Ycare en interview : “Je ne pensais pas survivre à ce disque…”

Nous avons eu le plaisir de rencontrer Ycare. L’occasion d’échanger sur son dernier album, ses collaborations… Confidences !

Sorti en 2018, Adieu je t’aime a vu Ycare revenir sur le devant de la scène avec un album dans lequel il a dévoilé ses fêlures et ses blessures mais par lequel il a aussi voulu insuffler une bonne dose d’espoir et d’amour. Porté par des titres comme “À qui la faute”, “Je vais dormir” ou encore “D’autres que nous (14 boulevard Saint-Michel)”, ce dernier cru lui a aussi permis de partir sur les routes et de retrouver son public pour de beaux moments de partage.

Alors que nous étions présents à son concert à Rillieux-la-Pape, les plannings respectifs n’avaient pas permis d’organiser une rencontre mais nous avions pu rapidement discuter à l’issu du concert… Car Ycare c’est ça aussi ! Un artiste très proche de son public qui ne boude pas son plaisir à passer un long moment à prendre des photos, signer des autographes et partager tout un tas d’émotions.

Quelques jours après ce très joli concert, nous avons pu échanger plus longuement avec le chanteur. De ses débuts à l’amour en passant par sa belle amitié avec Axelle Red, nous avons pris le temps de lui poser les questions qui nous trottaient dans la tête…

Ycare : l’interview…

Tu as des origines libanaises et tu as grandi au Sénégal, qu’est ce que ce métissage culturel t’a-t-il apporté dans ta vie et ta carrière ?

Nous sommes riches de la différence. Qu’il y ait ces différents berceaux, c’est sûr que ça m’a apporté en tant qu’humain. Dans l’ouverture d’esprit, un moyen de s’enrichir plus dans la différence avec les autres… Justement, aujourd’hui en France, plus que jamais, nous ne voyons la différence plus comme un problème. Que ce soit dans les communautés extra-communautaires ou chez les minorités, dès que c’est différent ça nous effraie. Quand nous avons peur et que nous ne sommes pas instruits, nous avons une certaine haine qui s’installe. À la base, la phobie vient de l’ignorance. Je pense que c’est une immense chance que j’ai eue.

Tu es issu d’une époque où les télé crochets permettaient à des artistes de faire carrière et j’ai l’impression que c’est moins le cas depuis la victoire de Slimane. Qu’en penses-tu ?

Slimane est un grand artiste depuis toujours ! Il a fait le casting de ‘Nouvelle Star’ à peu près en même temps que moi si je me souviens bien. Le gars a travaillé et son moment est venu avec ‘The Voice’. Ça fait 12 ans que je fais de la musique et que ça marche moyen. Là, d’un coup ça décide de dire “Ah c’est sympa ce qu’il fait !”. Il n’y a pas vraiment de trajectoire et peut-être que les gens qui ont gagné comme Maëlle que j’adore ont aussi besoin de temps. Elle, artistiquement parlant, ça sera une bombe atomique je pense ! Nous sommes tous soumis au temps, au travail et à l’investissement que nous y mettons.

De tous tes albums, Adieu je t’aime semble être celui qui t’a donné le plus de fil à retorde. Je me trompe ?

Disons que c’est celui qui m’a le plus tordu ! (Rires) Pour être honnête, je pensais que ça allait être un album posthume. Je ne le dis pas sur scène. Je ne pensais pas survivre à ce disque. Je pensais le faire, l’envoyer et ne plus vouloir vivre. Bien sûr que je suis allé dans des excès. Selon moi, le suicide est l’acte de lâcheté qui nécessite le plus de courage. Il faut en avoir pour le faire et il y a la lâcheté de celui/celle qui va se tuer. Moi, j’étais ce gars-là. Tous les jours, je me foutais un peu plus en l’air et chaque soir je me disais que ça allait peut-être être celui de trop et que j’allais mourir. J’ai survécu, j’ai eu un déclic. J’ai un ami qui a eu un grave accident de la route parce qu’il avait bu. Il a survécu mais d’autres personnes ont perdu la vie. Ce jour-là, le 9 juillet, j’ai dit que c’était terminé et c’est tout. Comme je l’ai dit sur scène, nous sommes plus précieux que ça et il faut que nous le sachions.

Sur cet album, il y a ce duo très puissant avec Hoshi. Il est important pour toi ce partage avec les artistes de la nouvelle génération ?

Hoshi est déjà rentrée dans le jeu depuis un moment. Elle a fracassé les portes, elle s’est posée, petit feu de cheminée… (Rires) Elle est superbe ! Sa dernière chanson (“Amour censure”) est juste incroyable ! J’ai fait un tweet ce matin et j’ai vu des réactions homophobes insupportables. Moi qui suis hétéro, je me demande vraiment si les gens ont que ça à foutre… Ça me rend fou !

Elle fait partie de la nouvelle génération parce qu’elle est jeune encore. Moi, je suis un vieux maintenant ! (Rires) Je n’ai aucun problème avec ça. Au contraire, je me sens un peu doyen dans le sens où j’ai découvert une artiste avant qu’elle perce. (Rires) Et pour le coup, elle a percé très fort ! C’est mon amie maintenant. Avec sa compagne, elles sont comme des sœurs pour moi et je les aime d’amour. Quiconque essaie de leur poser le moindre problème, je lui enlève les dents !

