Autobahn : cette mixtape à contre sens

Cette semaine le rappeur SCH était de retour avec la très attendue mixtape Autobahn. Quatorze titres, deux invités prestigieux et une D.A allemande bien sombre, tous les ingrédients étaient réunis pour un succès total. Pourtant, le projet divise et il y a de quoi. Une chronique signée aficia.

Avant toute chose, quelques rappels sur le projet en question. Autobahn ce sont ces portions d’autoroute en Allemagne où la vitesse n’est pas limitée. Automobile et Allemagne, deux thématiques courantes pour SCH qui en fait aujourd’hui un nouveau projet avec Autobahn. Côté titres, nous sommes en présence de quatorze créations pour 43 minutes, ainsi que de deux invités, Dinos et So La Lune. Une sortie de fin d’année idéale, une communication occulte autour de l’aura JVLIVS dont le S maitrise tous les rouages, sur le papiers tout semble bon. Mais qu’en est-il à l’oreille ? C’est ici que les incohérences pointent le bout de leur nez.

Autobahn : Marseille ou Napoli il faut choisir

Inutile de tourner autour du pot, à la manière d’un JVLIVS II, l’erreur phare d’Autobahn se cache dans son manque de cohérence et c’est d’autant plus flagrant dans cet opus. Il n’y a pas à chercher bien loin pour le comprendre, le titre éponyme de la mixtape résume tout.

L’intro glaçante d’efficacité qu’est “Magnum” côtoie sur le même disque le lunaire “Autobahn”.
La prod et la pose léchées de “Coeur de môme” fait face au dansant “Marginaux”.

Avant même parler de goûts vis à vis des morceaux, la question de la cohérence se pose donc. Tel “Mode Akimbo” dans JVLIVS II, on se demande pourquoi certains titres sont là. Toute l’ambiance du projet se retrouve, par à-coups, climatisée à cause d’une prod collégiale ou d’une punchline molle.
Le S nous a habitué à l’excellence et elle s’y trouve dans Autobahn, mais seulement par éclaircies.
Mythe ou ambiance, il faut choisir.


Ces jeux d’influences, entre commerce et attentes artistiques sont formidablement abordés par le Youtubeur TPZ dans cette vidéo.

A7 : un héritage peut-être trop lourd ?

Mixtape de diamant. Que dire de plus. C’est la première de l’histoire du rap français. Un palier franchit par SCH il y a un an jour pour jour avec A7. Mixtape à l’aura légendaire, avant même de naitre, Autobahn avait la pression de sa prédécesseur sur les épaules. Pression d’autant plus grandissante, que la communication du projet s’est faite autour de cet héritage. La promesse d’un « A7 2.0 », une évolution artistique évidente avec le passage des deux JVLIVS entre temps, la hype était à son paroxysme. Pour parfaire le tout, le premier titre dévoilé “LIF” respectait plus que correctement l’aura annoncée. C’était bien simple, depuis l’annonce de sa création, Autobahn n’avait tout simplement pas droit à l’erreur.



C’est d’ailleurs en cela que la chute a été d’autant plus rude pour les fans de 2015. Ce mélange des styles à tout simplement perdu tous les publics que le S a réussi à réunir depuis temps d’années. Vous l’aviez découvert sur A 7 ? Autobahn” et “Transmission Automatique” ne vont clairement pas passer. À l’inverse, si c’est la célèbre gâtée qui vous emmène, “83k” et “Magnum” vont assurément vous éloigner du projet.

SCH : une évolution qui reste intéressante

Pour autant, cela serait mentir que de dire qu’Autobahn est un échec. D’un point de vue commercial tout d’abord, on parle de SCH, donc les chiffres suivent. Le projet a cumulé 4 millions d’écoutes Spotify en à peine 24h. Visiblement, aimé ou non, SCH continue d’intriguer et nombreux sont les auditeurs à tenter l’expérience.

Première bonne conclusion à en tirer donc, la fanbase, aussi diversifiée qu’elle soit en termes d’attentes, reste solide. Une base stable sur laquelle le marseillais peut donc compter pour continuer de construire son univers et c’est tout ce qu’on lui souhaite.



D’un point de vue extérieur il est également interessant d’observer ces évolutions de carrière. Car si un artiste déçoit sur un projet, ici probablement par manque de cohérence, cela prouve à quel point le public tient à la direction artistique crée par ce même artiste. SCH a connu tous les étapes d’une ascension de carrière et nous, auditeurs, en sommes les précieux premiers témoins.

Et c’est sans nul doute cette évolution, due aux nouveaux publics, qui est la plus frustrante. Car beaucoup aimeraient ne jamais à devoir quitter ou délaisser le rappeur qui a tout explosé par une narration inédite en son genre. Parfois, le mythe JVLIVS dépose le manteau et laisse place aux couleurs bleues et blanches de la citée phocéenne. Bascule à laquelle nous allons devoir probablement nous habituer de plus en plus. Le S n’est pas le seul à passer par cette étape, Dinos, Damso, Soprano, PLK, Georgio, et d’autres également…

Néanmoins, il reste largement de l’espoir pour l’entre deux. Le projet Rooftop ou les titres Mannschaft et Blue Bahamas, en attestent, SCH sait tout à fait jouer sur les deux tableaux. Reste à voir où lui souhaite aller. Car oui, derrière tout cela, ne surtout pas oublier le plaisir de création pour l’artiste lui-même. SCH c’est aussi Julien Schwarzer. Et comme il le confiait dans une récente interview accordée au Code, le S « prend plaisir » à façonner tous ces styles.

Le mot de la fin, qui fera office d’édito pour cette chronique, on le laisse à SCH lui-même dans “Mayday” ainsi qu’à Soso Maness et son titre “Peine de mort”.

Nique un succès d’estime,
T’sais qu’on est là pour l’fric.
Putain qu’c’est beau l’oseille.
SCH & Ninho “Mayday”

SCH & Ninho “Mayday”

Hey yo, j’rappe la rue et j’te tarte sur une boom-bap,
Et j’mets mes enfants à l’abri avec une zumba ”

Soso Maness ”


Lucas Laberenne

Autobahn de SCH
Verdict

Avec Autobahn, SCH s'est lancé un pari risqué qu'il n'a malheureusement pas réussi à relever : faire côtoyer A7 et Bande Organisée. On assiste sans aucun doute à un tournant de carrière, dont le prochain projet sera décisif. Que restera-t-il ? La poudre d'un canon italien ou les crampons du Vélodrome ? L'avenir nous le dira. Toujours est-il qu'on ne manquera pas d'écouter car ça reste le S enc***

3.5