Keen’V en interview : « J’ai écrit ‘Thérapie’ comme si c’était le dernier, avec passion et authenticité »

À l’occasion de la sortie de son huitième album Thérapie, Keen’v a bien voulu répondre aux questions d’aficia pour évoquer ce nouveau projet plein de surprises et mettre fin à des rumeurs de fin de carrière…

Depuis plus de dix ans rien ne semble pouvoir arrêter Keen’V, bel et bien installé dans le paysage français. Celui qui cumule plus d’un demi-milliard de vues sur YouTube revient ce 8 mars, journée de la femme, avec un huitième album très personnel et sincère baptisé Thérapie. Comme en témoigne les premiers extraits « F*ck Keen’V », « J’courais » ou encore « Manipulé », ce nouvel opus sera toujours rythmé par des sonorités dancehall et propres à l’artiste.

Nouvel album, nouvelles envies… Keen’v nous a parlé en toute franchise de sa vision de la musique en ce moment et de son nouvel album qu’il qualifie d’authentique et de vrai. Des termes qui reviendront souvent au cours de cette interview très riche, qui nous permettent de mieux comprendre cette fameuse thérapie dont il est question… Sans oublier quelques anecdotes sur les Ajnin, sa sœur et sa volonté de prolonger sa carrière…

Keen’v… l’interview !

On te connaît comme un artiste qui crée des tubes à la pelle, mais aussi un chanteur à texte. Comment définies-tu le chanteur que tu es aujourd’hui ?

Comme quelqu’un qui fait ce qu’il aime. Il n’y a pas vraiment d’étiquette. Cela varie en fonction de mon humeur en réalité. Quand je suis triste, j’aime écrire des chansons tristes, quand je suis content, des chansons un peu plus festives. Comme ça, cela paraît comme plus sincère et plus authentique.

Te sens-tu évoluer au fil des années sur le plan musical et personnel ?

En tant qu’artiste, on a toujours la peur de se répéter, parce que quand tu fais huit albums, tu peux avoir la sensation de tourner autour de beaucoup de sujets, et puis il y a la maturité. Mes premiers textes sont sortis à l’âge de 25 ans alors que je les ai écrits lorsque j’avais 20 ans. Donc forcément, de 20 ans à 35 ans, tu as 15 ans, tu as grandis. J’imagine que toi aussi tu as grandis (Rires) !

Oui, car les commentaires « il est ringard » ou « il fait toujours la même chose… » ne sont pas rares je suppose ?

Évidemment que j’ai peur de décevoir !

Autant ça peut être compliqué parfois de trouver la façon de se réinventer, autant je me cogne de ce que les gens peuvent penser. Les commentaires des gens sont malveillants seulement lorsque qu’ils blessent. S’ils me blessaient, ils auraient gagné. Or, je ne vais pas leur donner cette victoire. Cela ne m’intéresse pas et cela ne m’atteints pas. Non pas parce que j’ai un surplus d’égo., c’est juste que je m’en fous. Je m’en moque. Et de toute façon, je ne vais pas faire ma vie avec eux. D’où le titre « Fuck Keen’v » et « Laisse les parler », les deux premiers extraits de l’album…

Découvrez la chanson « F*ck Keen’v » :

Tu sors un 8ème album. Ce n’est pas rien ! As-tu encore cette fameuse pression ou la peur de désintéresser ?

Pas forcément de désintéresser… c’est vraiment une peur de décevoir. Et j’ai besoin de cette peur en vrai ! Si je n’ai pas cette peur, c’est qu’il faut que j’arrête. C’est que ça commence à être alimentaire ! Mais je ne suis pas dans ce cas-là. Au contraire, ça continue d’être un vrai plaisir, encore plus avec cet album là car il est différent, même si c’est dans la continuité de ce que j’ai fait, c’est malgré tout une grosse évolution, et j’en suis très fier.

À quels niveaux cette évolution dont tu parles est notable ?

Je n’ai pas essayé de faire quoi que ce soit pour que l’on ressente une quelconque évolution. En vrai, ça s’est fait très naturellement.

Il y a bien eu un élément déclencheur ?

Disons que je n’ai pas fait un album. J’ai plutôt fait des titres, des titres, des titres… jusqu’au jour où j’ai perdu ma grand-mère. J’ai écrit pour elle. Cela m’a fait du bien de me rappeler pourquoi j’écrivais à la base. Quand j’étais adolescent, je n’écrivais pas parce que j’avais un talent d’écrivain. J’écrivais parce que j’étais timide et que je n’arrivais pas à parler avec les gens, ça me faisait énormément de bien. Je me suis rappelé de ça en fait. C’est ce que je dis dans « Pour aller où ». Je me suis rappelé à quel point cela me faisait du bien d’écrire. J’ai commencé à revenir sur les fondamentaux, sur l’écriture et sur ce que je dis.

C’est donc l’album le plus personnel que tu n’aies jamais fait ?