Découvrez “À qui la faute”, le duo d’Ycare et Hoshi :

Lors de ton concert à Rillieux, tu as déclaré ne plus vouloir chanter l’amour pourtant c’est un thème très inspirant quand on est artiste… Quels sujets vas-tu aborder si tu ne chantes plus l’amour ?

Je vais parler du temps, du souvenir de l’amour… Je ne serai plus dans la demande ou dans la recherche de l’amour. Pour moi, la plus grande chanson d’amour qui ne parle pas d’amour c’est “À toi” de Joe Dassin. Je l’ai écoutée ce matin et tu peux aussi la rajouter à ma Playlist. Elle est incroyable, je l’écoute en boucle en ce moment ! J’aime bien l’idée de cette chanson. Ne t’inquiète pas, il y a encore beaucoup de thème à aborder !

Tu as aussi parlé des chansons que tu “donnais” aux autres. À quel moment tu te dis qu’une chanson est pour toi ou pour un autre artiste ?

Je pense que je suis un grand paresseux et que j’ai parfois la flemme de chanter les chansons que je fais. Parfois, on me dit qu’un tel va chanter telle chanson et ça ne me pose pas de problème. J’écris plutôt vite et ça c’est une chance mais c’est vrai que je suis très paresseux. Tout le travail qu’il faut faire après l’écriture me donne la flemme de travailler. Aller à la radio, à la télé, faire ci et ça… En ce moment, je le fais beaucoup pour “D’autres que nous” parce que c’est une chanson importante et que faire des matinales pour la présenter c’est important mais si c’était juste pour raconter ma vie, ça ne se passerait pas comme ça. (Rires)

Durant ce même concert tu as annoncé que tu pensais ne plus chanter “Je vais dormir”… Ce n’est pas trop difficile de se détacher d’une telle chanson ?

Je me détache avec plaisir de cette chanson ! Je l’ai chanté samedi mais finalement, je ne pensais pas un traître mot de ce que j’ait dit. J’essayais de me souvenir de comment j’allais mal. Ce qui nous sauve aussi, c’est l’amnésie. Elle nous fait retomber amoureux, retourner vers une ex et retomber dans les mêmes écueils. Mais ça en vaut la peine ! Je suis amnésique du moment où je voulais mourir. L’émotion de ce sentiment de vouloir s’étouffer est tellement dure que je n’arrive pas à l’imprimer dans ma tête. J’ai fait un déni alors que je me souviens combien et comment j’ai eu mal quand ça s’est passé. Se souvenir de vouloir mourir est très difficile parce que je pense que mon cerveau a fait ce déni total. J’avais envie de rire et de faire une vanne.

Découvrez “Je vais dormir” d’Ycare :

Effectivement, j’ai remarqué que tu aimais beaucoup passer par la vanne et le rire…

Mais oui ! Au fond, ce n’est que de la musique. Même si quand je chante ce que je déclame, je le pense pour l’avoir pensé au moins une fois dans ma vie et que j’essaie de me souvenir. Je pense que tout ça n’était qu’une chape de plomb, une sorte de gravité, qui était au-dessus de moi et que je ne veux plus avoir. La, je suis dans la rue et je regarde les personnes les unes après les autres dans les yeux en leur souriant. Si je peux aider, alors j’aide. Je me suis réveillé et j’ai l’impression que je viens de naître… C’est très bizarre ! Je regarde les gens, je ne suis pas axé sur moi-même. Je pensais que ce que je faisais à mon échelle était important mais ça ne l’était pas. Dézoome un peu sur ta vie et tu verras que celle des autres est tout aussi importante. Voilà ce que j’essaie de faire maintenant !

Pour en revenir à “D’autres que nous”… Au départ, tu chantais ce titre en solo, comment en es-tu arrivé à la chanter avec Axelle Red ?

À la base, cette chanson est écrite comme un duo et j’ai cherché pendant très longtemps avec qui la faire sans trouver. Il s’avère qu’avec Axelle, nous avons un éditeur en commun qui m’a évoqué différents noms d’artistes parmi lesquels il y avait le sien. Il me fallait une artiste comme elle. Une légende, une artiste éternelle. Je veux que cette chanson soit éternelle malgré le fait qu’elle n’ait pas la forme d’un tube radiophonique actuel quand tu écoutes ce type de titre. C’est juste une chanson sincère qui vient du fond du cœur. Elle a tout de suite dit oui et l’aventure pouvait commencer. Ça fait un an que la chanson est sortie et elle marche seulement maintenant… C’est incroyable !

Découvrez “D’autres que nous (14 boulevard Saint-Michel)”, le duo d’Ycare et Axelle Red :

Tu es souvent à Bruxelles pour travailler avec Axelle, peut-on s’attendre à quelque chose de votre part en 2020 ?

Oui, nous pouvons clairement le dire ! Nous faisons des chansons mais nous ne savons pas encore quelle forme ça prendra. Un album, un EP, une tournée… La question reste entière ! Peut-être que nous donnerons certaines de ces chansons. Mais pour l’instant, nous faisons des chansons et nous sommes contents du résultat. Nous en avons 3-4 qui peuvent avoir, selon moi, une existence. D’ici janvier-février, nous annoncerons quelque chose !