’aéroport, c’était très enneigé malgré qu’on roulait sur la route principale. Je te laisse imaginer l’état des toutes petites routes, bloquées à ce moment-là. On roule, on roule et à un moment donné on a atterri à la limite d’un ravin en franchissant les barrières de sécurité. Ça venait d’être déneigé mais il neigeait tellement que cela avait déjà tout recouvert à nouveau. On a eu le coup de flippe de notre vie. On a cru qu’on allait tomber. C’était vraiment impressionnant.  On a essayé d’être ingénieux en trouvant une solution pour faire reculer la voiture sans qu’elle ne tombe. On a gardé notre sang froid, cela ne servait à rien de s’agiter dans tous les sens, mais en même temps, on voyait dans le visage de chacun qu’on était pas très serein ! (Sourire)

Je m’attendais à une histoire plus gaie de ta part… 

Ce n’est pas très gai, mais je me rappelle m’être posé pas mal de questions à ce moment. En tournée, je me suis toujours senti en méga sécurité. Mais là, j’étais dans un pays où je me suis livré qu’à moi-même. On n’a pas vu beaucoup de gens circuler sur la route parce que les gens ne vont pas souvent dans le Nord car c’est dangereux d’y aller. Donc oui, c’était à nos risques et périls, mais c’est chouette car pour le coup, cela s’apparente à un vrai voyage ! Ce n’est pas le goût du risque car ce n’est pas fait exprès, mais cela fait partie des choses inattendues dont je te parlais tout à l’heure, en fait (Rires). 

Je trouve ça intéressant de changer d’environnement car cela nous fait réfléchir autrement.

Petit Biscuit

Y a-t-il une chose qu’il n’y a pas en France que tu regrettes en Islande ? 

Il y a plein de choses en fait (Rires). Ce n’est pas du regret en fait… Je vais te dire des choses débiles, d’autres un peu moins, mais les deux logements qu’on avait, il y a avait personne à une centaine de mètres autour. Nos voisins étaient très loin. C’était intimiste. Mais c’est peut-être aussi que j’ai pas forcément l’habitude de voir ce genre de paysages, ce côté enneigé m’a fait quelque chose. Des paysages blancs, se réveiller avec ça… c’est grandiose. Je cherche peut-être trop loin aussi. En fait, j’ai eu la chance de faire beaucoup de destinations chaudes en vacances. Pour une fois, j’étais dans un pays où tout était blanc. Il y avait une vraie douceur qui émanait de ça, j’étais bien. Ça m’a beaucoup rassuré. J’étais comme dans un cocon. C’est peut-être ça, cet enneigement qu’il me manque en France. 

En cherchant à voyager aussi souvent que tu le fais, n’y a-t-il pas une manière de “fuir” le pays pour trouver meilleur ailleurs le temps d’une escale ? 

Ce n’était pas fuir la France. La France est un pays magnifique. Je ne le dis pas en mode patriote parce que je ne le suis pas du tout, mais je trouve que la France dispose d’une belle diversité. À contrario, je ne me vois pas vivre dans un pays où cela en manque. Je me vois vivre en France car c’est un pays que je kiffe. Mais par contre, ce que je voulais fuir, c’était des traumatismes. C’est vraiment ce que je raconte dans Parachute en fait. Je pense que certaines localisations en France, selon où je suis, peuvent s’associer à des traumatismes, à des endroits où il y a beaucoup de pressions, comme à Paris. C’est cette pression que je fuyais, les blessures. Je suis quand même beaucoup resté en France. Je voulais peut-être  me construire ailleurs. À un moment donné, on a tous besoin de changer d’environnement  pour un petit moment. Je trouve ça intéressant de changer d’environnement car cela nous fait réfléchir autrement.