Carrément ! Si tu regardes bien, le ‘H’ et le ‘P’ de ‘Thérapie’ veut, certes dire ‘Hôpital psychiatrique’, mais aussi et surtout Huitième et Personne, donc huitième album. Je les ai mis en rouge pour les faire bien ressortir (Sourire) !

Tu planches sur Thérapie depuis maintenant deux ans, deux ans où tu es enfermé en studio non-stop. Mais c’est une étape très importante pour toi…

C’est la première fois que je sors un album dit concept

Je pense que quand tu veux produire autant de titres en studio, tu dois passer du temps en studio, c’est logique ! Mais moi c’est plus compliqué que la plupart des artistes car lorsque je suis en studio, c’est pour à la fois l’écriture, la composition. J’ai cette multi-casquette que les simples interprètes n’ont pas. Donc oui, ça prend du temps. J’ai de toute façon ce besoin viscéral de la genèse du morceau à la fin.

Tu saurais chiffrer ce temps passé ?

C’est facile, attends ! [5 secondes plus tard…] 32 heures par semaine ! Mais je peux mettre deux semaines sur un titre, alors que des fois je peux mettre un jour. Mais quoi qu’il en soit, le temps n’est pas un gage de qualité. J’aimerais beaucoup écrire mes titres en trente minutes ! C’est quelque chose qui vient tout seul, avec le feeling. Des fois, tu as besoin de bien plus de temps pour composer. Par exemple, « Insomnie », l’un de mes titres préférés sur l’album m’a pris des années et des années à le sortir, à le finir. Sans compter la production sur laquelle on est quand même revenu cinq fois.

Pour un artiste, écrire un album est souvent une thérapie en soit. En quoi cet album l’est encore plus pour toi ?

En réalité, je ne suis pas très fan des interviews, car cela fait parler de moi. Par exemple, j’ai caché pendant des années comme quoi j’étais marié. Cela me permettait de garder mon jardin secret. Mais dans cet album, je ne sais pas pourquoi, j’ai voulu me laisser porter et je me suis dis : « Allez, ouvre toi, il est peut-être temps ».

Il était peut-être aussi temps pour les fans d’en découvrir plus sur le Keen’v qu’ils connaissent déjà ?

Je parle de dépression et de mes tentatives de suicide

Oui, tout à fait. C’est bien ce que tu dis parce que tu sais, quand tu fais un album, tu te dis toujours que c’est peut-être le dernier. Et je me suis fait cette réflexion : « Si ça devait à devenir le dernier, et bien ils sauront qui j’étais ».

Avec cet album, tu dis souvent t’être libéré et redevenir toi-même. À quel point cela peut t’avoir changé ?

Comme je te disais tout à l’heure, je me suis simplement rappelé pourquoi je faisais de la musique. Dès fois, je me saurais mis des claques sur certaines interviews où je disais « je m’arrêterai à cet album », tout simplement parce que je voulais une belle fin. Mais en vrai, c’est une remarque d’un enfant gâté car au fond, c’est un rêve de gosse que je réalise. Ce n’est pas parce que j’ai réussi qu’il faut que j’arrête maintenant. Au contraire, il faut que j’en profite ! Ce sont sur ces petites choses-là aussi que j’ai pu changer, grandir et mûrir.

Découvrez « J’courais » de Keen’v :

On a écouté plusieurs extraits déjà. J’ai l’impression que tu as envie de dresser un constat général de la société.

C’est clairement ça. J’avais besoin que ce soit authentique, que cela sorte du cœur. Si tu veux, l’album 7, je l’ai écrit pour le public. Je m’étais demandé : « Qu’est-ce que je peux faire pour leur faire plaisir ? ». Là, sur ce nouvel opus, je me suis davantage concentré sur moi-même afin d’expliquer ce que j’avais envie d’exprimer : « Si c’était à des amis à qui je m’adressais, qu’est-ce que je leur dirais ? ».

D’autres thèmes qui te tiennent à cœur ?

J’explique tout ce qui m’ai arrivé après la perte de ma grand-mère et qui pourra aider, je l’espère, beaucoup de gens. J’évoque aussi la dépression, thème dont personne ne veut parler, comme si c’était un truc tabou alors que ce n’est pas quelque chose que l’on contrôle. Je parle de mes tentatives de suicide lorsque j’étais plus jeune. Mais je parle aussi de choses plus joyeuses où je me dis qu’on est bien comme on est, même si tout le monde peut changer. Il y a vraiment des thèmes très différents, aussi bien positifs que négatifs mais dans l’ensemble il est authentique.

Le morceau dont tu parles de dépression, pour quelle genre de production as-tu opté ?

Faire un film avec Rayane Bensetti ?

On en parle !

Une production plutôt dansante. C’est une chanson qui a tout une histoire car je l’a partage avec ma sœur (Loreleï B, ndlr). Elle et moi avons eu une enfance… bizarre. Quand j’ai voulu partir, c’est elle qui m’a retenue. Donc c’était normal qu’elle se retrouve sur le titre. Et en plus de ça, il y a Ajnin, le groupe formé par mes deux p’tits gars qui m’accompagnent sur scène. Ce sont comme mes frères, ils font partie de la famille. En gros ça fait (il chantonne la chanson) : « J’aurais pu ne jamais vivre cette vie, si tu l’avais fait, si tu l’avais fait… ». C’est un petit message qui dit aux gens que, même si on pense parfois à en finir avec tout, moi je suis conscient aujourd’hui que j’aurais certainement raté quelque chose d’exceptionnelle.

3 arguments que tu donnerais au public pour écouter Thérapie ?

Il leur fera du bien, déjà ! Cet album m’a fait beaucoup de bien car il me fait passer par différentes étapes. C’est une vraie thérapie. Ensuite je pense que par curiosité il faut l’écouter car c’est une grosse évolution et surtout, faites-moi plaisir, si vous l’écoutez, écoutez-le dans l’ordre !

Est-ce que tu aurais une anecdote sur ton album à donner ?

J’en ai une ! J’avais un titre, il ne fallait pas qu’il soit trop anxiogène, ni qu’il soit trop dans la thérapie non plus donc c’était rigolo car c’est le premier album que je fais où il y a un véritable concept. Là, tout tourne autour de la thérapie. Pour chaque titre, je me suis posé la question « Pourquoi ? Pourquoi est-il dans ma Thérapie ». Pour chacun d’eux, je sais. C’est compliqué. Je me suis royalement pris la tête !

As-tu eu des propositions artistiques récemment, que tu aurais refusé ?

On parle de film avec Rayane Bensetti depuis plusieurs années. Si je devais faire un film ça sera avec lui. J’ai eu des proposition de radios, mais au niveau planning c’est compliqué. Hélas, je reste très concentré sur la musque.

Est-ce qu’on parle encore de ‘dernier album’ ?

Je n’en parle plus ! C’était une phase de ma vie où j’avais eu tout ce que je voulais. C’est débile en soit. Ça fait très enfant gâté !

Un mot sur tes amis Ajnin et leur titre « El Chapo » ?

Ils font leur bout de chemin. Il était temps qu’ils prennent leur envol, bien qu’ils m’ont dit que ce n’était pas une nécessité. Sauf qu’à l’heure actuelle, je commence à ne plus pouvoir les suivre en tournée en boîte de nuit, alors qu’eux, ils sont jeunes, ils ont encore cette pêche et cette énergie ! Ils ont tout de suite adoré le projet sur lequel je co-compose et co-écrit. Donc une belle carrière solo s’offre à eux maintenant…

Pourra-t-on entendre Loreleï B chanter bientôt en solitaire ?

« Jamais de la vie » m’a-t-elle dit. Elle ne veut pas de la même vie que moi. Elle a deux petits enfants qui sont trop mignons et ça lui va bien (Sourire) !

Découvrez « El Chapo » d’Ajnin :

#PLAYLIST
En exclusivité pour aficia, Keen’v livre sa PlayList ‘Coups de Coeur’… Sa bande-son du moment à écouter sans modération !
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#WTF

Quelque chose que tu changerais dans le monde ? Qu’on arrête de croire qu’il y a des races supérieures, tant humainement qu’au niveau des animaux. Qu’on arrête de croire que les animaux sont à notre disposition, qu’on les utilise dans les corridas par exemple. Qu’on arrête de croire qu’il y a des races : que les noirs sont meilleurs que les blancs, les blancs soient meilleurs que les arabes… On essaye de trop se communautariser. À vouloir tous être au-dessus de tout le monde, on oublie qu’on a tous une conscience.

La dernière chose que tu ferais avant de mourir ? J’espère que je kénerais quand même !

Si tu avais la possibilité de te réincarner en une personnalité ? Je peux pas dire ce que je vais dire, c’est un peu violent ! (Il réfléchit) Je suis bloqué sur mon idée. Ah, si, le Dalaï-Lama.

Une chanson qui te fait pleurer ? Jenifer « Donne moi le temps »

Un film ou une série à voir absolument dans sa vie ? ‘Games Of Thrones’, et si tu l’as pas vu, tu as complètement raté ta vie ! Il y a des séries, c’est comme ‘Breaking Bad’, il faut se forcer. Il faut regarder la première saison et après tu es bloqué !

Ton dernier coup de cœur musical ? Jaléo & Nicky Jam.

Ton meilleur souvenir de scène ? Ça c’est impossible La dernière tournée était exceptionnelle. Après, je vais quand même te dire Rouen car c’est toujours spécial.

Si tu étais une insulte ? Nique-toi !

Tu rencontres des Martiens, comment tu décris ta musique en trois mots ? Je leur fais écouter, on gagne du temps.

L’album indispensable quand tu t’en vas en vacances ? Je ne bloque pas sur un album. Le dernier Angèle est bien.

Si tu étais une invention ? J’aimerais bien être la machine à remonter le temps.

Une chose que tu regrettes ? De ne pas être allé voir ma grand-mère le jour où je devais aller la voir.